DE LA REDDITION À L’IMPLOSION
L’absence de démocratie génère des débordements. L’AFP n’était qu’une chasse gardée pour Niasse. Fondé sur une structure pyramidale, autoritaire, le parti contenait les ingrédients de sa fragilité
La barque de l’AFP prend l’eau tribord, bâbord. Dans cette forte embardée pareille à une tempête de mer, le capitaine du bateau progressiste, Moustapha Niasse, saura-t-il garder à suffisance sa sérénité et son énergie pour reprendre le timon et naviguer vers des horizons tranquilles ? Rien n’est moins sûr.
Le triste spectacle que l’AFP a affiché hier devant ses invités de l’APR donne à penser, qu’il vient de marquer un tournant grave et déterminant pour l’avenir. Qui l’eût cru ? Un leader, le Président Niasse, jusqu’ici incontesté, obéi au doigt et à l’œil, hier houspillé et interdit de parole, obligé d’empocher son discours et contraint à proférer des propos peu amènes ! Cette image-là est la traduction picturale d’un glas, qu’une partie des jeunes progressistes à la tête desquels, se trouve Malick Gackou, ont sonné avec retentissement.
Dire que le sort en est jeté pour Niasse, c’est peut-être aller trop vite en besogne. Mais pour le Président omniscient, omniprésent et omnipotent de l’AFP, l’heure du règne absolu est bien finie. Le maître incontesté en est réduit à un chef de clan, tout court.
Celui des "légalistes" favorables au soutien à la candidature de Macky Sall, opposé à des "indépendantistes", décidés à ne plus se faire souffler dans les poumons à la moindre incartade. Surtout engagés à fond dans la ferme volonté de présenter un candidat de l’AFP en 2007. La ligne de fracture est nette. Elle s’est matérialisée par la désolante image entropique que l’AFP a montrée hier.
Après cette rencontre chahutée, on peut bien s’interroger sur la nature du regard que les apéristes porteront désormais sur leurs alliés si mal en point. Et même sur celui que les Sénégalais jetteront sur le Président de l’Assemblée nationale, malmené et poussé dans ses derniers retranchements, jusqu’à y perdre son sang-froid.
La première conclusion de cette houleuse partie, est que l’absence de démocratie interne ne peut que générer de tels débordements. L’AFP en était à n’être qu’une chasse gardée pour Moustapha Niasse, son propriétaire et maître de sa destinée. Parti personnel fondé sur une structure pyramidale, autoritaire, exclusiviste, l’AFP contenait les ingrédients essentiels de sa fragilité.
La seconde conclusion est consubstantielle à la première. C’est le culte de la personnalité poussé à son extrême, qui amène le Président à lier son destin à celui de son parti. L’illustration la plus frappante de cette relation fusionnelle est la quête absolue et intrépide du poste de Président de l’Assemblée nationale.
Ramenant tout à lui et à son égo, son honneur et son bonheur, Moustapha Niasse a pensé que le troc insidieux du perchoir contre l’alignement sur l’APR ne serait que dans l’ordre naturel des choses. Son parti n’ayant d’autre alternative que de le suivre dans cette innommable reddition.
Tout a commencé avec l’incroyable débandade de Malick Gackou aux dernières élections municipales pour faire place nette à un inconnu au bataillon, Aliou Sall. Et ensuite le clou de la déclaration de Niasse renonçant à tout au profit de Macky Sall. Comme qui dirait cette parodie, "si c’est toi, c’est donc ton frère !"
Pas étonnant que le poste du Perchoir lui fut offert sur un plateau d’argent, pour bons et services loyaux à la fratrie Sall. Relégué à un simple parti de soutien, une pâle étoile dans la galaxie mackyste, l’AFP voit son destin s’assombrir et son horizon se boucher. Certains ont pensé que les rares velléités manifestées par des francs-tireurs internes étaient suscitées par Niasse pour accélérer sa reconduction à la tête de l’Assemblée nationale.
En tous les cas, une lame de fond, frénétiquement, a secoué le parti. Et les scènes d’hier ne sont en rien semblables à une comédie de mauvais goût. Aujourd’hui, l’AFP est traversée par un séisme de forte magnitude dont le centre de gravité n’est autre que le Président Niasse lui-même. Le parti est au bord de l’implosion.
Et la voix de son Président est devenue tellement inaudible, qu’on ne peut pas se douter qu’une importante page est tournée. Celle de Gackou saura-t-elle ramasser les morceaux et reconstituer le puzzle ? Une AFP sans Niasse ? C’est presque du domaine du surréalisme ! Le prochain congrès de l’AFP sera aussi certainement aussi décisif, qu’un pénalty de dernières secondes dans un match nul.