DISCRIMINATION DANS L'HEXAGONE : LE CONTRE-EXEMPLE D'UN SÉNÉGALAIS PROFESSEUR DE MÉDECINE INTERNE
Dakar, 12 juin (APS) - Les étrangers vivant en France, les Noirs en particulier, doivent miser sur la qualité du travail pour "ridiculiser" la discrimination et en faire "un problème pour les autres", a soutenu le Sénégalais Damien Sène, premier médecin d'origine africaine professeur de médecine interne dans l'Hexagone.
"Si vous voulez qu'on vous apprécie, démontrez par la qualité de votre travail que vous êtes incontournable, que vous êtes quelqu'un de fiable", conseille ce professeur des universités depuis avril dernier, dans une interview parue dans le numéro de juin du bimensuel Louga Infos.
Originaire du village de Ndofongor, aux environs de Tataguine, dans la région de Fatick (ouest), Damien Sène est titulaire d'une thèse d'immunologie et de médecine interne. Il a été promu professeur de médecine interne parmi 4 autres candidats et fait désormais partie des 150 professeurs de médecine interne exerçant en France.
"Pour les Africains, c'est une première", a-t-il confirmé, en parlant de sa promotion. "Je milite pour que d'autres jeunes africains comprennent que c'est possible de le faire et j'espère que quelques étudiants que je rencontre dans les hôpitaux de Paris comprennent ce message".
"Je pense que dans la vie il ne faut pas avoir peur de la discrimination, la discrimination doit être un problème pour les autres mais pas pour vous, a-t-il encore dit. Il faut que le travail parvienne à supplanter la discrimination, j'allais dire la ridiculiser".
"Il suffisait juste de travailler et j'ai réussi à le faire. La deuxième partie, subjective, était que faire une carrière hospitalo-universitaire en France relève d'abord des choix d'hommes et de femmes. Vous devez être choisi par un chef de service pour vous soumettre à un jury, ce chef de service vous choisit et accepte de vous soutenir jusqu'au bout et de vous aider à présenter votre candidature", a-t-il observé.
"J'ai toujours cru qu'en travaillant on arriverait sans doute à s'affranchir de cette barrière qu'est la couleur de la peau. L'objectif, c'est que le travail et la qualité du travail occultent la barrière de la peau. Que l'on puisse vous voir en tant que professionnel et non en tant que noir", a déclaré Damien Sène, un ancien pensionnaire du collège Saint-Gabriel de Thiès.
"Finalement, a-t-il souligné, j'ai eu la chance de tomber sur un certain nombre de chefs de services éminent comme à La Pitié-Salpêtrière (un hôpital de l'Assistance publique, dans le 13e arrondissement parisien), qui m'ont soutenu dès le début, qui m'ont laissé faire ce que je souhaitais faire, qui m'ont ouvert les portes quand il le fallait, autrement dit qui m'ont donné ma chance".
Après avoir obtenu son Bac (série D, mention très bien), Damien Sène a entamé des études médicales en France, à l'université de Lille précisément pour ce qui concerne les six premières années de médecine (1991-1997). S'ensuivent cinq autres années de spécialisation à Paris (1997-2002).
Depuis cette date, Damien Sène fut chef de clinique, puis praticien hospitalier, avant d’accéder au grade de maître de conférences. Il est finalement promu professeur des universités en avril dernier.
"Les étudiants sont excellents, ils ont une connaissance livresque qui est exceptionnelle et quand on rapporte cela au manque de pratique et parfois au manque de moyens qu’ils peuvent rencontrer, je trouve leur niveau exceptionnel et ils n’ont rien à envier aux autres", a indiqué M. Sène.
Il était revenu au Sénégal pour une mission d'enseignement au profit de l'UFR/santé de l'université de Thiès, dans le cadre d'une convention avec l'université Paris 7 Diderot.