Des ballons à l'assaut de l'Europe pour la mythique Coupe Gordon Bennett
NANCY, 25 août 2013 (AFP) - Le Portugal, la Pologne voire le grand Nord: quelques heures après leur décollage dimanche matin à Nancy, nul ne se risquait à pronostiquer la destination finale des ballons à gaz de la 57e Coupe Gordon Bennett, plus ancienne compétition de l'aérostation au monde.
Les 18 équipages - ainsi qu'un ballon postal, tradition de la manifestation - se sont élancés entre 5H30 et 6H30, à la faveur d'une fenêtre météorologique favorable, pour une édition marquée par des conditions climatiques jugées "difficiles" par les participants.
Un orage samedi soir avait contraint les organisateurs à retarder le départ initialement prévu vers 22H00. "La grande hantise de cette course, c'est de ne pas se faire prendre dans les orages et sortir de la dépression, qui a tendance à nous faire tournoyer", dit un pilote.
Les règles de la compétition, qui est aux aérostiers ce qu'est la Coupe de l'America aux régatiers, sont restées inchangées depuis sa création en 1906 par le fondateur de l'International Herald Tribune, qui lui laissa son nom: parcourir la plus grande distance, mesurée en ligne droite à partir du point de départ, sans condition de durée.
"Ils sont tous partis en direction du sud-est et, a priori, ils devraient rester au-dessus de la Lorraine aujourd'hui, avant de bifurquer, probablement vers la Bretagne pour certains, mais il faudra alors éviter Paris", raconte l'un des organisateurs.
Les conditions météo pourraient toutefois encore changer, et diriger les ballons vers la Pologne ou, tel que prévu initialement, la Laponie. "Pour l'instant, on a un gros suspense quant au lieu d'arrivée", confirme un participant.
Dans leur panier en osier, les compétiteurs sont partis avec 1.000 m3 d'hydrogène et entre 45 et 70 sacs de sable de 12 kg, qu'ils devront utiliser avec intelligence afin de parcourir plusieurs milliers de kilomètres en deux, trois, voire quatre jours.
"L'hydrogène sert à gagner de l'altitude, et on jette des sacs de sable de manière à attraper un courant", résume Serge Claude, président de la Gordon Bennett Nancy 2013.
Attention aux pays interdits
Les aventuriers modernes disposent par ailleurs d'outils technologiques en tous genres à faire saliver Jules Verne, même si, jure l'organisateur, "c'est la finesse du pilotage, l'observation, qui fait toute la différence". Le favori de cette édition, le Français Vincent Leÿs, déjà détenteur de huit titres, est de cette vieille école, apprise davantage dans les livres anciens que sur les écrans du GPS.
"J'ai fait mon premier vol il y a 38 ans", raconte le pilote qui construit ses propres ballons, et qui fait équipe pour la première fois avec Christophe Houver, autrefois son routeur au sol lors de précédentes compétitions. "Du coup, je suis la personne qui connaît le mieux, peut-être même au delà de lui, les vols que Vincent fait", s'amuse le co-pilote.
Les deux Français devront toutefois en découdre avec des adversaires de taille: parmi leurs rivaux allemands, américains, britanniques, espagnols, suisses, autrichiens, finlandais, italiens et russes, le Suisse Kurt Frieden, gagnant de l'édition 2010, fait figure de sérieux prétendant.
Outre les orages et les dépressions, ainsi que le risque de tourner en rond, les pilotes doivent éviter les pays "interdits", principalement en Europe centrale et de l'Est, au risque de conséquences tragiques: en 1995 un ballon qui avait franchi la frontière biélorusse avait été abattu par un hélicoptère de l'armée locale, provoquant la mort des deux pilotes américains.
"C'est un sport de haut niveau, dangereux et particulièrement physique", rappelle Serge Claude, alors que les pilotes doivent cohabiter dans 1m2 d'osier, par des températures parfois extrêmes. Restent que les ballons à gaz, comme leurs cousines les montgolfières, demeurent des objets de fascination et d'imaginaire, tant pour le grand public que pour les pilotes.
"C'est le meilleur moyen de contempler le monde, c'est un véritable balcon volant: on prend vraiment du plaisir", s'enthousiasme Vincent Leÿs. Les passionnés ou néophytes peuvent suivre le arcours des aérostiers de la Coupe sur le site www.gordonbennett2013.org avant la remise de prix prévue samedi prochain.