CES GENS-LA…
L’EXTRAVAGANCE AFFLIGEANTE D’UNE INCONSCIENCE CRIMINELLE
Il faut remonter à loin dans la mémoire, pour se rappeler une Nation qui cultive la décence. En un quart de siècle, notre République est passée des altitudes de Léopold Sédar Senghor aux sénégalaiseries de …Farba Senghor. En réalité, la grossièreté d’Aminata Mbengue Ndiaye est tout juste un amuse-gueule dans cette vallée de désolation. Quelle tristesse !
Léopold Sédar Senghor, à sa démission en 1980, ultime leçon d’élégance, part en emportant à son corps défendant les règles de bienséance, lesquelles ne sont plus dans les fondements de la République du Sénégal.
Depuis plusieurs décennies, n’importe lequel de nos concitoyens qui a l’insigne honneur de se faire recevoir par un ministre de la République, sait qu’il faut poireauter longtemps après l’heure fixée pour être reçu par quelqu’un qui, en guise d’introduction à votre conversation, fera semblant de s’excuser de l’attente et s’écoutera parler avant d’évacuer le sujet sans vraiment entendre ce pour quoi l’on est venu le voir.
Parce qu’à vrai dire, ces gens-là sont tellement persuadés de leur supériorité sur le commun des mortels qu’ils ressentent même comme une injustice, l’ignominie de ne pas avoir droit de vie ou de mort sur nous autres, simples Sénégalais.
Ces gens-là, on les reconnait entre mille : ils s’habillent neuf et cher, se marient people, crèchent somptueux, roulent rutilant et vous regardent de haut, depuis leur superbe. Etre modeste est une tare à leurs yeux ; être pauvre, un crime.
Je ne sais plus lequel d’entre ses collaborateurs disait de Léopold Sédar Senghor qu’il ne l’avait jamais vu saluer quelqu’un en restant assis. Quand vous entriez dans son bureau, il se tenait debout pour vous saluer. Lorsque vous partiez, il vous raccompagnait jusqu’à la porte.
On pouvait tout lui reprocher, sauf de manquer de tenue, d’éducation. Chez ce bout d’homme, cela frisait l’obsession. Comme être ponctuel. Ou, plus généralement, rigoureux dans le travail. Il professait, rapporte-t-on, qu’écrire un courrier sans faute relève de la simple courtoisie. Pareille niaiserie fait ricaner, de nos jours.
Quand on a de l’éducation, faire son travail convenablement est la moindre des politesses. Là, sans doute, se trouve la réponse à notre sous-développement chronique. Disons-le tout net : ces messieurs-dames qui nous gouvernent manquent d’éducation.
Passons sur les outrages aux bonnes manières, qui sont le moindre mal. Le sans-gêne, l’impudence, la boulimie et la vulgarité de ces gens-là font pitié à voir. Mais c’est surtout leur inconscience qui est criminelle. Ils se vautrent dans l’autosatisfaction avec une extravagante goinfrerie des fastes, du luxe et de la luxure, oubliant jusqu’à leur mission première : servir le pays qui leur a donné plus que de raison.
Quand vient leur moment de joie, ces gens-là ne peuvent pas comprendre que la terre entière ne soit pas heureuse avec eux, pour eux. Les tragédies qui émaillent l’existence de nos hommes publics sont de grands moments d’étalage de leur généalogie de circonstances, de leur richesse et de ses signes extérieurs.
Quand un de leurs proches meurt, alors qu’ils se répandent dans les médias, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’avis de décès qui convoque la République à des fastes pour se faire une idée de la camorra d’appartenance. Quand ils viennent à vos funérailles, c’est toujours une mondanité de plus pour se faire asticoter publiquement le nombril, la douleur des familles restant dans le cagibi des accessoires.
Durant quelque lecture d’adolescent, j’ai appris des samouraïs, guerriers japonais dont l’art du combat continue de faire le tour du monde, que «la première leçon de savoir-vivre est le savoir-mourir». Ces gens-là, qui nous gouvernent selon les caprices de leurs egos surdimensionnés, iront en terre ainsi qu’ils auront existé, sans le moindre doute sur le sens de la vie. Parce qu’ils manquent de savoir-vivre.