DEUX MISES EN DEMEURE SONT INSENSEES POUR UNE SEULE ENQUETE
La nouvelle mise en demeure servie par le Procureur spécial près la Crei à leur client fait sortir les avocats de Karim Wade de leurs gonds. Face à la presse hier, les conseillers de l’ancien ministre accusent l’Etat de manœuvrer pour maintenir Karim Wade en prison pour encore six mois de plus. Un acte qu’ils qualifient de violation de la loi.
NOUVELLE MISE EN DEMEURE. «L’opinion publique nationale et internationale doit savoir que dans 34 jours exactement, c’est la loi qui ordonnera la libération d’office de Karim Meïssa Wade. L’opinion doit savoir que l’enquête désespère encore de trouver des éléments objectifs pour renvoyer Karim Wade en jugement. Il fallait donc trouver le moyen de contourner la loi et d’essayer de le maintenir en prison. C’est ainsi que le bras armé du pouvoir dans l’appareil judiciaire a été activé pour tenter l’ouverture d’un second dossier et demander un nouveau mandat de dépôt. Le Procureur spécial et son substitut viennent de communiquer à Karim Wade un dossier de près d’un millier de pages, consulté en 48 heures et servir une mise en demeure d’avoir à justifier 98 milliards FCfa qui ne seraient que le résultat des analyses d’un expert qui avait été commis par la Crei en violation des droits de la défense car nous n’avons jamais été informés de cette expertise. D’abord, il est important de savoir que le dossier communiqué à Karim Wade est celui sur lequel travaille déjà la commission d’instruction. Il est coté et paraphé par le greffier. Ce qui nous a permis de déceler la manœuvre parce que les dossiers parlent d’eux-mêmes. Le Procureur spécial ne peut donc engager de nouvelles poursuites sur la base des pièces déjà utilisées dans la première mise en demeure. La commission d’instruction enquête déjà sur les comptes bancaires visés dans la première mise en demeure du Procureur spécial.»
COMPTES DE MONACO. «On a présenté à Karim Wade un dossier qui est constitué exclusivement de documents qui viennent de la principauté de Monaco. On ne peut pas parler d’éléments nouveaux s’agissant des mêmes comptes bancaires que tout le monde connaît. Ce sont les fameux 30 comptes où il y avait un solde global qui avait été évalué à huit milliards FCfa. Ce sont ces mêmes comptes, connus de tout le monde, que le Procureur spécial a exhibés et a listés pour en faire le total et arriver à cette somme. Mais, aujourd’hui tout le monde le sait, le Procureur le sait, Karim Wade n’a qu’un seul compte à Monaco qui a reçu une somme d’argent, un don qui vient de Palais royal d’un Etat du Golfe, ouvert en 2003. Et de cette date à aujourd’hui, ce compte n’a enregistré aucun mouvement. C’est un compte de placement. S’il a enregistré un mouvement, c’est peut-être des intérêts. Mais en dehors de la somme qui y a été déposée, il y a dix ans, aucun montant supplémentaire n’est venu augmenter ce compte. Aujourd’hui, nous sommes très à l’aise puisque ces documents établissent de façon formelle, claire, nette et précise que Karim Wade n’est coupable de rien. Les banques monégasques ont établi des documents clairs et précis sur lesquels on peut affirmer que de tous les comptes qui ont été visés, pas un seul sou n’a quitté un des comptes pour atterrir dans un compte appartenant à Karim Wade. Donc, la seule chose qui s’impose, alors qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux, c’était de dire honnêtement : «On a cherché, on a tout fait, il lui reste un mois, on abandonne parce qu’il n’y a rien.» La nouvelle mise en demeure est totalement illégale, illégitime.»
ACROBATIE JURIDIQUE PUERILE. «Il y a une escalade dans la violation des droits citoyens et l’arbitraire dans l’administration de la Justice. Tout le monde sait que les arrêts de la Cedeao du 22 février 2013 et du 13 juillet 2013 sont des droits acquis pour le citoyen Karim Wade. Le premier arrêt consacre clairement que le rôle de poursuite incombe à la haute Cour de Justice et non au Procureur spécial lorsque le mis en cause est un ancien ministre. Le deuxième arrêt consacre l’exécution des décisions rendues par la Cour de justice de la Cedeao est une obligation et non une simple faculté pour les États-membres. Dès lors, c’est dans l’illégalité manifeste que le Procureur spécial, utilisant l’appareil d’Etat, la force que lui investit le pouvoir, engage des poursuites contre un ancien ministre. Ensuite, la loi sur laquelle se fonde aujourd’hui les juges et le Procureur spécial parle de mise en demeure qui ne peut être servie qu’à l’issu d’une enquête préliminaire. Or, après l’enquête préliminaire diligentée par la Section de recherches, la garde à vue illégale qui s’en était suivie, la mise en demeure, l’ouverture d’une information et le placement sous mandat de dépôt de Karim Wade le 17avril 2013, il n’y a eu aucune nouvelle enquête préliminaire. Au terme de cette loi, sans nouvelle enquête préliminaire, il ne peut y avoir de nouvelle mise en demeure. L’événement de ce matin (hier) relève d’une tristesse et d’une acrobatie juridique puérile qui crève l’œil. Le Procureur spécial tente l’ouverture d’une information pour enrichissement illicite, fondée sur des comptes bancaires qu’il veut distraire d’une enquête déjà en cours. C’est une manœuvre criminelle qui a pour but de demander et d’obtenir un nouveau mandat de dépôt qui maintiendrait encore Karim Wade en prison pour six nouveaux mois, pour un nouveau dossier qu’on joindra immédiatement. Il s’agira par un jeu de procédure de faire une requête aux fins de jonction des deux procédures. Le juge accédera à cette demande de jonction et à partir de ce moment, il n’y aura que le mandat de dépôt qu’on va joindre parce que le dossier existait déjà. Manifestement, la commission qui n’a pu entendre Karim Wade, à ce jour, ne peut sans bâcler son travail finir son enquête dans 34 jours et renvoyer Karim Wade en jugement. L’acrobatie est puérile car pour les mêmes faits, aucun juge indépendant n’acceptera l’ouverture de plusieurs informations devant lui de sorte, sauf surprise. Le 14 octobre 2013 soit deux jours avant la libération d’office par la loi de Karim Wade, le Procureur spécial risque, pour demander un nouveau mandat de dépôt, dans une justice indépendante et un état de droit, d’essuyer un camouflet. Pour une seule enquête préliminaire, deux mises en demeure, contrairement aux dispositions et aux permissions de la loi, il y a une grossièreté manifeste dans la démarche. L’Etat de droit et la Bonne gouvernance se révèlent être une farce d’Etat. Et les tristes manœuvres du Parquet achèvent de convaincre l’opinion que la prétendue traque des biens mal acquis n’est que leurre et chimère. Si le Sénégal est un état de droit, on doit respecter le droit des citoyens. Si maintenant c’est une vengeance d’Etat, il faut avoir le courage de l’assumer.»