CPI ET IMMUNITÉ PRÉSIDENTIELLE
Le président du Soudan, Omar el-Béchir, est rentré à Khartoum en provenance du sommet de l'Union africaine de Johannesburg où il encourait le risque d’être arrêté et extradé à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide.
L’instabilité politique au Burundi et le défi migratoire qui ont été examinés par ce 25e sommet ont été éclipsés par cette affaire de mandat d’arrêt sur saisine de la Cour pénale internationale (CPI). La justice sud-africaine avait demandé au gouvernement de prendre des dispositions pour que le chef d’Etat soudanais ne quitte pas le pays, le temps d’examiner la recevabilité de cette requête.
Ayant ratifié le statut de la Cour de Justice Internationale, l’Afrique du Sud était tenue d’exécuter ses mandats d’arrêt émis et de coopérer lorsque celle-ci le demande. Une patate chaude sur les plans politique et diplomatique que le gouvernement Zuma a choisi de régler de manière habile.
Cela ne saurait surprendre lorsque l’on se souvient de la souffrance du peuple sud-africain sous l’Apartheid largement soutenu par cette « communauté internationale », et l’hostilité de nombre de chefs d’Etat africains contre cette cour qui réveille quelque part le reflexe de colonisés longtemps brimés.
Par ailleurs, le poids économique de l’Afrique du sud, son influence diplomatique et le rôle qu’elle entend jouer sur le plan international ne militaient pas en faveur d’une arrestation du président d’Omar el Béchir
C’est aux spécialistes du droit international d’entamer la réflexion pour savoir si la justice sud-africaine a pouvoir sur un président démocratiquement élu par le peuple d’un pays souverain libre et indépendant venu représenter ce peuple à un sommet international.
Nkozana Dlamini Zuma présidente de l’Ua ne s’y est pas trompée soulignant que le président soudanais bénéficie de l’immunité que lui confère son statut de chef d’Etat d’un pays membre de l’UA qui tient un sommet en Afrique du Sud.
Par ailleurs, un principe élémentaire de bienséance en Afrique et voire ailleurs érigeable en principe de droit est que le statut d’étranger donne droit à l’immunité et à l’hospitalité. Peut-on, au nom d’un principe de droit universel, accuser un président élu, de génocide, crimes contre l’humanité contre son peuple et passer sous silence ceux commis par d’autres hors de leurs frontières contre des peuples sur lesquels ils n’ont aucune légitimité politique ou juridique ?
Dans quelle catégorie de crimes classer les dégâts collatéraux et autres erreurs des drones guidés et orientés depuis des bureaux climatisés sur des populations civiles innocentes situées à des milliers de kilomètres ?
Légifère-t-on sur les dégâts causés par des armées d’occupation sur des populations civiles au prétexte qu’elles servent de couverture à des terroristes ?
Les responsables des guerres néocoloniales et géopolitiques n’ont jamais été inquiétés par une quelconque justice internationale qu’ils refusent de reconnaître. Un refus qui laisse penser à une justice à deux vitesses qui sert d’instrument de persécution des pays pauvres d’Afrique et d’Europe centrale.
La justice sud-africaine a indiqué que le gouverne- ment Zuma va devoir s'expliquer sur son refus de faire respecter l'ordre de la justice laissant le président Omar el Béchir quitter le pays sans encombre depuis une base militaire.
Les menaces qui pèsent sur lui à chacun de ses déplacements prouvent que immunité n’est pas impunité et que les responsables accusés à tord ou à raison de génocide et crimes contre l’humanité courent des risques énormes en cas de déplacement et mettent mal à l’aise leur hôte. Cela suffit souvent à calmer les ardeurs de répression de beaucoup de dirigeants africains.
L’extradition de Laurent Gbagbo a servi de leçon et permis d’avoir des élections apaisées au Kenya, de refreiner les ardeurs belliqueuses en Guinée, à Blaise Compaoré de quitter le pouvoir plutôt que de réprimer ses concitoyens, à la RDC au Togo et au Bénin de chercher des solutions politiques à la succession sans verser dans la violence aveugle.
Les juristes devraient entamer une réflexion pour plus d’équité et d’efficacité de la CPI pour éviter de jeter le bébé avec l’eau de bain.