CONFLIT D’INTÉRÊTS ?
CONCESSION DE LA PLATEFORME DE DISTRIBUTION DU PORT
Le cercle des «ennemis» du directeur général du Port autonome de Dakar s’élargit. Cette fois c’est une autre polémique qui vient d'être soulevée à la suite de la concession de sa plateforme de distribution.
Dans cette nouvelle affaire qui vient se greffer au dossier de la concession du terminal vraquier au groupe français Necotrans, il y a des relents de conflits d’intérêts qui lient la société concessionnaire SNTT à la SEMAC, société spécialisée dans la commercialisation des engrais et dans laquelle l’actuel directeur général du Port a occupé les fonctions de directeur général et de propriétaire.
Selon des sources bien au fait du dossier, la plateforme a été «offerte» à la société SNTT qui est liée aux fournisseurs principaux de la société SEMAC que sont le groupe suisse Bosch et la société malienne TOGUNA qui ont besoin d’aires de stockage. Ce que le Directeur général du Port leur aurait facilité avec cette concession faite au manutentionnaire SNTT.
«Ainsi se dessine un triangle dont la SNTT est le point nodal qui relie BOSCH et TOGUNA, fournisseurs du client SEMAC qui n’est autre que la société du DG du port», explique Alla Sène Guèye de la société AIG (African, Industrie Gateway).
Dès lors, ajoute l’administrateur général d’AIG, «les traders lui vendent tout en sachant qu’ils ont des garanties de stockage à travers la SNTT qui, au moment de la soumission, devait 300 millions de FCfa de redevances au Port». Avec un tel procédé, la société SEMAC est épargnée des frais d’importations et de stockage du produit qu’elle va directement enlever au niveau des hangars de la SNTT.
Or la société AIG qui occupait déjà un hangar de 8000m2 sur la plateforme a été expropriée sous prétexte qu’elle l’a sous-loué à SNTT, ce qui fait dire à son administrateur que «dans cette affaire, le Port semble vouloir barrer la route au groupe ROULLIER, concurrent de BOSCH et n°1 mondial sur le marché de l’engrais, avec une trésorerie de 1000 milliards de FCfa.
En privant AIG et ses partenaires de son entrepôt de 8000m2, «le directeur du Port offrirait ainsi un boulevard à ses partenaires et à sa société».
Toute cette opération a été menée, selon Alla Guèye, en «violation flagrante» de la réglementation de l’UEMOA qui stipule qu’«une société dans laquelle une autorité contractante a des intérêts personnels ou financiers ne peut soumissionner aux appels d’offres lancés par cette autorité», une mesure qui vise à éviter de biaiser la transparence dans les procédures de passation de marché et aussi les conflits d’intérêts !
Selon M. Guèye, sa société qui est établie au Mali a investi 700 millions de FCfa dont les 434 millions ont été empruntés aux banques hors du Sénégal pour des remboursements mensuels de 27 millions.
Avec cet investissement, la société a pu acquérir un matériel de logistique portuaire moderne et créé 50 emplois directs à Dakar, mais, se désole le jeune entrepreneur, avec «une direction pareille, tout cela risque de partir à l’eau».
C’est pourquoi, il interpelle les autorités, le président de la République au premier chef, pour «arrêter» cette spirale «contre les entreprises sénégalaises établies au Port et qu’on leur laisse au moins leurs infrastructures».
Très amer, le responsable relève des «irrégularités» qui ont entaché la procédure de l’appel d’offres. A l’en croire, la date de clôture des dépôts a été reportée à deux reprises. Prévue initialement en novembre 2013, elle a été avancée au 16 décembre de la même année, puis une deuxième fois et, cette fois-ci, de façon verbale, au mois de janvier.
M. Guèye soupçonne que ces reports ont pour but de «permettre à certains d’avoir une idée des offres des concurrents afin de préparer une meilleure offre». A cela s’ajoute le fait que l’heure de clôture des dépôts n’a pas été communiquée et également l’ouverture des plis n’a pas été faite en présence des soumissionnaires.
Pourtant, explique notre interlocuteur, «dans le cadre de l’appel d’offres qui exigeait des capacités juridiques, techniques et financières, AIG qui a un capital de 500 millions de FCfa, a trouvé des associés comme CAIT qui fait du stockage d’huile avec un capital de 840 millions de FCfa, en plus du groupe français ROULLIER, n°4 mondial de l’engrais, INVIVO, n°1 européen des céréales, et du marocain SOFILOG qui ont tous joint leurs manifestations d’intérêt pour faire du Port de Dakar un hub qui va accueillir des navires de 50.000 tonnes avant d’être dispatchés par des navires de 5000 tonnes dans la sous-région.
Et ces entreprises qui ont déjà un frêt consistant ont besoin d’aire de stockage pour apporter de la valeur ajoutée sur les matières premières importées. Il s’agissait, selon M. Guèye, de faire du Port un pôle industrialo-portuaire en ajoutant au stockage une activité industrielle à l’image des idées de MIMRAN et de la SONACOS et en essayant de faire comme les Ports de Shangaï, n°1 mondial, et Amsterdam, 1er port européen, avec l’huile de palme en provenance de Malaisie qui est conditionnée sur place.
Malheureusement, les porteurs de ces projets vont encore ronger leur frein pour des périodes allant de 10 à 25 ans, c’est-à-dire la durée des concessions.
Aujourd’hui, la question que se posent les acteurs du Port c’est : quelle place pour les Sénégalais dans le Port avec le RORO qui est allé à la SDV, le Vraquier qui a été "offert" à NECOTRANS et aujourd’hui la plateforme de distribution qui est entre les mains du malien SNTT. De surcroît, notent les acteurs, aucune de ces sociétés concessionnaires ne justifie une expérience dans le domaine.
Par ailleurs, la méthode de management du Directeur général, au-delà des acteurs, inquiète aussi les travailleurs qui s’interrogent sur l’inflation de la masse salariale qui serait passée de 11 milliards à 12 milliards soit une hausse de 14% que leur patron expliquerait par des «avantages» et autres «indemnités» octroyées mais qu’eux mettent sur le compte du recrutement massif de plus de 700 employés, opéré entre 2012 et 2013.
Conséquence, aujourd’hui «les salaires, qui étaient perçus au Port à partir du 25 de chaque mois, ne sont plus disponibles avant le dernier jour du mois et parfois c’est jusqu’au 3 du mois suivant», nous confie un des employés de l'entreprise.