CHEIKH KANTÉ S’ATTAQUE À LA GESTION DE BARA SADY
PORT AUTONOME DE DAKAR
Le Port Autonome de Dakar a signé avec le groupement Eiffage-jan de Nul un contrat de 10 milliards FCFA pour le dragage du chenal d’accès. Une occasion pour le Directeur Général du PAD, Cheikh Kanté, de dénoncer le contrat signé en 2009 par son prédécesseur. Qui a servi sur un plateau d’argent une enveloppe de près de 20 milliards de FCFA, pour le même service, effectué seulement à hauteur de 1/10. Autre défi urgent à relever par le PAD, la sécurisation du transbordement de certains produits dangereux, notamment le soufre.
« J’ai dit au président de la République qu’il lui arrivait de respirer du soufre émanant du port », a révélé le Dr Cheikh Kanté, directeur du Port Autonome de Dakar (PAD). On notera également que les produits alimentaires, dont l’oignon, sont débarqués dans la même zone que le soufre. Une situation explosive qui pourrait valoir au PAD une plainte de la part des consommateurs sénégalais. L’état des lieux de l’infrastructure portuaire n’est guère reluisant. Il y a eu un laisser-aller coupable de la part des anciens gestionnaires.
Outil stratégique de l’économie sénégalaise, le PAD a besoin d’un coup de lifting pour s’offrir une nouvelle jeunesse. De la zone sud du port en passant par le port de pêche, la zone nord et le chenal d’accès, les maîtres mots sont insalubrité, occupation anarchique et dégradation. Des sommations seront envoyées aux propriétaires des épaves de bateaux non renfloués et des engins laissés en rade au mole 10. Mais la situation qui inquiète également est la zone des hydrocarbures où une catastrophe peut survenir à tout moment. En effet, le réseau des pipelines est dans un état fort inquiétant.
Compétitivité, efficience et sécurité sont les trois défis que le Port Autonome de Dakar s’est fixés. Le dernier volet de ce triptyque a vu récemment l’arrivée de 450 agents recrutés pour mieux assurer la sécurité au sein de l’infrastructure. Une gageure, compte tenu de l’enjeu sécuritaire qui préoccupe les plus hautes autorités sénégalaises.
La nouvelle direction du PAD s’est attelée au dragage du chenal d’accès. En 2009, pourtant, ce travail avait été effectué. Les 20 milliards de FCFA engloutis à l’époque n’auront presque servi à rien. Effectués à la suite d’un appel d’offres, les travaux de dragage n’auront été réalisés qu’à hauteur du dixième. Un scandale qui a été dénoncé par le directeur de l’Exploitation et de la Sécurité, le commandant Ambroise Sarr, dans une note confidentielle datée du 16 janvier 2009 qui était adressée à Bara Sady, l’ex-Directeur général du PAD.
Dans cette missive, il était indiqué que « les Phares et Balises ont procédé à un sondage des zones qui avaient été draguées dans le cadre d’un des lots du marché relatif à l’extension du Terminal à conteneurs. Cependant, le constat que nous avons fait est que sur les plans de sondage qui nous ont été adressés, les cotes de dragage initialement ciblées ont été rarement atteintes ». La note administrative ajoute : « on peut estimer sans trop de risques de se tromper, que la cote de 13 m n’a été atteinte qu’à peine sur 1/10ème de la zone draguée. Sur certains points, la cote de dragage est restée à 11 m et parfois moins ». Il résulte de cette situation décrite par l’autorité, que les navires cibles de 12,5m de tirant d’eau ne sont pas en mesure de fréquenter le troisième poste à quai à toute heure de marée, avec un pied de pilote de 10% du tirant d’eau.
Cette défaillance relevée dans le dragage du chenal a été sans sanction de la part de Bara Sady, ancien directeur général du Port. L’affaire a été mise sous le coude pour ne pas fâcher Karim Wade, fils de l’ancien président de la République, à qui on prêterait de solides amitiés avec les sociétés qui avaient remporté l’appel d’offres. Ces sociétés s’appellent Drapor, Gomom et Somagec. Elles n’avaient honoré leur contrat qu’à hauteur de 10% mais ont été payées rubis sur ongle. L’affaire a atterri entre les mains de l’Inspection Générale d’Etat, nous a-t-on confié.
Une situation qui serait à l’origine du limogeage du directeur des Phares et Balises du PAD. Il a été remercié à la suite de l’audit commandité par le nouveau Directeur Général, très soucieux de doter le port des meilleurs outils pour être compétitif. Ainsi, le Sénégal se trouve encore face à un scandale découlant de la mauvaise gestion de l’ancien régime. Une affaire de plus, après le scandale Dubai Port World dont on attend le dénouement.
« Un chenal d’accès bien dragué est une condition essentielle pour la compétitivité du PAD et pour en faire un port d’éclatement et de transbordement de la sous région », a indiqué le commandant Ambroise Sarr. Un challenge que veut relever Cheikh Kanté, le DG du Port Autonome de Dakar, qui, après avoir commandité un audit du chenal d’accès, a lancé un appel d’offres international qui a été gagné par le groupe Eiffage-Jan de Nul. Le coût de l’opération sera de 10 milliards FCFA, obtenus grâce à un emprunt obligataire lancé en 2010.
Une opération qui se fera dans la transparence, selon le DG du Port Autonome de Dakar. Efficacité et célérité marqueront les travaux qui seront menés, car la société belge mettra en chantier à Dakar la drague la plus puissante au monde, pour réaliser en 4 mois des travaux qui auraient duré près de deux ans. « C’est un gain de temps et d’argent », assurent des techniciens du port de Dakar.
« L’Etat fera une économie de plus de 11 milliards, comparé à ce que nous aurait proposé l’ancienne direction », soulignent-ils. Les travaux qui seront effectués par le groupement d’entreprises Eiffage-Jan de Nul, porteront sur le dragage du chenal d’accès intérieur et extérieur, pour le normaliser avec les profondeurs du Terminal à conteneurs et permettre ainsi l’accueil de navires de 3ème génération. Ainsi, à court terme, le PAD répondra aux normes du trafic maritime international et espère ainsi retrouver toute sa compétitivité. Qui a été plombée, ces dernières années, par l’impossibilité pour les bateaux d’un certain tonnage d’accéder au port en période de marée basse.
Le PAD a perdu 25% de sa compétitivité, ces cinq dernières années, selon des experts. Qui indiquent qu’avec le potentiel dont il dispose, il doit pouvoir faire face à la concurrence, malgré un environnement très concurrentiel et très difficile. Dakar dispose, en effet, d’atouts de taille. Si les investissements adéquats sont faits, nul doute que toutes les ambitions seront remplies, mais il faudra agir vite et développer la vision du Port du futur, qui ne doit plus être seulement un slogan. Un défi de taille pour la nouvelle direction du port.