Chronique d’un pillage organisé
AEROPORTS DU SENEGAL ET DAPORT
Le pillage de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor de Dakar est comme de la laine tricotée avec des artifices multiples. Pour la détricoter, L’Observateur reprend l’aiguille et les grandes dates qui ont conduit à tisser la nappe à coups de milliards de FCfa.
Juin 2005. Sous les lambris dorés d’une salle polyvalente de Washington (Etats-Unis), des membres du gouvernement du Sénégal, pieds sous table, évoquent avec des représentants de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi) tirés à quatre épingles la construction du Nouvel aéroport de Diass. Une plateforme qui doit répondre aux normes de sécurité et à la protection de l’environnement en matière aéroportuaire. Une exigence des institutions de Bretton Woods qui mettent au premier plan les questions de sécurité. A la suite d’appels d’offres internationaux, la Société Saudi Bin Laden group Sbg et le consortium Fraport (Entreprise allemande spécialisée dans la gestion aéroportuaire, Ndlr) Ag-Contrac Flughafen Konzessions ont été sélectionnés et reconnus respectivement pour la construction et la gestion du Nouvel aéroport situé à Diass.
Le 8 juin 2006. L’Etat du Sénégal signe une convention avec la société de projet de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd), pour la réalisation et la maintenance, l’exploitation et le développement de l’aéroport. Puis les choses s’accélèrent, puisque l’Etat s’intéresse à la gestion des flux financiers de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Parce que, dans l’attente du démarrage de l’Aibd, le gouvernement décide de transférer, à la société de gestion et d’exploitation de l’Aéroport Blaise Diagne, la gestion et l’exploitation de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor. C’est ce qui va motiver plus tard la dissolution de l’Agence des aéroports du Sénégal (Ads).
Le 19 Décembre 2006. L’Etat du Sénégal passe à la vitesse supérieure. Car la société Aéroport international de Blaise Diagne. Sa (Aibd.Sa) contracte, avec la société Daport constituée par le consortium Fraport Ag-Contrac Flughafen Konzessions, une concession aéroportuaire d’une durée de 20 ans. Seulement, les tenants du pouvoir de l’époque dévoient le procédé qui a conduit à la sélection de Fraport qui ne détient que 10% de la gestion et l’exploitation de l’aéroport de Diass, alors que le consortium Fraport Ag-Contrac Flughafen Konzessions, qui détient 90% d’Afriport, se retrouve de fait le réel exploitant du nouvel aéroport. Le comble du ridicule, c’est que cette entité ne dispose d’aucune référence professionnelle, car elle est spécialisée dans la transmission de données. Daport, pour sa part, est une société anonyme de droit sénégalais enregistré auprès du registre de Commerce de Dakar et du Crédit mobilier de Dakar sous le numéro : SnDakar-2062006-16890, filiale à 100% de la société anonyme de droit luxembourgeois Afriport, détenue à 10% par Fraport et 90% qui reviennent à un citoyen allemand du nom de Lothar Ebel, et le reste à l’entreprise générale Air Service.Sa qui est domicilié à Panama City, un paradis fiscal connu. Derrière tout ce procédé, se cacherait Wade-Fils.
Mai 2009. L’agence des Aéroports du Sénégal (Ads) signe un accord avec Daport. Dans lequel, les Ads accordent, à chaque fin du mois, un montant de 96 millions de FCfa. Un versement effectué jusqu’en février 2012, ce qui fait un cumul de 2 milliards 500 millions de F Cfa. Sans contrepartie aucune de la part de Daport. De l’argent soutiré des caisses de l’Etat pour enrichir le citoyen allemand Lothar Ebel et ses complices sénégalais…Karim Wade ? Un Allemand qui serait un personnage de premier plan dans l’exploitation des bus de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, mais dont les comptes sont logés dans des paradis fiscaux.
Mai 2009. L’Etat du Sénégal signe avec Daport un accord en deux phases. Dans la première, Daport fournit à Ads une assistance au titre de l’exploitation et de la gestion de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, ainsi que des services de conseil portant sur l’inventaire et évolution des équipements et infrastructures sur l’analyse de documents et manuels de performance de l’aéroport sur l’amélioration des revenus pour les prestations. Daport devra payer des honoraires équivalents à 5% de son chiffre d’affaires annuels. Avec un montant mensuel minimum de 125 000 Euros (environ 81 250 000 F Cfa). Daport prend l’intégralité de l’exploitation de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor. Elle percevra les redevances aéronautiques et extra-aéronautiques. Pourtant Daport n’a aucune compétence en la matière et reçoit de l’argent de l’Etat, près de 96 millions de F Cfa, sans contrepartie.
Janvier 2012. Comme tous les mois, depuis mai 2008, le Directeur général de l’Agence des aéroports du Sénégal saisit par correspondance l’Agent comptable principal des Aéroports du Sénégal avec pour objet le paiement d’un acompte à Daport. «Monsieur, je vous demande de prendre toutes les demandes nécessaires pour procéder au paiement d’un acompte de 96 millions de F Cfa, sur les sommes dues à l’Agence des Aéroports du Sénégal, à Daport au titre de la convention du 8 mai 2009. J’attache du prix à l’exécution diligente de ces instructions», signe le Directeur général. A chaque fin du mois, l’Agent comptable, Monsieur Konaté, établit un chèque auprès d’une banque de la place.
26 janvier 2012. Le Sénégal est debout pour contester la candidature de Wade-père à la Présidentielle de 2012, alors président de la République. Mais Abdoulaye Wade est préoccupé par autre chose : les terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Il prend sa plume pour dissoudre par décret les Aéroports du Sénégal et fait main basse sur le patrimoine foncier de l’aéroport de Dakar. L’article 9 fixant les modalités de la liquidation de l’Agence des aéroports du Sénégal est sans équivoque : «Ces biens peuvent être affectés, par décret à titre gracieux ou onéreux, à toute entité ou personne morale de droit public investie de tout ou partie des missions dévolues précédemment à l’agence dissoute.» Finalement, aux alentours de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, les terres sont bradées à des proches du régime, notamment de Karim Wade, qui se partageraient les parcelles de terre.
12 mars 2012. L’Agent comptable, M. Konaté, envoie au Directeur général de l’Agence des aéroports du Sénégal (Ads) une correspondance pour «endormir» ses supérieurs, par rapport à un paiement d’un acompte de 440 millions de FCfa dû à Daport que lui réclame le Directeur général. Il cherche manifestement à gagner du temps. D’autant que les résultats du second tour de l’élection présidentielle ne seront connus que le 25 mars. «Des négociations sont en cours pour faire face aux difficultés de recouvrement des créances dues, en grande partie, par la Compagnie Sénégal Airlines. Vous noterez, écrit-il au Directeur général Mbaye Ndiaye, que les engagements pris par le Directeur général de cette compagnie pour apurer graduellement les sommes qui nous sont dues (près de 2 milliards 300 millions de FCfa, solde arrêté en fin février 2012), ne sont pas, à ce jour, respectés. Ce qui ne milite pas en faveur de la bonne exécution de nos opérations de règlement.»
12 avril 2012. Le Président Macky Sall, sentant un coup fourré à milliards sur le patrimoine important, prend la décision d’abroger le décret portant dissolution de l’Agence des aéroports du Sénégal. Une structure dirigée par Mbaye Ndiaye qui avait été dissoute par l’ancien Président Wade et sa liquidation avait même été prononcée et confiée au Directeur général de l’Anacs, Mathiaco Bessane. Et les terres aux alentours de l’aéroport, cédées à des particuliers, reçoivent un coup d’arrêt. Mais, l’on est loin du compte. Le mal est déjà fait. D’autant que la plateforme aéroportuaire a perdu de sa superbe dans le jeu de micmac de haut vol mené par des bandits à col blanc.