"CONCESSIONS" DE L’ARMÉE
BURKINA FASO : ACCORD SUR LES INSTITUTIONS DE TRANSITION, LE CASTING TOUJOURS EN DÉBAT

Ouagadougou, 13 nov 2014 (AFP) - Le Burkina Faso a fait jeudi un pas important vers une sortie de crise: l'armée au pouvoir et les civils sont tombés d'accord sur les institutions de la transition, mais le casting fait toujours débat.
Près de deux semaines après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans de règne, les laborieuses tractations des derniers jours semblent enfin porter leurs fruits.
"L'armée est d'accord avec la charte de transition. Nous sommes parvenus à un accord sur l'architecture même des organes de transition", a affirmé à l'AFP le lieutenant-colonel Isaac Zida, l'homme fort du pays depuis que l'armée a pris les commandes à la suite de la chute du régime Compaoré. "Maintenant, nous sommes en train de discuter de qui mettre à quelle place", a-t-il ajouté.
Les postes de président et de président du parlement de transition sont d'ores et déjà acquis à des civils, a-t-il assuré.
Celui de Premier ministre aurait à l'inverse été proposé à l'armée, contre la suppression d'une clause interdisant au président de la transition d'être issu d'un parti politique, a-t-on appris de source militaire. Le fait qu'un civil dirige la transition est "notre solution depuis le départ", a souligné le lieutenant-colonel.
Mais, selon lui, il est "tout à fait indiqué" que cette personne "ne soit pas un homme politique", faute de "garantie" qu'il ne fera pas campagne "pour son propre parti politique" lors des prochaines élections, ce qui replongerait le Burkina "dans une crise profonde".
Poursuite de l'influence de l'armée durant la transition, stratégies des différents leaders de l'opposition: les enjeux des discussions actuelles sont majeurs.
Les autorités intérimaires doivent diriger cette ex-colonie française de quelque 17 millions d'habitants pour une durée d'un an et organiser des élections d'ici novembre 2015.
Assemblée de validation
Armée et civils se sont rencontrés à 14H00 (heure locale et GMT). Une assemblée de validation du projet de "charte de transition", sorte de Constitution intérimaire, doit finalement se tenir vers 18H00 GMT, selon des négociateurs.
Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères et ténor de l'opposition, se montrait déjà optimiste jeudi matin. "Nous allons nous entendre. Si l'armée ne pose pas de réserves, on va signer le document aujourd'hui".
Mis sous pression par l'Union africaine et les partenaires occidentaux du Burkina Faso pour qu'ils rendent le pouvoir, les militaires ont dû faire des concessions.
Un pré-accord a été conclu mercredi mais n'avait pu être validé, les délégués de l'armée étant partis "recueillir les avis et amendements de leur hiérarchie", selon un négociateur civil.
L'armée, qui au départ voulait placer l'un des siens à la tête du Conseil national de transition (le parlement de transition), a "cédé" sur ce point, a reconnu le lieutenant-colonel Zida.
En outre, dans le pré-accord, le CNT devient un organe "législatif", alors que l'armée souhaitait qu'il soit simplement "consultatif".
Une instance dite "de la réconciliation nationale et des réformes", dont ne voulaient pas les militaires, est aussi évoquée.
De cet organe dépendra une commission "vérité et réconciliation" voulue par la société civile pour "faire la lumière sur les crimes économiques et de
sang" commis par l'ancien régime, selon l'un de ses membres.
"Nous avons fait beaucoup de concessions dans l'intérêt du Burkina", a assuré le lieutenant-colonel Zida.
L'Union africaine a posé le 3 novembre un ultimatum à l'armée pour qu'elle passe le flambeau aux civils dans les quinze jours, sous peine d'éventuelles sanctions.
Du côté burkinabè, on réclame cependant du temps pour organiser la succession de Blaise Compaoré, président déchu et exilé en Côte d'Ivoire voisine.
Les médiateurs africains "veulent aller directement aux élections, même dans six mois. Mais pour nous, il ne s'agit pas seulement de cela", insiste un délégué de la société civile.