DAKAR OU ABIDJAN ?
Malgré une rivalité légendaire entre les deux capitales, avouons quand même que les deux pays ne boxent pas dans la même catégorie. La Côte d'Ivoire a l'avantage d'être plus grand, plus riche, avec une plus large base productive

Ces derniers temps, dans la majorité des capitales africaines, le discours le plus entendu porte sur les voies et moyens permettant de réaliser l'émergence, qui serait la condition sine qua non pour le développement économique et social du continent. Un peu comme le fut, antérieurement, la panacée des Programmes et plans d'ajustement structurel…
Ainsi en est-il, chez nous, avec le fameux Plan Sénégal Emergent (PSE), devenu l'alpha et l'oméga de la politique économique du pays. Le Président Macky Sall a mis tout son poids politique sur la balance pour sa promotion et sa mise en œuvre afin que les populations puissent pleinement en récolter les fruits d'ici à l'horizon 2035. Disons, une éternité…Avec des ambitions de doublement du taux de croissance, de l'ordre de 3,5% actuellement à 7%. Piètre ambition !
Depuis la réunion du Groupe consultatif de Paris, on ne sent plus une certaine effervescence dans la mobilisation de l'opinion autour du PSE. Certes, au niveau du ministère des Finances, on avance des chiffres encourageants de collecte des fonds, mais il n'y a pas encore un grand mouvement d'ensemble d'ouverture de chantiers. Ce qui se traduit par une faible visibilité de l'action du gouvernement dans ce domaine. Ce qui est totalement contreproductif. Qui parlait de faiblesse de la communication présidentielle, notamment sur le PSE ?
Toutes choses étant égales par ailleurs, sachez que chez nos voisins et cousins ivoiriens, on est déjà entre 9 et 10% de croissance économique et l'objectif est d'arriver à l'émergence en 2020. Dans 5 ans. Disons presque demain… Et là-bas, l'émergence, ce n'est pas seulement un slogan rassembleur, c'est une vision traduite sur le terrain, par les réalisations concrètes, les chantiers qui ont démarré partout, les carnets de commandes qui explosent, le pays devenu plus attractif, les hôtels d'affaires bondés, la plupart étant des investisseurs étrangers…
C'est dire que, malgré une rivalité légendaire entre Dakar et Abidjan, avouons quand même que les deux pays ne boxent pas dans la même catégorie. La Côte d'Ivoire a l'avantage d'être un pays plus grand, plus riche, avec une plus large base productive. Et les résultats se passent de commentaires. Même au plus fort de la guerre civile, l'économie a certes vacillé, mais elle n'est jamais tombée. Soit la preuve d'une capacité de résilience sans commune mesure. Chapeau !
Avec sa double casquette de président en exercice de la CEDEAO et du Comité d'orientation du NEPAD, Macky Sall a tous les atouts en mains pour porter plus haut et plus fort le message à l'attention de la communauté internationale, pour le financement et la réalisation d'infrastructures communautaires. L'opportunité rare est qu'aujourd'hui, l'Afrique est perçue par les investisseurs internationaux comme là où il faut y aller, où il y a tout à faire, où on gagne encore de l'argent.
Aussi, faut-il aller vers la réalisation d'investissements structurants, pouvant bénéficier au plus grand nombre des populations africaines. Des décennies durant, nos chefs d'Etat ont essayé de vendre, individuellement, leur pays respectifs. Sur la durée, force est de constater que les résultats sont loin d'être à la mesure des potentiels de nos économies. Et pour un investisseur international, s'implanter à Dakar, Abidjan ou Accra n'est "intéressant" que s'il peut accéder facilement et directement à l'immense marché de l'UEMOA et de la CEDEAO.
L'enjeu aujourd'hui, c'est de travailler à rendre plus effectives les conventions et protocoles d'accord régissant la libre circulation des personnes et des biens, le renforcement du commerce intra-africain, l'amélioration de l'environnement et le climat des affaires avec des codes d'investissement à portée plus régionale, des instances de règlement des litiges commerciaux à compétence transnationale et favorisant des mécanismes plus souples comme la médiation et l'arbitrage… Bref, réaliser une véritable union économique et monétaire ouest-africaine !