"CES COMÉDIENS ONT ENVAHI L’ECRAN AVEC UNE MAUVAISE IMAGE DE LA RELIGION"
OUSTAZ NDIAGA SECK, PRÊCHEUR À RFM
En cette période du mois béni de Ramadan, ils sont plus cotés que quiconque. Il s’agit des animateurs religieux et prêcheurs qui occupent les antennes de radios et écrans de télévision. Grand-Place en a capté un en la personne d’Oustaz Ndiaga Seck, prêcheur à la Tfm et coordonnateur de l’association Adiowo Djam qui regroupe des animateurs religieux des médias. Dans cet entretien, il revient sur le programme-ramadan des télés. Très remonté contre les comédiens qui, regrette-il, «jouent avec la parole divine», il bannit tous les sketches qui passent à l’heure de la rupture du jeûne. Sans faire dans la langue de bois, oustaz Ndiaga renvoie le président Macky Sall au jugement dernier
Grand-Place: On vous connait prêcheur à la radio Rfm mais qui est réellement Oustaz Ndiaga Seck ?
Oustaz Ndiaga Seck: Je suis aussi l’un des fondateurs de l’association Adiowo Djam. Cette association a pour vocation de rassembler des animateurs religieux dans les médias pour mener des activités concrètes. Vous conviendrez avec moi que le nom de notre association est très significatif et renvoie à l’objectif de notre association. Et, je pense que chaque personne a besoin de paix. Je précise que je suis le coordonnateur de l’association, imam Moussa Gueye en est le président.
Pourquoi avoir senti le besoin de créer une association des animateurs religieux des télés et radios ? Est-ce pour changer quelque chose dans votre travail ?
Je ne veux pas que les animateurs religieux, qui n’en font pas encore partie, se sentent exclus. C’est moi qui ai eu l’idée de rassembler les animateurs religieux pour un seul objectif. Je veux surtout que les Oustaz, les imans et autres animateurs religieux arrêtent de se contredire. C’est cette division qui m’écœure. C’est vrai que nous ne pouvons pas avoir les mêmes visions des choses, surtout que d’aucuns estiment qu’ils ont des grades supérieurs aux autres. Nous ne sommes pas des ennemis. C’est juste que ce sont les positions qui différent sur certains sujets. Après ce constat, je me suis dit que nous devons avoir une même vision et nous rencontrer souvent pour discuter et avoir des positions communes, et que chacun apporte sa connaissance sur un sujet qui concerne la religion. Nous avons la responsabilité de redresser les gens et cela doit commencer par nous-mêmes.
Mais apparemment vous n’avez pas fait appel aux animateurs religieux qui font le Buzz et qui sont bien suivis comme Oustaz Alioune Sall?
Si (il insiste). Quel Oustaz est plus populaire que Taïb Socé, d’Oustaz Mor Thiam et de moi-même Oustaz Ndiaga Seck ? Chaque animateur religieux a quelque chose de plus que l’autre. Nul n’y peut rien. Mais, moi, je pense que ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas participer mais plutôt qu’ils ont des emplois du temps très chargés. Et on prend en compte cela pour ne pas les léser.
Depuis que vous avez créé cette association, quels sont les actes que vous avez posez ?
L’idée m’est venue de la créer lorsque le président de la République avait invité l’année dernière les imams, les Oustaz et les guides religieux à un ndogou au Palais. J’ai beaucoup apprécié son geste symbolique. Nous avons beaucoup échangé avec le président. Et dans ses propos, j’ai compris que le message qu’il nous a lancé c’est de dire que c’est nous les religieux qui pouvons l’aider à redresser ce pays. Car nous avons la responsabilité de participer à rétablir l’ordre et la discipline dans le pays. Le premier acte que nous avons posé, c’est lors des récentes grèves des étudiants qui ont été très violentes. Nous avons demandé au ministre Mary Teuw Niane à le rencontrer et il avait ré- pondu positivement. Quand nous sommes allés le voir, nous avons, par la suite, rencontré les étudiants pour les appeler à la raison et les calmer. Nous avons beaucoup participé à calmer la tension à l’université Cheikh Anta Diop sans que cela ne soit médiatisé. Notre deuxième acte, c’est la journée de prière que nous avons organisé à la grande mosquée de Dakar pour les soldats qui doivent être envoyé en Arabie pour la guerre au Yémen.
Justement quelle est votre position dans cette polémique sur l’envoi de nos soldats en Arabie Saoudite ?
Il ne faut pas oublier que nos vénérés grands marabouts Serigne Touba et El Hadji Malick Sy ont tous fait participer leurs talibés et fils à des guerres. Ils ont envoyé des contingents dans un pays étranger alors que ces hommes n’avaient pas la capacité de manipuler une arme mais ils sont partis en guerre. Alors et la presque totalité de ces soldats sont revenus sains et saufs et cela est du au fait qu’à leur départ ils avaient bénéficié de prières pour les protéger. Pour nous, qu’ils partent ou pas, l’essentiel c’est de prier pour ces soldats.
Certains pensent que votre association veut faire les yeux doux au président de la République Macky Sall, c’est de la politique déguisée?
Si cela était notre objectif, nous allons lui envoyer une lettre pour faire appel à lui. Nous n’attendons personne pour poser des actes nobles. Il n’a jamais participé à nos actions par sa présence, ni financièrement. C’est plutôt Makhtar Cissé qui nous a remis une enveloppe de 500.000 fcfa pour cette journée de prières. Et n’oubliez pas que nous avons récité 60 Kaamil. Cet argent, reçu, a été reversé dans les différents daarasqui ont fait le travail avec nous. Nous ne sommes pas des politiciens, nous sommes des Oustaz. N’empêche que nous savons comment faire la politique. Il nous est très facile de rassembler des gens. C’est d’ailleurs pour éviter cet aspect politique que nous avons choisi la mosquée comme siège parce que dans ce lieu, nous sommes tous égaux, il n’y a pas de distinction de classe sociale ni de statut. «Macky Sall sera audité sur tous les actes qu’il a posés. La Crei, dont ont parle, n’est pas souveraine…»
Vous voulez dire que vous n’attendez rien du président de la République en termes d’appui financier ?
Si, mais pourquoi pas ? Comment est-ce qu’on peut travailler pour son pays et ne rien attendre du président de la République, c’est insensé. S’il nous contacte, nous allons lui ouvrir nos portes. Mais, on n’acceptera pas d’être manipulé par qui que ce soit. Les gens, qui voudront bien nous suivre dans nos actions, se plieront à nos exigences.
Quelle lecture faites-vous des actions que posent le président Macky Sall et son gouvernement ?
Je m’adresse d’abord au président de la République à qui Dieu a donné le pouvoir pour nous diriger. Il faut qu’il soit conscient que le jour du jugement dernier, il aura des comptes à rendre sur la manière dont il a gouverné le pays. Macky Sall sera audité sur tous les actes qu’il a posés. La Crei, dont ont parle, n’est pas souveraine. Car, il peut y avoir des interventions ou des magouilles, mais devant Dieu, il n’y aura point d’interventions, les actes parleront d’eux-mêmes. Qu’il prenne compte de cela. Et qu’il n’oublie pas que les Sénégalais ont eu confiance en lui en le portant au sommet. Ce n’est pas parce qu’il est le meilleur. Mais, il arrivera un moment où quelqu’un d’autre prendra sa place. Il doit respecter les promesses faites au peuple même si on sait qu’il ne pourra pas tout concrétiser.
Mais qu’est-ce que votre association apporte de plus à la vie politique et sociale du pays ?
Sur le plan social, on a dé- passé le stade de conférence, on joint l’acte à la parole. La preuve, nous avons été de passage à la prison des mineurs pour soutenir les prisonniers et surtout les gardes pénitentiaires qui sont chargés de surveiller ces enfants. Coté politique, on ne fait pas de la politique politicienne, on essaie de voir comment adopter le meilleur comportement et l’imposer aux autres. «Les jeunes oustaz peuvent se permettre de fré- quenter les boîtes de nuit pour…»
On a tendance à voir de nouveaux style de prêcheurs investir le monde de l’audiovisuel, et chacun d’entre eux adoptent un style différent, comment voyez-vous cette nouvelle tendance?
Je rends grâce à Dieu et pourvu que ce phénomène continu et ne s’arrête jamais. Il est indispensable de voir de nos jours des Oustaz qui viennent avec d’autres façons de faire. Il y’a des animateurs religieux qui ont un style différent de ceux d’Iran Ndao ou d’Alioune Sall. C’est bien, les choses et le monde évoluent. Ces derniers, à leur âge, ne peuvent se permettre d’adopter certains styles. Mais, les jeunes oustaz, qui sont en phase avec la mondialisation, peuvent adopter leur propre style qui cadre avec la façon de vivre des musulmans. Ils peuvent se permettre de s’habiller costume cravate sans qu’on n’ait des préjugés sur eux. Ils peuvent même fréquenter les boites de nuit et découvrir ce qui s’y passe pour pouvoir appeler les gens sur le bon chemin. «La parole de Dieu, c’est du sérieux»
Et que dite-vous de la manière dont certains prêcheurs font leur show à la télé ? Ne sont-ils pas folkloriques ?
Non, ce n’est pas du folklore. Chacun adopte son propre style pour amener les fidèles à suivre la religion. Du moment où le message passe, c’est bien. Donc, j’approuve ce nouveau type de prêcheurs à la radio ou télévision. Car ils sont en phase avec la jeunesse. Ainsi, nous pourrons, par la même occasion, reprendre l’aura que les théâtres nous ont prise. Ces artistes comédiens ont envahi l’écran avec une mauvaise image de la religion.
Expliquez-vous ?
Si on ne fait pas attention, ces petits sketches qu’on passe surtout durant le ramadan vont pervertir les jeunes et les inciter à prendre la religion comme un jeu. Ils ont tendance à jouer avec la religion pour faire rire les téléspectateurs. Ils ne font pas de distinction entre la réalité et la fiction. Ce qui peut être fatal pour la nouvelle génération. Si c’est pour soulager les personnes, il n’y a pas mieux que la parole de Dieu et ses recommandations. On ne parle pas de l’islam pour faire rire. La parole de Dieu, c’est du sérieux. Il faut qu’ils arrêtent d’utiliser la religion comme moyen d’amasser de l’argent.
Quel est le message que vous aimeriez lancer à l’endroit des Sénégalais ?
Les gens doivent se retourner vers Dieu. Les Sénégalais accordent plus d’importance aux plaisirs de la vie que la religion. La preuve, tant qu’on ne verse pas dans le tiaxane au Sénégal, on n’est pas branché, on te considère comme un marginal.