DEFENDRE LA REPUBLIQUE ET SES VALEURS
L’État et ceux qui l’incarnent doivent garantir l’égalité des citoyens en rappelant que nul ne saurait être au-dessus de la loi. Et le placement sous mandat de dépôt de Serigne Assane Mbacké est un signal fort dans ce sens
La justice sénégalaise ne s'est pas encore prononcée sur ce qu'il est convenu d'appeler «l'affaire Karim Wade», mise en délibéré jusqu'au 23 mars, que certains responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds) la qualifie déjà de "justice revancharde qui veut emprisonner ce garçon Karim Wade". Pis, d'autres, substituant le président de la République à la justice, font dans la surenchère car, ont-ils menacé : "Si Macky Sall fait emprisonner Karim Wade, il ne passera pas une seule nuit de plus au Palais". Mais enfin de quoi s'agit-il ? Karim Wade, avait été bombardé ministre des Infrastructures, de la Coopération internationale, des Transports aériens et de l'Energie par son père de président de la République, qui avait le pouvoir discrétionnaire de faire nommer aux postes militaires et civils.
Et voilà qu’il a été attrait devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), une juridiction existant depuis une trentaine d’années, pour s’expliquer sur les soupçons d’enrichissement illicite portés sur sa personne. Au tout début, l’ancien Chef de l’Etat devenu opposant avait fait mine de minimiser, affirmant à qui voulait l’entendre qu’il n’y aurait pas de procès, car on n’avait rien à reprocher à son fils. Que nenni ! Procès, il y a eu effectivement avec ses incidents et ses effets de manches jusqu’à ce que les avocats de Karim aient décidé de boycotter les audiences, préférant convoquer conférence de presse sur conférence de presse pour dire leur part de vérité loin du prétoire. Ce qui n’a pas empêché le procès de suivre son cours.
A une semaine du verdict, le ton monte, la menace se fait pressante, puisqu’on demande à une frange de la population d’entrer en résistance en s’armant qui de bâton, de gourdin, de cuillère, de pilon, pour parer à l’éventualité d’une condamnation. Même s’il ne s’agit pas d’armes de destruction massive, on peut s’étonner d’une telle posture. Surtout que, nous dit-on, il est question de faire “face à l’oppression, à l’injustice, dans les mêmes formes et mêmes manières que cela été fait le 23 juin”. Un défi à la République, à celui qui l’incarne. Oubliant non seulement que jamais l’histoire ne se répète deux fois sinon que sous forme de tragédie ou de farce. Sans compter que c’est procéder à une véritable forfaiture que de vouloir comparer des situations qui ne sont pas comparables.
Les populations sénégalaises, dans leurs différentes composantes, s’étant en effet soulevées, le 23 juin 2011, autour d’un mot d’ordre fédérateur et impersonnel : “Touche pas à ma Constitution”. Il s’agissait alors de défendre la République malmenée par des calculs politiciens et non de servir de bouclier à un homme ou une femme en s’appuyant sur des considérations hors d’époque.
C’est cela qui se pose encore aujourd’hui au regard de notre commune volonté de vivre ensemble chahutée par certains propos outranciers et certains comportements qui menacent la stabilité du pays. Il en est ainsi des jets de pierre auxquels se sont livrés hier lundi, à la brigade de gendarmerie de Touba, des jeunes talibés contestant la convocation de leur marabout Serigne Assane Mbacké dans le cadre de l’enquête relative à l’incendie et à la mise à sac des maisons et des véhicules du député Moustapha Cissé Lô qu’il avait revendiquée. Il s’agit plus que jamais de rappeler que l’Etat et ceux qui l’incarnent doivent garantir l’égalité des citoyens en rappelant à tout un chacun, quel que soit son rang, que nul ne saurait être au dessus de la loi. Et le placement sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt et de correction de Diourbel du présumé coupable est un signal fort dans ce sens, venant rappeler au passage l’interpellation il ya quelques mois du guide des «Thiantacounes» dans le cadre d’une affaire de meurtre.
Il s’agit par conséquent de se nourrir du sens de l’histoire, celui qui s’inscrit dans la consolidation de l’Etat de droit et qui ouvre le grand boulevard des audaces. Si chacun peut faire ce qu’il veut, comme il veut, c’est simplement courir le risque de voir s’instaurer l’anarchie où les plus forts brimeront les plus faibles. C’est pourquoi, faut-il le rappeler, l’une des missions de la République est de veiller jalousement à la sécurité des biens et des personnes. Sans faiblesse, ni compromission. Quoi qu’il puisse lui en coûter.
Il urge alors de dessiner une nouvelle trajectoire historique, en rupture d’avec un continuum de renonciations et de démissions, de faiblesses et de lâchetés, si l’on veut combattre le pillage systématique et éhonté des ressources nationales et le sentiment d’impunité qui habitent certains dignitaires politiques et/ou religieux. Si l’on veut surtout en finir avec la stratégie consistant à accéder au pouvoir pour en jouir et instrumentaliser les institutions.