CRIME CONTRE LA DÉMOCRATIE
Avec la loi modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, les ténors de Benno donnent l’impression de miser sur le chantage et les combines pour domestiquer des alliés récalcitrants, qui seront obligés de s’aligner ou de partir !
C’est une chose d’observer passivement les erreurs politiques de l’équipe yakaariste au pouvoir et de s’abstenir de réagir, par solidarité ou “complicité” gouvernementale. C’en est une autre, de participer activement à l’assassinat de la démocratie sénégalaise en cautionnant le vote de lois liberticides.
De fait, les pires craintes des observateurs politiques, des militants de la gauche véritable et des ténors de la société civile sont malheureusement en train de devenir réalité. Il est clair que la proposition de loi n° 13/2015 modifiant la loi n°2002-20 modifiée du 15 mai 2002 portant règlement intérieur de l'assemblée constitue une régression démocratique majeure. Elle rappelle, à bien des égards le tristement célèbre article 35 de Senghor, les amendements Niadiar Sène, Moussa Sy et la loi Ezzan, autant d’entorses aux normes démocratiques et éthiques, en porte-à-faux avec les conclusions des Assises Nationales et des recommandations de la CNRI.
Certes, la réforme concernant la durée du mandat du Président de l’Assemblée nationale est pertinente et justifiée dans le principe. Elle n’en dégage pas moins un fort parfum de deal et de chantage, car survenant après la décision très controversée du Bureau politique de l’AFP de soutenir, sans condition, la candidature du patron de l’APR aux prochaines présidentielles prévues en 2017. Elle aurait davantage convaincu les citoyens sénégalais, si elle avait été votée dès le premier jour de la présente législature, après les grands moments d’émotion du deuxième personnage de l’Etat.
Cela aurait permis de matérialiser la rupture que les différents membres de BBY ont acceptée, en signant la Charte de Gouvernance Démocratique, à la veille de l’alternance politique de 2012.
Concernant la disposition ayant trait au nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe parlementaire, elle pourrait relever de l’anecdote, si elle ne survenait pas à quelques encablures des élections prévues en 2017. Elle semble destinée à empêcher l’opposition actuelle de disposer d’un groupe, qui lui soit propre, ce qui est une forme peu élégante et déloyale de combattre un adversaire politique.
À travers le désir du pouvoir actuel d’empêcher des députés démissionnaires d’un groupe parlementaire d’en rejoindre un autre, il y a une volonté manifeste de soumettre des alliés actuels que pourrait effleurer l’idée de rompre les amarres avec la coalition gouvernementale.
Tout cela montre que les ténors de Benno Bokk Yakaar n’envisagent nullement de travailler à consolider leur Coalition sur la base d’une plateforme programmatique renouvelée centrée sur la refondation institutionnelle véritable et basée sur la concertation entre acteurs d’égale dignité.
Ils donnent plutôt l’impression de miser sur le chantage, les combines, les strapontins et situations de rente pour domestiquer des alliés récalcitrants, qui seront obligés de s’aligner ou de partir !
Dans ces conditions, ce serait un miracle que le référendum envisagé par le président de la République puisse porter sur de véritables réformes institutionnelles telles que préconisées par l’équipe du doyen Makhtar Mbow, président de la CNRI.
La suite prévisible- le cas échéant- comme le laisse entrevoir la crise à l’AFP, est l’éclatement de Benno Bokk Yakaar en mille morceaux suite aux rebellions prévisibles dans les rangs des autres partis alliés de l’APR.
Espérons qu’un sursaut salvateur empêche les honorables députés de perpétrer ce crime odieux contre la Démocratie !