COMMUNICATEUR TRADITIONNEL OU TOUT SIMPLEMENT GRIOT?
Un griot est un téméraire conseiller du roi- le seul qui osait dire des vérités difficiles au monarque. Un communicateur traditionnel est un professionnel, traditionnel dans ses outils, sa stratégie, ses origines…
Qu’est-ce qu’un communicateur traditionnel et qui peut se prévaloir - réellement et légitimement - de ces titre et fonction ? Ces questions ont été largement expliquées par des spécialistes dans la rubrique « Actumédia » de la chaîne Walf Fm. Quelle différence faut-il faire entre un griot et un communicateur traditionnel ? Ce concept - et aussi rôle - de communicateur traditionnel a été inventé dans les années 90 par l’Unicef qui voulut, par le recours à ce personnage, vulgariser son Programme élargi de vaccination (Pev) et susciter une vaste mobilisation en faveur de cette stratégie pour une immunisation des enfants de 0 à 5 ans contre sept maladies.
D’ailleurs, la député Aminata Diallo, alors écolière haute comme trois pommes, fut sacrée meilleure adopteuse d’enfants (« j’ai adopté douze enfants », fut sa déclaration devenue un spot publicitaire à la télévision nationale sénégalaise) effectivement immunisés.
Il fallait donc des médiateurs sociaux pour une stratégie qui reposait sur ce que les spécialistes de la communication Paul Lazarsfeld et Elihu Katz dénommèrent le « two-step-flow of communication » (la communication à double étage) ; une affirmation qui conteste la théorie habituelle du pouvoir des médias et soutenant que la communication atteint ses cibles réelles en passant d’abord par des personnes influentes, lesquelles, à leur tour, transmettent, de manière efficace, le message à des destinataires finaux.
Et voilà donc que les stratèges de la communication de l’organisme onusien mirent à contribution les griots et entrèrent alors en scène des figures comme le grand griot dakarois Hadj Mansour Mbaye - depuis lors désigné comme président des communicateurs traditionnels. Et puis suivit la génération des Mbaye Pekh, Bécaye Mbaye, Khadim Samb… qui portent désormais ce titre comme une distinction académique et avec beaucoup de coquetterie et tout autant de sérieux. Une carte de visite qui vaut ben son pesant… d’influence.
Mais, à entendre les explications expertes fournies par les personnes interrogées par « Actumédia », un communicateur traditionnel n’est pas forcément un griot ainsi qu’on a fini par le faire croire ; ainsi aussi que les Hadj Mansour ont profité de l’amalgame. On peut être un communicateur de ces style et profil sans être griot ; user des moyens, d’outils de communication traditionnels sans être de la caste des Mbaye Pekh.
Un griot ne fut pas qu’un simple batteur de tam-tam ni qu’un conteur d’épopées, mais un proche et téméraire conseiller du roi – le seul qui pouvait et osait dire des vérités difficiles au monarque. Un communicateur traditionnel est un professionnel, traditionnel dans ses outils, sa stratégie, ses origines…
Dans les cérémonies, ici au Sénégal, c’est un simple porte-voix (« jottalikat ») d’une personnalité parlant à voix basse ou s’adressant à une foule vers laquelle sa voix est trop basse pour porter. Un médiateur, en somme. Dans le cas du Pev de l’Unicef, il s’agissait de vaincre la suspicion culturelle, populaire vis-à-vis de la vaccination et on crut que le griot pouvait aider à dissiper cette méfiance.
L’usage de la langue nationale wolof dans certaines émissions de santé
Après avoir écouté ou en écoutant l’émission de santé de Zik Fm, on en sera à se demander si cette émission est en wolof ou en français tant l’usage des langues a marqué d’un bout à l’autre cette production.
Certains termes du lexique médical sont impossibles à traduire en wolof – et c’est l’un des défis pour les linguistes. A une certaine époque – lycéenne celle-là – nous nous émerveillions de la traduction de termes scientifiques du français au wolof par le savant égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop qui traduisit par, exemple, « thermodynamique » par « tang doxal »ou « tangdoolé ».
Il faudra que les linguistes en partenariat avec les médecins trouvent un terme en wolof pour dire, par exemple, « progestérone », « hormone »…. La balle est dans leur camp pour que le puriste et écrivain MomarGuèye, colonel à la retraite, ne se scandalise plus du « massacre du wolof par la radio et la télévision au Sénégal » (sic).