DILEMME CORNELIEN ENTRE LE DROIT AUX VISITES FAMILIALES ET LA MISSION DU JUGE
INTERDICTION DE VISITE POUR L’EPOUSE ET LES TROIS FILLES DE TAIBOU NDIAYE
Les juristes sont loin d’être unanimes sur le bien fondé de la décision du juge d’instruction Cheikh A. T. Bèye, de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) d’interdire les visites à l’épouse et aux filles adoptives de Tahibou Ndiaye, qui séjourne depuis mercredi dernier à la prison de Rebeuss pour enrichissement illicite et complicité. Ce après que celui-ci a refusé de mettre des biens de ses proches au nom de l’Etat, tel que l’exigeait le procureur spécial Alioune Ndao.
L’épouse de Tahibou Ndiaye Ndèye Aby Diongue et ses trois filles adoptives Aminata, Mame Fatou et Ndèye Rokaya Thiam, inculpées pour complicité d’enrichissement illicite et placées sous contrôle judiciaire, ne pourront pas rendre visite en prison, à l’ancien directeur général (Dg) du Cadastre, leur mari et père adoptif. Le Président de la Commission d’instruction (Ci) de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) en a décidé ainsi.
Interrogés sur cette mesure, des professionnels du droit ont des avis divergents.
Pour Me Assane Dioma Ndiaye, c’est une mesure de précaution que les juges d’instruction peuvent être amenés à prendre pour bien mener leur information.
Cependant, cette pratique qui interdit de communiquer, n’est prévue dans aucun texte de loi. En général, ca dure les premiers jours et après l’audition dans le fond, les visites sont autorisées.
«Il est à préciser qu’en l’espèce, ces quatre personnes concernées par cette décision, si c’est vrai qu’elle a été prise, poursuit Me Ndiaye, sont des présumées complices. Donc le juge peut avoir pris cette décision pour éviter que la femme et les filles de Tahibou Ndiaye aient un système de défense concerté entre personnes prévenues».
La difficulté dans cette affaire, analyse Me Ndiaye, c’est que «les personnes en question ont des rapports matrimoniaux et de père-enfants adoptifs. De ce fait, le droit à la visite familiale est bafoué. Il y a un dilemme cornélien entre la mission du juge de mener à bien son information en évitant une communication avant l’audition au fond de personnes inculpées dans le cadre d’une procédure et le droit aux visites consenties par toutes les conventions en matière de droit de la défense. On est en face de deux exigences».
ATENTAT AFFECTIF. Un conseil de Tahibou Ndiaye explique en quoi, selon son entendement, «une telle mesure est ridicule».
L’avocat de poursuivre, «du moment qu’ils ont vécu sous le même toit pendant des années et qu’ils étaient préparés à une arrestation, rien n’empêchait à Tahibou Ndiaye, à sa femme et à ses filles adoptives, de se concerter pour adopter un système de défense commun». De l’avis de notre interlocuteur, «on dit que c’est pour éviter toute collusion, mais ils peuvent le faire à travers leurs conseils ou d’autres membres de la famille. S’ils ont pris cette décision, c’est pour les atteindre sur le plan affectif. En plus, dans cette affaire, il n’y a rien à aller chercher, tout est dans le dossier».
Tout comme Me Ndiaye, un autre avocat qui a requis l’anonymat pense que c’est pour empêcher que des co-prévenus se concertent, ce qui pourrait fausser l’esprit de l’enquête. «C’est tout à fait normal parce que s’ils avaient été tous placés sous mandat de dépôt, on aurait fait en sorte qu’ils ne communiquent pas avant la fin des auditions dans le fond», déclare le professionnel du droit.