CONSEIL NATIONAL DES SUPPORTEURS: PREMIER PAS VERS LA LÉGITIMITÉ
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Le Conseil national des supporteurs de football (CNSF), créé jeudi, est un premier pas vers la légitimité des groupes de supporteurs à discuter avec les instances du football et permet d'envisager l'arrivée de l'actionnariat populaire dans le football français.
La naissance de ce CNSF a surtout pour but de répondre à une demande des pouvoirs publics exprimée dans le rapport Glavany sur le football durable de janvier 2014, qui souhaitait l'émergence au niveau national d'une représentation organisée des supporteurs.
Mais ce conseil va d'abord devoir gagner en légitimité auprès de l'ensemble des groupes de supporteurs français, avant de devenir un interlocuteur incontournable.
"L'encre de nos statuts n'est pas encore sèche", explique Florian Le Teuff, président d'+A la nantaise+, un des trois groupes de supporteurs à l'origine du projet avec les +Socios Nancy+ et la +Fédération des culs rouge+ de Rouen.
Cette création ex nihilo n'a pas manqué d'interroger certains autres groupes de supporteurs, invités au Sénat pour les premières +Assises du supportérisme+ jeudi, et également sollicités pour rejoindre le CNSF, sans avoir été associés à sa création.
"Dans les autres pays européens, c'est à chaque fois quelques groupes de supporteurs qui ont été à l'initiative avant que le mouvement ne s'élargisse", se défend Florian Le Teuff.
Etre associé à la gestion des clubs
"Nous sommes dans une période de lancement. Toutes les associations qui représentent des supporteurs dont les statuts sont conformes, ont vocation à intégrer le conseil. On ne veut pas des associations qui, manifestement, seraient complètement hors la loi. C'est la seule limite que nous nous mettons", explique Jean-Pierre Clavier, professeur des facultés de Droit, directeur de l'Institut de recherche en Droit privé, et co-fondateur du CNSF.
A plus long terme, une fois la légitimité acquise, le CNSF a pour objectif de favoriser la réflexion sur le rôle des supporteurs en France.
Il espère ainsi faire évoluer les mentalités, en faisant notamment glisser le curseur des relations avec les autorités de la répression vers un peu plus de prévention. Pour les membres fondateurs du CNSF, les supporteurs sont autre chose que des délinquants ou des vaches à lait.
En filigrane, ils souhaitent faire germer l'idée qu'un actionnariat populaire est possible en France au sein des clubs.
"Il n'y a rien d'extraordinaire à ce que les supporteurs soient intégrés à la gestion ou même soient entièrement propriétaires des clubs. L'actionnariat populaire, ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire", a assuré William Gaillard, conseiller du président de l'UEFA Michel Platini, et invité par le CNSF aux assises.
"En Angleterre, il y a par exemple les +trust+. En Espagne, avant la loi de 1982 qui a créé les sociétés anonymes sportives, tous les clubs étaient gérés par des associations de supporteurs. Aujourd'hui il en reste encore quatre avec Osasuna, l'Athletic Bilbao, le Barça et le Real Madrid", a-t-il souligné avant d'expliquer en quoi l'actionnariat populaire est tout à fait d'actualité.
"Le modèle des sociétés sportives par actions est en crise. Le président de l'Atletico Madrid expliquait récemment qu'il en est à 500 M EUR de dettes, qu'il allait peut-être gagner la C1 mais peut-être aussi mettre la clé sous la porte ! C'est la crise d'un modèle dans toute l'Europe. En Allemagne, il y a des alternatives, la loi oblige ainsi que 50%+1 des clubs soient dans les mains des associations locales. Hambourg, grand club, est même entièrement dans les mains de ses supporteurs", a rappelé M. Gaillard.
En France, cette culture-là n'est pas inscrite dans les moeurs, où les clubs sont vus comme des structures entièrement privées.
"Rien n'oblige les propriétaires à ouvrir leur capital aux supporteurs", ont souligné les différents juristes présents aux assises.
A peine né, le CNSF a donc déjà de belles années de lutte devant lui.