COUPABLE !
Karim Wade n'est pas condamné à mort, mais seulement à six ans de prison, pour avoir manqué de philosophie de vie, comme Socrate, jusqu'à se compromettre dans des délits plus infamants

Coupable ! Tel est le verdict. Karim dans les liens de la détention, le pays est depuis divisé en deux groupes, les uns aussi passionnés que les autres, selon qu'on le croit bel et bien coupable ou seulement victime d'un complot de revanchards. Le procès s'est quand même tenu et là est la grande victoire de notre pays. Un petit pas, rien de plus normal dans le processus judiciaire, mais un véritable bond de géant de notre démocratie.
Cette démocratie qui n'a de cesse d'exalter notre fierté lorsque, par des actes inédits, nous l'auréolons de victoires et de prestiges, que le monde nous reconnait et envie. Tout cela a un prix. Un prix plus élevé que les intérêts personnels ou partisans.
Aujourd'hui que le verdict attendu est tombé, il s'agit pour tout citoyen de notre République de savoir souffrir stoïquement au cas où personnellement cela lui porterait une affliction, pour éviter que le pays qui nous unit n'ait à connaître le pire.
L'éthique réside dans ces ambition et capacité à s'émanciper des clivages de toutes sortes, sacrifier ses propres jouissances pour des ravissements suprêmes.
Si ce pays n'a pas brûlé au moment où Cheikh Ahmadou Bamba (Rda) était condamné à l'exil, ni quand les éminents hommes politiques, pères de notre indépendance, Mamadou Dia et consorts (paix à leur âme) furent injustement emprisonnés, suites à des parodies de procès bien politiques cette fois, ou encore quand l'un de nos plus brillants universitaires de son temps, Oumar Blondin Diop (paix à son âme), était martyrisé, il ne devrait pas l'être aujourd'hui juste parce que le fils d'un ex-président est condamné, alors même que ce dernier avait attendu que son père soit élu président, pour se rappeler qu'il avait un brin d'attache sénégalaise et rentrer pour bien en tirer profit. Sinon il faudrait alors se rendre à l'évidence que la corruption des mœurs et consciences a entretemps atteint gravement notre société.
En tout état de cause, il est vrai que condamner un fils de président est une première chez nous et je comprends que cela perturbe quelques incrédules. Cependant être le premier des ministres à être condamné pour enrichissement illicite ne serait-il pas la conséquence la plus probable pour un habitué du haut du podium sans honneur- premier fils de président à être dans un gouvernement de son père, premier à occuper quatre ministères à la fois, premier des ministres de l'histoire du pays à ne voyager qu'en jet privé, etc.
Ceci dit, retenons que pour le moins, cet aboutissement condamne le népotisme et élève une balise dissuasive pour qui voudrait abuser à l'avenir de son pouvoir, pour prospérer avec les siens. Si ce procès n'avait pas abouti, l'on pourrait se retrouver demain dans ce pays avec un élu qui nomme sa dame vice-présidente, son fils Premier ministre et ses trois frères respectivement ministres des Finances, des Forces armées et de l'Intérieur.
Par bonheur ce procès du domaine des rêves impossibles s'est tenu et le verdict est un argument pertinent venu créditer la légitimité de la CREI et des diligences, dont elle s'est si bien acquittées. Elle n'a pas à être parfaite comme institution mais juste bonne et utile à apporter des solutions nécessaires aux problèmes de notre société. Pour en arriver là, malgré les écueils, il a fallu un engrenage d'actes posés par toute une chaine d'intervenants directs et indirects.
La volonté du Président Macky Sall à lui seul n'aurait jamais suffit. Il faut louer entre autres les magistrats de la CREI et leurs collaborateurs pour leurs courage et professionnalisme, mais aussi les avocats, aussi bien à charge que de la défense, pour leurs rôles respectifs joués dans le respect de la déontologie de leur profession, également les journalistes, sans oublier les autorités religieuses pour la hauteur de vue qui les a caractérisé tout au long de ce procès, où les tentatives de les instrumentaliser n'ont pas manqué.
Aujourd'hui, après tout ce parcours jonché d'embûches que nous avons traversé, il s'agit de savoir raison garder, car personne ne peut prétendre disposer d'autant d'informations dans cette affaire que les magistrats qui étaient mandatés pour instruire, juger et donner le verdict.
Pour que la leçon à tirer de toute cette aventure «Wade père et Wade fils» puisse profiter aux générations futures, il reste une autre étape plus élevée, moralement, à réussir : la digne acceptation. Cette sagesse que l'on peut remonter à Socrate, plus de deux mille quatre cent vingt ans avant notre ère. Déclaré coupable pour le crime d’avoir, en tant qu'athée, une mauvaise influence sur la jeunesse qui l'admirait pour le message qu'il s'était donné mission de diffuser- «je suis le plus sage de tous parce que conscient de mon ignorance».
Condamné à mort il fit simplement observer aux jurés qui avaient voté cela, qu'il était insensé de craindre quelque chose que l'on ne connait pas et, que personne ne savait ce qui se passait après la mort. Il avait ainsi assumé, sans se défausser, sa conviction et fut condamné par des hommes ignorants, emprisonnés dans leurs certitudes. Il est prouvé aujourd'hui qu'il était le plus sage.
Chaque gain de connaissance nous révèle combien l'on est ignorant des affaires de ce monde, pour autant que l'on ait un peu de sagesse. Pour notre cas d'espèce, Karim n'est pas condamné à mort, mais seulement à six ans de prison, pour avoir certainement manqué de philosophie de vie, comme Socrate, jusqu'à se compromettre dans des délits plus infamants. Permettons au calme de revenir, à la lumière d'illuminer les cœurs et esprits, pour que chaque citoyen puisse apporter sa meilleure contribution à la construction de notre société. Passons aux choses plus importantes.