DAME DE CŒUR !
FATOU DIOUF NDIAYE, PATRONNE D’UNE UNITÉ DE TRANSFORMATION DE PRODUITS
C’est une femme qui a cru à son étoile : maîtrisard en droit, victime des Pas, elle est devenue patronne d’une unité de transformations de produits locaux qui emploie plusieurs dizaines de personnes. Camarade de promo de Anna Sémou Faye à la Fac de droit de l’Ucad, Fatou Diouf Ndiaye mène le combat pour l’autonomisation des femmes
Elle aurait pu se retrouver au cœur de la République. Mais, Fatou Diouf Ndiaye se retrouve dans un autre domaine exaltant : Elle est gestionnaire d’une unité de transformation de produits locaux.
Pourtant..., c’est une tête bien faite. Diplômée de la Faculté des sciences juridiques, elle a partagé les Td avec Anna Sémou Faye, Directrice générale de la Police nationale. Elle aurait pu devenir avocate, enseignante. Membre de la Fédération des associations féminines du Sénégal (Fafs), elle a parié sur l’autonomisation des femmes en mettant en place une unité de transformation des produits locaux.
Dans le quartier Sesséne de Diourbel où elle a pignon sur rue, Fatou Diouf Ndiaye est une référence. Elle croule sous les titres : Responsable du Projet d’appui aux filières agricoles, elle est aussi présidente du Cadre national interprofessionnel de la filière niébé. Brillante de noirceur sous ses lunettes de correction bien ajustées, Fatou Diouf Ndiaye, qui est la seule femme de Diourbel à avoir participé au Salon international d’agriculture (Sia) de Paris, s’est échappée de loin pour arriver à son niveau actuel.
Elle dit : «J’ai fait un parcours normal : Université avec une maîtrise en droit option judiciaire.»
Elle n’ira pas loin dans ses ambitions. Frappé par les Programmes d’ajustement structurel (Pas), le Sénégal diminue ses dépenses et gèle pratiquement le recrutement dans la Fonction publique. Les étudiants sont priés de chercher ailleurs. Le régime socialiste dessine des schémas d’insertion aux maîtrisards.
«Malheureusement pour nous, cela a coïncidé avec les Programmes d’ajustement structurel où la fonction publique ne recrutait plus. Le régime d’alors avait initié l’opération maîtrisard qui consistait à insérer les diplômés de l’enseignement supérieur dans des activités productrices. Nous avons été avec deux camarades orientés vers le secteur de la pêche. Pendant cinq années, nous avions évolué à Mbour», dit-elle.
Ils sont nombreux à avoir dilapidé les 5 millions offerts pour leur permettre de mettre en place leur propre business. Ses affaires marchaient. Mais, les événements sénégalo-mauritaniens vont anéantir les énormes sacrifices consentis jusque là par cette descendante de la famille royale du Sine. C’est une victime collatérale. Elle va perdre toute sa flotte.
Battante, elle refuse de sombrer dans la fatalité. Quinqua fringante et engagée, Fatou Diouf, taille moyenne, se lance dans de nouveaux défis. Loin de se décourager, et armée d’une foi inébranlable comme seule viatique, elle fonce avec une seule conviction chevillée au cœur.
«Je n’étais pas restée en me demandant qu’est ce que l’Etat peut faire pour moi mais qu’est ce que je peux faire pour cet Etat qui a tant investi sur mon éducation et a beaucoup contribué à mes études.»
Elle quitte le cadre douillet de la Petite côte pour retrouver la chaleur familiale. Avec le soutien de son mari, elle intègre les mouvements associatifs des femmes. Elle gravit rapidement les échelons en devenant secrétaire générale régionale de la Fédération des associations féminines du Sénégal (Fafs). Elle s’initie aussi à l’alphabétisation. Fatou Diouf va d’abord se former avant de tenir une classe malgré les moqueries de ses connaissances et du voisinage qui ne pouvaient pas comprendre qu’une diplômée de l’enseignement supérieur s’initie à l’alphabétisation.
Ils disaient : «Ki Jang Ba Yeuye Kayit, nieuw fi di jang I-O.» Ces moqueries l’ont poussée à se surpasser. Fatou Diouf explique : «C’était un peu ridicule mais je me suis dit que pour atteindre les cimes de tout métier, il fallait apprendre le Ba Ba de l’alphabétisation.»
Pendant une année, Fatou Diouf va tenir une classe d’alphabétisation. Subjugué par le talent de cette enseignante, le responsable régional de l’alphabétisation, lors d’une tournée de visite des classes, s’arrête à Domb. Il est interloqué : Il ne pouvait pas comprendre qu’elle tienne une classe. L’année suivante, l’inspection d’académie va la mettre en rapport avec une Ong italienne Levia qui investit dans la promotion sociale.
Camarade de promo de la Dgpn
En ce moment d’incertitude, sa vie prend un autre virage. Pendant deux années, elle va collaborer avec cette Ong qui était basée à Thiès. Après cette expérience, elle sera de 1999 à fin 2005, coordonnatrice de programme en alphabétisation.
En 2006, avec le dépérissement des projets, elle va se lancer dans la transformation des produits locaux. Avec une foi en bandoulière et l’aide de Dieu, Fatou Diouf et ses camarades vont bénéficier des sessions de renforcement de capacité de l’Institut de technologie alimentaire (Ita). Présente ment, leur unité ne désemplit pas.
A la jeune génération, cette femme de teint noir, physique de sahélien, donne un conseil simple: «Il faut s’armer de courage parce qu’il ne sert à rien de se décourager dans la vie. Il faut aussi que l’individu prenne conscience de lui-même. Qui veut peut. Quand, on est confiant, qui veut, peut. Lorsque ces deux éléments sont réunis, on peut réussir dans la vie.»
Dans sa vie, un homme lui a permis d’atteindre les étoiles. De se donner un autre destin. Elle ne tarit pas d’éloges à son égard : «Mon mari m’a épaulée et beaucoup encouragée.»
Elle se remémore des conseils avisés qu’il lui prodiguait : «Il ne m’a jamais posé de problèmes. Jamais son soutien ne m’a fait défaut. Même quand je suis sortie de l’université et que je devais intégrer les projets ‘’insertion des diplômés’’, il m’a dit maman : est-ce-que tu ne peux pas continuer et obtenir ton Diplôme d’études approfondies. Lui n’a jamais constitué un frein. Evidemment, c’était très difficile d’allier ménage et études mais grâce à son appui, je n’ai pas connu trop de difficultés. Il a été toujours été à mes côtés.»
Victime des Pas
Interpellée sur les problèmes de la femme diourbelloise, l’ancienne étudiante du professeur Jacques Mariel Nzouankeu confie : «Ce sont les problèmes de toutes les femmes sénégalaises. Nous sommes confrontées à une époque où la conjoncture est difficile. Avec l’évolution, il y a eu des changements et toutes les femmes sont confrontées à des difficultés économiques.»
Sur le plan social, elle leur conseille «de se battre pour retrouver la place qui est la leur dans la société parce qu’il y a beaucoup de mutations et pour faire avec les défis que ces mutations posent, il faut que les femmes continuent à se battre. Il faut qu’elle aient confiance en ellesmêmes».
Un autre défi ? «C’est l’éducation des enfants parce que les contraintes sociales ne nous laissent pas beaucoup de temps et nous avons une famille qui est là. Il faut les encadrer, les accompagner surtout les jeunes afin qu’elles ne versent pas dans le mauvais côté. Nous avons du pain sur la planche. Il faut que les femmes se décarcassent pour réussir ce pari.»
Ibrahima Faye président de Baol environnement confie : «Pendant vingt ans, nous cheminons ensemble mais elle s’adapte à tous les contextes. Elle est engagée et prend en compte l’intérêt général. Elle a beaucoup de considération pour sa famille. Ses devoirs de femme, elle ne les néglige jamais. Elle est ponctuelle et a des principes sur lesquels, elle ne transigerait pour rien au monde.»
Bon vent...