DÉGRINGOLADE !
Les proches du Président reprochaient à Makhtar Cissé d’être l’artisan de ce filtrage parcimonieux des audiences du chef de l’État. Il était la cible de ceux qui s’offusquaient de voir Macky Sall devenir pratiquement inaccessible
En lieu et place d’un remaniement ministériel, pour relancer les activités d’un gouvernement en difficulté sur plusieurs secteurs, le Président Macky Sall nous a servi une opération de liquidation de son ministre-directeur de cabinet, Mouhamadou Matar Cissé. La rhétorique officielle tend à présenter son exfiltration de la présidence comme une marque de confiance pour redresser un secteur énergétique en défaillance permanente. Elle aura du mal à faire entrer dans les esprits que ce fort en thème, brillant sujet, présente plus d’aptitudes dans la direction générale d’une société nationale que dans un département ministériel ou dans un poste aussi stratégique que la Primature, où il était tout à fait légitime de l’attendre.
À qui peut-on faire croire à une promotion quand d’une position aussi sensible et influente de celle de directeur de cabinet (assimilable au pire à un vice-Premier ministre), un cadre de la trempe de Mohamadou Matar Cissé est ravalé à un poste de DG dans un poste aussi casse-gueule que la direction générale de la SENLEC ? De surcroît sous la tutelle du revenant Thierno Alassane Sall violemment éjecté du précédent gouvernement !
Le désormais ex-directeur de cabinet du président de la République a été incontestablement déclassé. Et il apparaît clairement au vu du caractère très circonscrit et très restrictif de ce réaménagement, que sa motivation première s’arrêtait à l’envoyer au purgatoire en l’enveloppant de ce cortex habile. La nomination d’Oumar Youm, apériste dans l’âme, évoque sans doute une volonté de resserrement autour d’un Président jugé inaccessible, tant les locaux de la Présidence sont devenus quasi infranchissables.
En réalité, les proches du Président reprochaient à Matar Cissé de constituer un rempart et d’être l’artisan de ce filtrage parcimonieux des audiences du chef de l’État. Il était la principale cible de ceux qui s’offusquaient de voir Macky Sall s’emmurer invariablement dans ses lambris dorés, devenant pratiquement inaccessible.
C’est connu Matar Cissé n’est pas un homme obséquieux prompt à céder à la moindre pression. Il est plutôt de nature à imposer prestance, rigueur à travers un égo, qu’on dit très prononcé. Ses passes d’armes avec le secrétaire d’état chargé de la Communication qu’il aurait traité de «petit journaliste», est la démonstration qu’il n’épargne même pas les très proches du Président et de la première Dame. Son caractère trempé et son penchant naturel à la rigueur dérangent plus d’un dans l’entourage immédiat du Président.
IGE, financier, juriste, spécialiste en sciences politiques, l’ex-directeur général des douanes ne traîne pas une réputation de flexibilité. Et pourtant c’est pour ce trait de caractère trempé que le Président l’avait choisi à ses côtés, pour instiller une forte dose de rationalisme, de méthode et d’organisation dans les pratiques administratives et procédurières.
Fidèle en amitié, il a toujours gardé de solides relations personnelles avec Oumar Sarr, dont il a été le directeur de cabinet au ministère de la Pêche. Qui plus est, Matar Cisssé ne s’est pas fait que des amis à l’APR en rechignant à entrer en politique pour défier l’indéracinable maire de Dagana sur les terres du Walo. Cette réserve autant que la grande qualité de ses rapports avec le coordonnateur du PDS, ne constituent pas pour lui des atouts pour séjourner durablement dans l’entourage très convoité du président de la République. Loin s’en faut.
La magnitude de cette dégringolade est tout de même surprenante. Est-ce la traduction d’un véritable dépit entre le Président et son ex-bras droit ? Personne ne pourrait croire le contraire, car l’éloignement de Matar Cissé de la sphère présidentielle paraît tout de même incroyablement surprenant. Mais si ce placard donnait l’occasion à ce haut fonctionnaire l’opportunité de réussir là d’autres ont échoué, ce serait la meilleure démonstration de ses qualités managériales incontestables.
Le secteur de l’électricité est sans doute le ventre mou des gouvernements précédents. A Matar Cissé de relever le défi sur un terrain aussi glissant, une entreprise dont les travailleurs jubilent de voir partir le désormais ex-directeur général Pape Dieng, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’aurait jamais dû y revenir. Que le Président tente de réparer une erreur de jugement par une autre incongruité, peut quelque part rassurer. Et si le nouveau patron de la SENELEC met en œuvre les réformes dont a besoin le secteur de l’électricité, il pourrait, malgré lui, donner raison au Président. Il en a les capacités. Et certains disent, l’énergie sereine. Qu’à cela ne tienne alors !