DÉNONCIATION DE LA PROMOTION TOUS AZIMUTS DE PARTISANS ET DE PARENTS AU DÉTRIMENT DES DIPLOMATES DE CARRIÈRE
Ça râle au ministère des Affaires étrangères. L’Union des conseillers des affaires étrangères du Sénégal (Ucaes) et l’Amicale des chanceliers des affaires étrangères (Acaes) regroupant les diplomates de carrière du Sénégal sont en passe de prendre le maquis. Ils ont dénoncé leurs conditions de travail très difficiles et surtout exprimé leur désarroi quant aux nominations et promotions de retraités et de partisans du chef de l’Etat, au détriment des diplomates de carrière et promettent de faire face à «ces dérives».
C’est un vent de rébellion qui souffle dans la diplomatie sénégalaise. Habitués au langage châtié, les diplomates de carrière ont emprunté cette fois-ci celui des héros déflatés. Même s’ils reconnaissent au chef de l’Etat ses prérogatives constitutionnelles de nommer à toutes les fonctions civiles, ces fonctionnaires regroupés au sein de l’Ucaes et l’Acaes ont exprimé leur déception.
Dans un communiqué conjoint, ils constatent pour le déplorer que «le discours du président de la République ne reflète pas encore les nominations en conseils des ministres, à travers les multiples décisions d’affectation prises au sein du département des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur». Ces décisions sont caractérisées par une promotion tous azimuts de partisans et de parents au détriment des diplomates, notent-ils.
A titre d’exemple, ils citent des «hommes et femmes ayant largement dépassé l’âge de la retraite qui remplacent des diplomates de carrière chevronnés impitoyablement admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite». Ce qui leur fait dire que «le décalage relevé entre la volonté affirmée de rupture et les faits n’est pas sans susciter incompréhension».
C’est qu’ils n’aperçoivent aucune éclaircie sur l’horizon de leur carrière, puisque depuis quelques mois ils notent des nominations de nouveaux ambassadeurs, de consuls généraux, de vice-consuls et de chefs de bureau économique avec rang de ministres-conseillers qui viennent s’ajouter à «la liste de personnes déjà en poste, dont la logique de choix n’est pas toujours d’explication aisée».
La nomination de Mankeur Ndiaye, diplomate de carrière, à la tête du ministère des Affaires étrangères avait suscité espoir. Hélas ! l’Ucaes et l’Acaes constatent toujours que des fonctionnaires compétents et expérimentés continuent de broyer du noir : «Il est frustrant de voir que ceux qui sont nommés chefs de mission diplomatique ou consulaire ou vice-consuls n’ont qu’une expérience administrative ou diplomatique hypothétique et ne bénéficient même pas du critère d’âge, souvent opposé aux professionnels qui justifient de plus d’une décennie de carrière».
C’est pourquoi, malgré le devoir de réserve auquel sont soumis ces fonctionnaires, les conseillers et les chanceliers des affaires étrangères sortant de la Section diplomatique de l’Ecole nationale d’administration (Ena) ont dénoncé vigoureusement ces pratiques et invité les hautes autorités à prendre la mesure des «conséquences désastreuses de ces nominations et affectations sur l’image de notre pays».
Ne se reconnaissant plus dans ce service, ils demandent au chef de l’Etat de rectifier le tir, car ils sont décidés à s’opposer à tout acte susceptible de ternir l’image du pays. En définitive, selon eux, la diplomatie ne saurait être le «pôle emploi sénégalais», encore moins le lieu de dérives portant préjudice à l’intérêt national.