CES PLAGES INTERDITES ET MEURTRIÈRES MAIS ADORÉES PAR LES JEUNES
GADAYE, MALIBU, MALIKA, YEUMBEUL, ETC.
Elles sont nombreuses, en banlieue dakaroise, ces plages qui sont interdites de baignade. Et pourtant, des jeunes qui sont oisifs le temps des vacances bravent l’interdit préfectoral et affrontent la houle qui est souvent dangereuse. Résultats des courses, plusieurs noyades. Rien que la première quinzaine du mois en cours, plus de 8 victimes ont été enregistrées sur les berges de Gadaye, Malibu, Malika, entre autres. EnQuête a fait le tour de certaines pages et elles sont toujours fréquentées.
Le bilan est inquiétant, pour ne pas dire catastrophique. 8 enfants, tous âgés de moins de 15 ans, sont morts noyés en moins de 15 jours sur les plages de la banlieue dakaroise. Il s’agit de Malika, Gadaye, Malibu, Yeumbeul, entre autres plages. Dans ces drames, certains parents ont pu faire leur deuil, avec la découverte des corps de leurs victimes. Par contre, d’autres n’auront jamais cette chance, puisque les flots les ont emportés. Cependant, malgré ces tragédies récurrentes, les plages, devenues des cimetières pour jeunes, ne désemplissent pas, en cette période de forte canicule.
EnQuête a fait le tour de plusieurs plages interdites de baignade, pour avoir une idée des raisons qui poussent les jeunes à braver les interdictions. C’est le cas cet après-midi de forte canicule. La plage Malibu de Guédiawaye est une fois de plus prise d’assaut. A côté des hordes de jeunes et moins jeunes venus se prélasser et profiter de la fraicheur de l’eau, évoluent les joggers. "Je sais que cette plage est interdite, mais c’est la plage la plus proche de chez moi. Il nous reste quelques jours à savourer, avant la rentrée des classes, puisque nous allons arrêter d’y venir", déclare Modou Ngom qui vient à peine de boucler ses 14 hivernages.
"Mes parents ne sont pas au courant"
Puisqu’il n’a pas les moyens de se rendre sur une plage autorisée, le potache préfère tromper la vigilance de ses parents et se payer quelques heures à Malibu. "C’est évident que mes parents ne sont pas au courant que je me baigne ici. Je parviens à venir ici sans soucis, car je maitrise leur emploi du temps et je sais à quelle heure ils vont demander de mes nouvelles ou après moi. Avant cette heure, je serai à la maison", souligne l’adolescent avec malice.
Un autre jeune de son âge s’invite au débat. "Grand, nous sommes en vacances, il faut qu’on s’amuse. Nos parents ne nous emmènent pas à la plage. S’ils le faisaient, on allait jamais fréquenter les plages dites interdites. Je suis conscient que c’est un risque, mais que faire ? Vu que nous aimons trop la mer et nous sommes en vacances", lance le collégien Omar Ka. Un autre vacancier, qui suit la discussion depuis un moment, s’en mêle. "Je viens ici, tous les soirs. Mais pas pour me baigner, juste pour passer du bon temps, car mon père m’interdit de me baigner ici. Et pour rien au monde, je ne vais braver l’interdiction de mes parents. Mes amis ne savent pas ce qu’ils avancent. Et, c’est vraiment risquer de se baigner trop jeune dans une mer, en plus qui est interdite", souligne le futur candidat au BFEM.
"Il n’y a pas de mer qui ne soit dangereuse"
Autre plage, autre décor. Nous sommes à la plage de Gadaye. Ici, la berge est pleine de monde. Les uns jouent au football, les plus téméraires jouent au "volleyball" dans l’eau. Sont-ils au courant que cette plage est interdite ? "Bien sûr que oui, nous le savons", répondent-ils en chœur. "Il n’y a rien de mal à fréquenter cette plage et à se baigner ici. Sauf que la houle est un peu dangereuse à une certaine heure de la journée". "Il n’y a pas de mer qui ne soit dangereuse".
Il faut savoir que cette plage a vu mourir de nombreux enfants, depuis plusieurs années. Cette réalité ne semble émouvoir personne. "Ceux qui sont morts ici avaient rendez-vous avec l’ange de la mort. Personne ne peut échapper à son destin. Je ne crois pas que, s’ils ont péri sur cette plage, c’est parce qu’elle est interdite. Il faut que les gens arrêtent de diaboliser nos plages, car nous n’avons qu’elles", martèle un adulte trouvé en train de se baigner. Selon l’individu qui n’a pas voulu dévoiler son identité, il y a des plages qui ont enregistré des morts, alors qu’elles sont autorisées.
"Mettre sur pied un dispositif sécuritaire assez impressionnant"
Sur la plage de Malika, Nogaye Fall partage de bons moments avec ses enfants. Elle a un avis tranché sur la question. "Les enfants ont l’habitude d’aller à la plage en période de canicule. Et ils continueront à les fréquenter, quoi qu’il advienne. Moi, je pense que la seule chose à faire, c’est de mettre sur place un dispositif sécuritaire assez impressionnant. Il faut que les autorités recrutent beaucoup de maîtres nageurs et de jeunes pour surveiller les plages", confie la dame. Pour elle, si ce dispositif n’est pas mis en place, les jeunes continueront toujours à fréquenter les plages interdites.
Du côté des parents, c’est un sentiment d’impuissance qui prédomine. Ils se disent incapables de retenir leurs enfants. Inquiets de cette situation, la plupart souhaitent que les plages soient sous la surveillance de services de l’ordre ou de maîtres nageurs.