DE L’INTERVENTIONNISME DIRECT OU INDIRECT
POLITIQUES ET CHOIX ÉCONOMIQUES DU SÉNÉGAL, DE SENGHOR À WADE
En plus de cinquante ans d’indépendance, le Sénégal aura connu des choix et politiques économiques de deux ordres. De Senghor à Abdoulaye Wade, en passant par Abdou Diouf, l’Etat est intervenu de manière directe dans l’économie nationale (1960 à 2000) avant de passer par une phase d’intervention indirecte dans la création de richesses, coïncidant avec les années 2000 à 2010 et le régime de l’Alternance politique.
Partisan de la voie du socialisme "à l’africaine", Léopold Sédar Senghor choisit pour dérouler sa politique économique une forme d’intervention directe. L’objectif à long terme, dans cette perspective de voie socialiste, était de libérer le monde rural de sa forte dépendance vis-à-vis des commerçants "traitants", considérés comme des exploitants. Dans cette volonté clairement affichée par Léopold Sédar Senghor, l’économie sénégalaise avait pour socle, le secteur primaire dans toutes ses composantes (Agriculture, Elevage et Pêche).
Dans la décennie suivante 70/80, l’Etat du Sénégal profite de l’arrivée massive en Afrique, des fonds spéculatifs, des pétrodollars en quête de placement après le choc pétrolier de 1973 et du "boom" sur les cours des matières premières, notamment l’arachide et le phosphate, pour développant un tissu industriel structurant devant accompagné accompagner le développement du secteur primaire.
Selon un spécialiste, l’économie était pensée du dedans (national) vers le dehors (international). Néanmoins, vers la fin des années 80, avec la surchauffe des marchés et le contexte de déréglementations dans lesquels baigne l’économie mondiale, le Sénégal qui avait fait de gros investissements dans le secteur secondaire (on a estimé à 70, le nombre de sociétés para-publiques créées entre 1970 et 1976) est durement atteint. C’est ce que Senghor d’abord, Abdou Diouf ensuite, désignaient sous le vocable de "la détérioration des termes de l’échange" et qui revenait souvent dans les discours de l’époque pour expliquer les situations intermédiaires que traversait le Sénégal.
La conséquence de cet endettement sans précédent du Sénégal auprès du Fmi et de la Bm pousse le pays à adopter un recadrage macro-économique et servir de véritable laboratoire aux deux institutions en question. Des mesures ultra libérales sont avancées avec le désengagement de l’Etat, la privatisation des secteurs publics et para-publics et la libéralisation de l’économie nationale. Survient bientôt l’ère des plans d’ajustements structurels (1985-1998) qui eut pour conséquence de déstructurer l’école, la santé et les principaux secteurs sociaux du pays. Le franc subit une dévaluation de 50% de sa valeur.
WADE ET LE LIBERALISME SOCIAL
L’avènement de Me Wade au pouvoir eut pour conséquence de changer le paradigme dans la gestion de la question économique et financière, en optant pour le choix d’une économie libérale, où l’Etat intervient peu dans l’économie. A la différence du régime socialiste, le régime dit de l’alternance pense et articule ses choix et politiques économiques, de l’international vers le national, du dehors vers le dedans. Les investissements directs étrangers (Ide) viennent booster les exportations.
L’économie sénégalaise, sous Me Wade, devient plus itérative qu’auparavant, c’est-à-dire part du Sénégal vers l’international, à travers la Sodida et le Technopole et de l’international vers le Sénégal à travers l’Apix. Paradoxe toutefois : de 2000 à 2010, les secteurs économiques n’ont jamais été aussi subventionnés, en volumes, que du temps du régime socialiste, sous Léopold Sédar Senghor et sous Abdou Diouf.
En moins de dix ans, le régime libéral injecte, au titre de subventions dans l’agriculture (semences, engrais, matériels agricoles, commercialisation) et dans l’énergie (électricité et gaz butane) beaucoup que son prédécesseur en quarante ans de règne. De grands travaux sont par ailleurs lancés ; avec tous les gaps imaginables, dans un manque total de transparence budgétaire.
A la fin du régime libéral, le Sénégal éprouve moult difficultés à faire respirer son économie. Une détérioration générale des conditions d’existence et de la qualité de la vie (augmentation du prix des denrées, cherté du loyer, sous emploi des jeunes, spéculation foncière…) finit de déprécier les "gorgorlus" qui s’investissent à renverser un régime ayant largement déçu ses espérances.