DESTITUER M. LE PRÉSIDENT MACKY SALL OU LE RENFORCER ?
En 2012, une majorité électorale a remercié M. Abdoulaye Wade, suite à un constat : l’homme travaillait à instaurer, au Sénégal, une monarchie. Aujourd’hui, avec M. Macky Sall, une large fraction de la population sénégalaise se trouve confrontée à d’énormes problèmes. D’aucuns avancent l’idée selon laquelle il faudrait, pour aplanir ceux-ci, doter maintenant le Sénégal d’un nouveau Président, d’autres défendent le point de vue contraire.
Mais quels sont lesdits problèmes qui amènent à cette surenchère ? Faut-il effectivement remplacer, sous peu, l’actuel Président sénégalais par un autre ? Ou bien faut-il le renforcer ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous nous référerons à l’actualité comparativement à l’époque wadienne.
Grosso modo, qu’est-ce qui était reproché à Wade, hormis la monarchisation rampante qui, avec lui, éprouvait la majorité du peuple sénégalais ?
Une coalition de partis l’avait porté au pouvoir, avec comme principaux leaders, MM. Moustapha Niasse (Afp) et Amath Dansokho (Pit).
En moins d’un an, M. A. Wade, Président, remercia M. Niasse dont il avait fait un Premier ministre, parce que celui-ci lui avait permis d’être élu avec 17% de l’électorat national. Par la suite, il se sépara aussi bien de M. Dansokho que de bien d’autres leaders de partis politiques.
Ce faisant, il tendit la main à des hommes et des femmes d’horizons divers dont il fit la promotion au détriment de femmes et d’hommes de compétences qui avaient cheminé avec lui durant des décennies.
Aussi, considéré comme un homme sans parole, un homme qui pratique le «wax waxeet» («dire et se dédire»), bien des Sénégalais et Sénégalaises qui le soutenaient à bout de bras s’en détachèrent, provoquant, ainsi, sa déroute à l’élection présidentielle de 2012. Wade fut remercié pour non seulement avoir voulu instaurer une monarchie au Sénégal, mais également avoir trahi ses allié-e-s et refusé d’honorer ses engagements vis-à-vis de la Nation sénégalaise.
De nos jours, nombre de Sénégalaises reprochent à M. le Président Macky Sall, de faire du «wadisme sans Wade». En d’autres termes, il constituerait une dynastie non seulement «sallienne» mais également «fayenne».
D’où l’appellation «dynastie ‘’Faye-Sall’’». Cela se traduirait, en partie, par l’élection récente de son frère à la mairie de Guédiawaye, et par celle de son beau- frère à la mairie de Saint Louis.
Qu'est-ce qui lui est reproché d’autre ?
- Il serait en train de se débarrasser - de fait- de certaines composantes de la coalition Benno bokk yaakaar qui l’a porté au pouvoir, en 2012, pour se rapprocher d’individualités de l’opposition.
- La forte baisse du pouvoir d’achat de la majorité du peuple sénégalais, résultante de son appauvrissement ; de là l’expression «deukbi dafa Macky», le contraire de son slogan favori, durant sa campagne à l’élection présidentielle de 2012 : «yonnu yokkuté» (la voie de la croissance, du développement).
- L’arrestation, l’incarcération et le non-jugement de nombre de politiciennes dans le cadre, au Sénégal, de «la traque des biens mal acquis».
- La nomination de ministres quel que soit leur profil sous l’influence de son épouse.
- L’interdiction de manifester, parfois, préconisée par l’Etat sénégalais. Entre autres faits.
Le résultat en est que bon nombre de Sénégalais-e-s exigent en des termes on ne peut plus clairs le départ de M. Macky Sall de la présidence de la République du Sénégal.
Aussi, les récents incidents survenus à l’Ucad relativement au non paiement des bourses estudiantin-e-s ont envenimé cette situation. Il y a eu mort d’homme par balle : celle de l’étudiant Bassirou Faye.
D’une part, la démission des ministres de l’Enseignement supérieur M. Mary Teuw Niane, de l’Intérieur et de la Sécurité publique M. Abdoulaye Daouda Diallo, et de la Directrice générale de la police nationale Mme Anna Sémou Faye est réclamée à cor et à cris par quantité d’étudiantes, d’enseignant-e-s, de chercheurs/ses et par bien d’autres composantes de la société sénégalaise, et d’autre part, des voix étrangères à l’Ucad, prenant appui sur ces derniers faits, exigent qu’un terme soit mis au mandat de l’actuel Président du Sénégal.
Est-il nécessaire d’en arriver à cela ?
Autant que je me souvienne, M. A. Wade a sur la conscience le décès de Balla Gaye, un ancien étudiant de l’Ucad, entre autres. Pour autant, a t-il été chassé du pouvoir ? Non.
Il dit avoir généralisé l’octroi de bourses à l’ensemble des étudiant-e-s sénégalais-e-s. Sous sa présidence, combien de fois des étudiant-e-s pourchassé-e-s par des policiers tout simplement parce qu’ils/elles manifestaient (tenez-vous bien) contre le non paiement de leurs bourses ont- ils/elles trouvé refuge dans les locaux annexes de l’Ifan (Université Cheikh Anta Diop) ? M. Abdoulaye Wade a t- il été, relativement à tout ce qui lui a été reproché, destitué avant la fin de ses deux mandats? Non. Ayant été démocratiquement élu, il n’a été démocratiquement remercié et renvoyé à l’opposition qu’en 2012.
Donc, pour l’heure, pourquoi faudrait-il «chasser du Pouvoir» M. Macky Sall ?
De Paris où je me trouve, j’entends dire, il y a de la protestation dans l’air. Je rétorque, c’est normal. L’inverse m’eut étonnée. Protester est un droit réel, lorsque l’on se sent lésé.
Cela étant : que veulent tous ces protestataires du Sénégal?
Que M. Macky Sall se débarrasse de ses alliées, comme le lui suggèrent certaines gens ? A quoi l’invitent elles ? A faire, à l’instar de M. Wade, du «wax waxeet» ? Ce serait les trahir. En effet, ils et elles ont ensemble gagné. Ensemble, ils et elles doivent gouverner. Leurs résultats seront appréciés par le vote de 2017.
M. A. Wade veut coûte que coûte la libération de son fils incarcéré dans le cadre de «la traque des biens mal acquis». C’est ainsi qu’il cherche à faire feu de tout bois pour tenter de faire chuter le pouvoir en place. La cour qu’il fait aux étudiantes, entre autres composantes de la société sénégalaise, s’inscrit dans cette perspective. Mais tout dans sa pratique antérieure de Président prouve qu’il est bien mal placé pour le faire.
- M. Idrissa Seck veut la démission de M. Macky Sall. Aussi, le critique t-il relativement à des arrestations qu’il juge arbitraires. Certes, il en a le droit tout comme n’importe quelle autre individualité, si effectivement celles- ci le sont. Mais à quoi doit-il son hégémonie à Thiès ? Les Sénégalais-e-s ne sont pas amnésiques. Il la doit au fait que feu Mbaye, ancien maire de Thiès, avait été arrêté par M. A. Wade. La mairie lui a été arrachée par ce même Wade et placée entre ses mains.
- La non-réitération d’incarcérations longues d’un certain nombre de nos compatriotes, sans jugement.
- Accuser à tort quelqu’un d’avoir détourné près de sept cents milliards de francs Cfa somme qui s’est réduite à une centaine.
Rien de tout cela n’autorise que M. Sall, en tant que Président du Sénégal, soit chassé du Pouvoir. Que l’on soit pour ou contre lui, force est de reconnaître qu’il a été élu, en 2012, pour cinq ans. «Il faut savoir raison garder.»
Le problème de l’Ucad
L’étudiant Bassirou Faye est tué par balle, suite à une manifestation qui a vu l’intervention de la police. Aussitôt après, la démission de deux ministres est exigée. Cette revendication doit- elle être satisfaite ? Le serait-elle, que le problème de l’Ucad ne serait pas pour autant résolu. Pourquoi ?
Créée, le 24 février 1957, par la France, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) était conçue pour accueillir 23.253 étudiant-e-s. En 2011, ce chiffre se mua en 69.000. De nos jours, il est estimé à 100.000 ; à la rentrée prochaine, il dépassera le chiffre de 120.000. Là, il y a un hiatus.
Le problème qui se pose à l’Ucad n’est pas d’ordre conjoncturel. Il est structurel. La capacité d’accueil de l’Ucad est de loin dépassée. Les moyens ne suivent pas. L’Ucad n’a pas les moyens de ses ambitions. Et, la plupart de nos compatriotes ne l’ont pas compris, confondant, ce faisant, du structurel et du conjoncturel. Ce qui les amène à vouloir que des «têtes tombent» immédiatement après la mort de Bassirou Faye.
Que penser du ministre de l’Intérieur ? Et de celui de l’Enseignement supérieur ? Sont-ils responsables de la mort de Bassirou Faye ? M. le ministre de l’Intérieur aurait-il demandé à ses agents d’exécuter un étudiant pour amener la communauté estudiantine de Dakar à être moins revendicative ?
Certainement pas. La directrice* générale de la police nationale (Dgpn) non plus. La responsabilité du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique et celle de la Dgpn ne sembleraient engagées que s’il était prouvé que des policiers avaient pénétré dans l’enceinte de l’Ucad avec des armes à balles réelles.
Qu’en est-il de la responsabilité du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? Est-elle engagée ? Non pour les mêmes raisons que celles évoquées relativement au ministre de l’Intérieur et à la Directrice de la police.
Le problème est ailleurs
Il réside en ce que le ministère de l’Enseignement et de la Recherche est confronté à une insuffisance de moyens. Et, celle-ci ne date pas d’aujourd’hui. L’Université CAD l’a déjà vécue sous les présidences respectives de feu L. S. Senghor, de MM. Diouf et Wade. Combien de fois y a t-il eu des mouvements de protestation émanant tant de la communauté estudiantine, du personnel enseignant et/ou chercheur que de celui administratif et technique depuis sa création ? Leurs causes sont diverses.
- La surpopulation notée à l’Ucad qui dépasse l’entendement. C’est ainsi que même sous Wade, il existait et il existe encore des étudiant-e-s qui, à l’Ucad, dorment à la belle étoile. Savez-vous qu’il existe, à l’Ucad, des hommes et des femmes qui, volontiers, prêtent leurs bureaux à des étudiants qui, n’ayant nulle part où dormir, parce qu’ils/elles viennent du fin fond du Sénégal, sans attache à Dakar, ni moyens?
- Les salaires payés avec retard à l’Ucad.
- Des difficultés à effectuer à temps des voyages d’études, des missions de recherche sur le terrain, etc.
Ces problèmes préexistaient à la nomination de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur. Une fois nommé, il se les coltine et cherche, à sa manière, à leur trouver des solutions. Mais si, pour une raison ou pour une autre, il ne peut disposer de suffisamment de moyens, alors il sera constamment confronté à des mouvements de contestation pouvant conduire à des drames du genre de celui -oh combien regrettable!- concernant Bassirou Faye.
Quelles que soient les décisions qui seront prises par M. le Président Macky Sall, il y a lieu d’admettre qu’une éventuelle nouvelle nomination à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur n’enraiera pas les problèmes rencontrés aujourd’hui par les autorités en charge de l’Université Cheikh Anta Diop, si elle n’était accompagnée des moyens requis relativement à la situation ci-décrite.
Propositions de sortie de crise à l‘Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad)
l Le paiement des bourses doit être sécurisé, garanti, quelle que soit la situation des autres secteurs du gouvernement.
l De nouvelles universités doivent être construites, de même que de nouvelles cités universitaires pour désengorger l’Ucad... La jeunesse estudiantine, c’est l’avenir du pays. Négliger les étudiant-e-s, c’est négliger l’avenir du pays, c’est hypothéquer le devenir de ce pays.
l Le paiement des salaires des enseignant-e-s et des chercheurs et chercheuses doit être assuré et effectué à temps.
l Des moyens nécessaires doivent être mis à la disposition de toutes les structures de recherche.
l Les voyages d’études doivent être organisés de telle sorte qu’ils puissent se dérouler à temps.
l Les revendications du Saes fort compréhensibles - du fait d’une certaine exacerbation de la situation qui prévaut à l’Ucad - appellent à plus d’attention, tout en ne nécessitant pas
- à mon humble avis - la démission de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Celui-ci, malgré les faibles moyens dont il dispose, est un novateur (rassurez- vous : je ne le connais ni d’Adam ni d’Eve, ni ne l’ai jamais vu, sauf à travers les médias).
Il est en train de réaliser ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait fait, à savoir la conception et l’application d’une politique genrée, dans le domaine universitaire. Pour lui, le Genre n’est pas un vain mot. Si tous les ministres de M. le Président Macky Sall en faisaient autant, alors nous aurions au Sénégal non seulement un gouvernement genré, paritaire, mais également la suppression du ministère de la Femme, car il n’aurait plus de raison d’être. Et, c’est là un point fondamental.
Ailleurs
l Améliorer le pouvoir d’achat de nos compatriotes qui en ont le plus besoin, en baissant de nouveau les prix des denrées de première nécessité.
l Que la prise en charge médicale soit effective pour tout-e malade.
l En finir avec la traque des biens mal acquis.
l Veiller au profil des ministrables.
l Travailler pour un mieux être global de la société sénégalaise, pour que l’ «homo senegalensis» lamda n’ait plus à dire «deukbi dafa Macky».
M. Macky Sall qui a commencé, malgré certaines résistances qui sont le fait de machos, à faire une politique «genrée» en nommant une grande intellectuelle, Marième Badiane) à la tête du Mouvement des femmes de son parti (Alliance pour la République), et un ministre de l’Enseignement supérieur qui a commencé à mener une politique genrée est à soutenir, si l’on veut suivre une voie menant à la Démocratie.
Pour ce faire, il doit pouvoir avoir à l’esprit - chaque fois qu’il le faudra- ce qui est bon pour toute la société sénégalaise. Il est aujourd’hui à l’image d’un François Hollande- dont la côte de popularité n’est pas des plus hautes, parce que desservi par un contexte international qui, à l’heure actuelle, n’est pas des meilleurs- mais qui, durement, travaille à redresser la tendance pour le bien de sa société.
l Le Président Sall, malgré tout ce qui se dit et se fait à votre encontre et/ou à votre insu, pour vous affaiblir, l’envie me prend juste de vous dire «tenez bon». Des erreurs, ont été commises çà et là. Mais qui n’en a pas commis ? «Errare humanum est» (l’erreur est humaine).
L’heure de la rectification a sonné. Rectifier ce qui doit l’être pour mieux avancer est un devoir. Non seulement pour mettre un terme à la crise actuelle, mais également pour le plus grand bonheur de toute la société sénégalaise.
* Avec la notion de parité sérieusement malmenée, y a t-il lieu de se débarrasser si facilement des femmes hautement responsabilisées pour leurs compétences avérées ? Mme la Directrice générale de la police nationale sénégalaise ne fait pas partie des femmes «promotion-canapé», grassement enrichies pour barrer la route à d’autres femmes aux ambitions jugées démesurées par des politiciens machos.