DE LA TRANSHUMANCE…
« Notre intérêt personnel est un merveilleux outil pour nous jeter de la poudre aux yeux d’une manière agréable » (Blaise Pascal)
Sans prétendre tout connaître, M. le président je vous dirais sans gêne que là, vous l’avez tout faux. Vous vous êtes bonnement gouré. Non, la transhumance éhontée de nos hommes politiques, contrairement à ce que vous dites, n’est ni acceptable, ni défendable. S’ils sont courageux et honnêtes avec vous, vos conseillers vous le confirmeront.
Sans prétendre tout connaître, je vous dirais M. le président, il n’est ici question ni de restreindre la liberté de choix ou de mouvement de qui que ce soit, encore mois de jouer aux censeurs ou aux moralisateurs. Il s’agit plutôt de clarifier un débat que vos propos et votre prise de position pourraient pernicieusement dévier de sa trajectoire et de ses objectifs. Arriver à un assainissement et à une meilleure lisibilité de l’espace politique sénégalais, dans son ensemble.
Sans prétendre tout connaître, M. le président, je vous dirais que vous avez failli à votre promesse d’être au côté du peuple et d’engager la « rupture » que ce même peuple attend depuis des décennies. Ce 16 avril 2015, M. le président, c’est comme si vous aviez, volontairement ou pas, brisé un serment, renié un pacte. A coup sûr, vous avez jeté le trouble dans les esprits de ce pays sur vos intentions réelles.
Vos ambitions personnelles, les calculs politiciens, les postures partisanes l’ont emporté sur la raison et sur la patrie. Ce n’est pas peu.
Sans prétendre tout connaître, M. le président, je vous dirais que le « scientifique » que vous êtes a fait le mauvais calcul en espérant renforcer son « parti » et son pouvoir par une légitimation maladroite d‘une pratique qui heurte l’amour-propre et les convictions d’une bonne partie de vos compatriotes. Une pratique honnie que vos concitoyens dénoncent à chaque occasion. Les écoutez-vous ?
Sans prétendre tout connaître et sans vouloir jouer aux donneurs de leçons, laissez-moi M. le président vous rappeler que si la transhumance était « vertueuse », elle ne ferait pas l’objet de toutes ces condamnations. Elle ne serait pas l’objet de cette remontrance populaire quasi unanime de la part des Sénégalais, à l’exception, bien sûr, des véreux politiciens qui en bénéficient.
Et ce peuple a raison de condamner. Il pourrait pour cela invoquer ces propos que l’on prête à Eisenhower, 34e président des Etats Unis : « un peuple qui place ses privilèges au-dessus de ses principes perd rapidement les deux ». Je vous demanderais dans vos moments d’introspection de remplacer « peuple » par « président ».
Sans prétendre tout connaître, je vous rappellerais M. Le président que dans toutes nos chaumières, de Ziguinchor à Dakar, de Kidira à Ouakam, de Fanaye à Yoff, le petit peuple dépité et désabusé ne discute que de ça. Et tout comme moi, ce peuple, sans prétendre tout connaître vous donne tort. Les arguties n’y feront rien. La transhumance est indéfendable.
Il est vrai que dans votre posture, M. Le président, vous avez le privilège de sermonner et de décréter, de légitimer et de justifier, y compris « l’illégitimable » (néologisme!) et « l’injustifiable ». Sans coup férir. Sans craindre qui que ce soit, contrairement à nous autres citoyens ordinaires.
Heureusement que désormais, le peuple sait et reste en éveil.
Sans prétendre tout connaître, je vous dirais que la marche continue de notre peuple vers son idéal démocratique et vers une société de justice et de progrès ne saurait être stoppée, ni par les défenseurs de la transhumance, ni par les « transhumants ».
Sans prétendre tout connaître, je vous rappellerais cette sentence d’un de vos compatriotes qui expliquait que dans le monde politique comme dans le monde animal, les transhumants ne suivent que la « logique du ventre ». Vouloir défendre ceux-là est donc indéfendable.
Sans prétendre tout connaître, M. le président, je vous conterais une petite fable locale tirée de notre histoire récente. Hier un président jadis adulé, dans le même pays que vous, avait pensé qu’une fois au sommet, on pouvait tout se permettre. Que juché sur les hauteurs du palais, on pouvait tout justifier et se faire pardonner. Qu’une fois au cœur du pouvoir, on en savait un peu plus que tout le monde, et que toutes les arguties passeraient…la suite de l’histoire, ce n’est pas à vous que je la dirai, mais elle est à méditer.
Pour terminer, je vous dirais en des mots simples, et sans prétendre tout connaître, M. le président, que la transhumance telle qu’elle se vit par nos hommes politiques va à l’encontre de toute morale et de toute éthique dans l’espace public. Elle renvoie au peuple la plus odieuse des images de sa classe politique. Je vous dirais que la rupture que vous avez prônée aurait dû mettre fin à la transhumance au lieu de l’encourager. Je vous dirais que, faute de rupture avec les anciennes pratiques, c’est la rupture avec le peuple que vous venez de décréter.