CHRISTOPHE LE SERVITEUR
JE SUIS PERL ! Quand le parcours d’un homme est aussi riche, ses connaissances aussi denses qu’éclectiques, sa générosité infinie, il n’y a qu’un mot pour couvrir ses élans humanistes : ‘MERCI’
La lâche et mortelle agression qui a emporté Christophe Paulo, ne s’arrête pas à raviver biologiquement et physiologiquement nos souffrances. Elle nous contraint au constat presque impuissant, pour ne pas dire, désespéré, de l’ampleur des insouciances qui dérégulent notre quotidien.
C’est parce que Christophe a fondé toute la raison d’être de son existence à donner du sens et de la valeur à notre quotidien, que sa mort physique constitue une rupture d’équilibre dans le processus de régulation de notre désir de vivre dans une saine normalité. Même si le fondement crapuleux de son (ou ses meurtriers), semble prévaloir, les conséquences de cette ignominie sont innommables et incalculables.
Quand le parcours d’un homme est aussi riche, ses connaissances aussi denses qu’éclectiques, sa générosité infinie, il n’y a qu’un seul petit mot pour tenter de couvrir la magnitude de ses élans humanistes, c’est, MERCI. Alors, MERCI Christophe !
S’il me reste un seul regret, c’est de n’avoir pas connu plus tôt Christophe, pour lui dire MERCI, avant qu’il ne fût plus des nôtres. N’étant ni grimpeur, ni environnementaliste encore moins manipulateur de données informatives sensibles, mon point de convergence avec Christophe, c’est bien entendu, la PERL, la farouche et ardente volonté d’empêcher le pillage du littoral. J’étais pourtant loin d’imaginer que cet homme à l’allure anodine d’un Européen en mal d’exotisme, était un Serviteur à la vision prométhéenne. Ses servitudes transformaient les besoins et attentes des autres en autant d’opportunités. Sans barrières physiques ou psychologiques. Sans frontières, au-delà des limites qu’un homme d’une disponibilité incommensurable, peut s’imposer. N’est-ce-pas Moctar ?
J’aurais beaucoup de mal à placer ces mots sur mes sensations, pour exprimer cet hommage, si Pierre et Moctar ne m’avaient donné l’occasion de croiser cet homme multidimensionnel (pour une fois ce qualificatif n’est pas emprunté ni galvaudé).
Mais, et surtout, si devant l’ignoble chantier de Wamy aux Mamelles, les amis, compagnons, les étudiants, les partenaires de Christophe n’avaient sorti, dans l’abattement et l’hébètement, dans le trémolo de leur voix, ces témoignages poignants.
Quel était Christophe ? Loin s’en faut, ces hommages n’étaient pas de circonstance. Ils sortaient du cœur et allaient aux cœurs, dans un intense moment de communion et de partage.
Les hommages à titre posthume sont en quelque sorte la mémoire du cœur. Ils témoignent d’une reconnaissance qui s’impose à nous, parce qu’elle s’enracine et s’instancie dans un vécu commun, dont les acteurs pour la plupart, sont encore de ce monde.
L’hommage à Christophe s’impose à notre conscience, comme un devoir infaillible. A défaut, on prendrait le risque de nous diluer dans le flot des amnésiques pour qui, seules comptent les opportunités matérielles que Christophe distiller à l’envi. Nous n’en serons pas !
Nous serons désormais aux côtés de ceux qui ont compris et partagé le combat de Christophe. Et pas du bord de ceux qui ont choisi les lambris dorés et les douillets conforts de l’expatriation, pour faire comme l’autruche, prévoir de ne rien voir. Quel dommage pour nos sociétés assoiffées de bien-être et de vertu !
Derrière le sourire radieux des parents de Christophe dont les clichés nous ont été généreusement servis par Pierre, il transfusait une reconnaissance, une manière de solliciter la mémoire de leur cœur et nous dire en retour : «nous partageons la douleur incompressible des Sénégalais».