DEVENEZ DES HÉROS
Ce que les "Lionceaux" ont réussi en renversant toutes les sentences sans sursis, ne peut réellement marquer le football sénégalais que si ce dimanche est un jour de sueur, de rires et de larmes à la fois

L'Histoire (la grande) peut ressembler à une course vaine vers l'infini. Quand toutes les quêtes s'évanouissent et que les itinéraires finissent toujours dans le vide, le perpétuel recommencement de l'échec vous fait penser à une sorte de damnation qui condamne à rester en marge des grands destins qui se façonnent. Le football africain va sur ses soixante ans et le football sénégalais n'y a laissé que de vagues souvenirs. Jamais il n'a réussi à fixer des repères pour marquer une époque.
La finale de la Ja en Coupe de la Caf en 1998, suivie d'une autre finale des "Lions" lors de la Can-2002 ne sont que des pointillés. Ce sont les vainqueurs qui avaient écrit l'histoire.
Ce dimanche, le trait sera un peu plus rempli, quand les juniors auront disputé la première finale du Sénégal dans cette catégorie.
Qu'il serait alors merveilleux de voir se tracer une ligne pleine et franche, sanction d'un premier titre continental, plutôt que de nouveaux pointillés pour rappeler le finaliste.
La qualification des "Lionceaux" rappelle que les plus belles histoires sont celles qu'écrivent les hommes dits sans histoire. Quand on les découvre, elles enchantent. Elles apportent du neuf là où les sentiers battus ont fini d'ennuyer. Une finale Ghana-Nigeria aurait été une fade évidence. Voilà que le Sénégal impose une autre lecture du football africain, ouvrant des perspectives nouvelles, donnant un autre sens au réel.
On est comme face à un "Big bang". Une sorte de commencement quand n'existe que le néant. On a encore du mal à saisir d'où tout cela vient, mais les belles œuvres ne s'expliquent pas. On les savoure. C'est la force de l'instant présent. Le "making of" viendra plus tard.
Comme sous le burin du sculpteur, la création part souvent d'une masse informe. Les lignes se dessinent ensuite, les traits se détachent et les contours commencent à donner vie et mouvement. On semble assister à un tel enfantement, avec la progression des "Lions" depuis leur première sortie de route devant le Nigéria.
Ainsi donc, un football des jeunes dont on a du mal à sentir la réelle existence, est en train de bousculer les doutes dans lesquels on l'a enfermé. Et l'impressionnant aboutissement auquel sont parvenus les "Lionceaux", avec une qualification en finale du Chan des U23, montre que si l'histoire se façonne avec des idées, elle s'écrit par les actes.
Au début de cette compétition, le 8 mars dernier, parier sur Roger Gomis et compagnie aurait ressemblé à une grosse blague. Ni leur préparation ni leurs capacités intrinsèques, encore moins leur cheminement au cours de ces deux dernières années, ne pouvaient fonder des certitudes carrées.
Depuis plusieurs mois, aussi bien les dirigeants fédéraux que l'encadrement technique avaient limité leurs ambitions au "miracle" d'une demi-finale. Voilà que la volonté des jeunes transforme leur maigre semis en belle moisson. C'est comme jeter du plomb dans la forge, pour se retrouver avec de l'or entre les mains. Et peut-être même avec un joyau lumineux au doigt, si les "Lionceaux" maintiennent le foyer à incandescence, dimanche, face aux "Flying Eagles".
Violer l'histoire, dit-on, est permis. "A condition de lui faire un enfant", avait ajouté Alexandre Dumas.
Ce que les "Lionceaux" ont réussi en renversant tous les préjugés, les prémonitions et les sentences sans sursis, ne peuvent réellement marquer le football sénégalais que si ce dimanche est un jour de sueur, de rires et de larmes à la fois.
Les "Lions" de 2002 ont écrit une légende. C'est beau, ça se raconte encore, mais rien n'en atteste dans un coin de l'armoire à souvenirs, sinon un fanion échangé entre Aliou Cissé et Rigobert Song avant le coup d'envoi.
Plus qu'une légende, les "Lionceaux" sont appelés à écrire une histoire.
Ne la ratez pas, jeunes hommes. Sinon, demain, il ne restera plus rien de vous. Vous êtes trop jeunes pour faire des vedettes, devenez alors des héros !