DOUCE REBELLE
PORTRAIT - SOKHNA FATOU BINTOU DIOP, ANIMATRICE D'ÉMISSION SUR L'ISLAM À LA TFM
Une coquetterie soigneuse, une élégance dans le geste et le verbe, Sokhna Fatou Bintou Diop n’est plus à présenter. Cette femme, qui brille au milieu des hommes, renverse des réalités misogynes à travers l’exemplarité de son comportement.
“Sokhna Fatou Bintou Diop ? Elle est une fierté pour toute la Oummah islamique. Parler d’elle me réchauffe le cœur. Elle impose le respect de par son érudition, la clarté de son verbe, sa pédagogie, sa rigueur.”
Les mots se bousculent dans sa bouche lorsque le responsable du Desk religieux de la Tfm, Djily Niang, parle de Sokhna Fatou Bintou Diop qui allie grâce et savoir. Il n’est pas le seul à être prolixe sur la célèbre animatrice de l’émission religieuse qui passe chaque matin sur la Tfm, depuis le début du ramadan. Les témoignages sont unanimes tant du côté de la RTS que de Manoré Fm où elle est passée.
Sokhna Fatou Bintou Diop a le vent en poupe, mais elle affiche une simplicité touchante. “J’ai connu la popularité bien avant l’âge de 10 ans. Pour avoir mémorisé le Coran et avoir eu la capacité de Le réciter limpidement, j’accrochais déjà à cet âge un grand public par le biais des conférences religieuses. J’ai toujours été, par la grâce de Dieu, la plus remarquée de ma promotion. Ma capacité de mémorisation impressionnait”, confie-t-elle au détour d’un entretien qui s’est déroulé dans sa luxueuse villa sise aux Hlm Grand Yoff, en face de la mosquée Ibadou Rahmane.
Sa villa qu’elle a acquise à l’âge de 25 ans est en pleine expansion. Guidée par sa soif de connaissance, elle a entamé des travaux pour la construction d’un internat qui servira d’école franco-arabe.
Elle tient rigueur aux hommes mais s’habille avec soin et selon la mode. Et sans sourciller, elle souligne “qu’une femme doit toujours être présentable, elle doit se maquiller et se faire toujours belle”. Non sans ajouter qu’elle préfère malgré tout la beauté de l’âme. “Jamais je ne me suis fait à l’esprit qu’un homme pouvait me devancer. Je n’ai jamais nourri un complexe d’infériorité envers les hommes. Je ne crois pas en ces choses. L’essentiel pour moi est de s’instruire, de se retrousser les manches, de croire en soi et de poser les germes de sa réussite. Je ne me sens pas inférieure à l’homme”, souligne celle qui, pourtant, clame sa fierté d’être soumise à son “Kaw”, appellation donnée à son mari à qui elle voue un grand respect. Elle est la troisième épouse de l’ancien Pca de la Sn Hlm.
Très exigeante, elle a du mal à vouer du respect à une race d’islamologues. Et pour cause, ils sont à rebrousse poil des enseignements de l’islam. “Entre leurs prêches et leurs actes, il y a un large fossé. Je le clame”, dit-elle.
De nature rebelle, elle s’est donné très tôt les moyens de ne pas dépendre d’un homme. Déjà à 17 ans, elle avait une certaine autonomie financière grâce à des cours d’arabe qu’elle dispensait. “Une de mes tantes m’avait initiée au commerce. Et j’ai bien su tirer mon épingle du jeu”, précise-t-elle. Résultats : à 25 ans, elle achète sa maison et est toujours entre deux avions pour le besoin de son travail. C’est à 30 ans qu’elle décide de se marier.
33 fois à La Mecque
A l’entendre parler, on a l’impression que sa vie est un cycle de transformations bienheureuses. Alors, elle se glorifie aussi d’avoir accompli le pèlerinage à La Mecque plus de 33 fois. “La Mecque, c’est ma maison, j’ai pris le soin de connaître tous les endroits symboliques de ce lieu sacré, je n’envie aucun homme sur ce plan. Je peux vous conter toute l’histoire de La Mecque et vous orienter vers les coins les plus reculés de cette contrée.”
Par l’entremise de son agence de voyage, elle a eu à convoyer des centaines de pèlerins à La Mecque, mais son élan a été brisé par la nomination d’un Général de division à la tête de la commission. “Tout a été chamboulé mais l’Etat n’a pas de considération pour les arabisants, sinon il n’aurait pas mis ce militaire à la tête de cette structure”, fulmine-t-elle.
L’animatrice religieuse de la Tfm est une femme passionnée dont la voix verse toutes sortes de confidences sur sa trajectoire. Seulement, elle préfère entretenir le mystère sur sa date de naissance.
“Je suis née à Tivaouane juste après les indépendances” avance-telle avec un large sourire. L’autre particularité de Sokhna Bintou Diop : ’j’ai toujours fréquenté des personnes plus âgées que moi. L’écart d’âge pouvait aller jusqu’à 30 ans. J’ai tiré profit de la compagnie d’érudits tels Oustaz Barham Diop, Rawane Mbaye.”
Son histoire n’est pas le fruit d’un hasard. Après l’obtention du certificat arabe, celle qui a fait des études poussées en linguistique, grammaire arabe, entre autres, décroche juste un an après le Bfem en raison de ses performances scolaires, c’était en 1977. Après l’obtention du baccalauréat arabe, en 1980, elle est recrutée comme enseignante à l’école Alahza de Thiès. Mais elle intègre vite la fonction publique, deux ans, pour avoir réussi un concours d’enseignement public. Elle impose une nouvelle approche dans la façon d’enseigner l’arabe qui séduit la directrice de l’école cerf volant 2 où elle avait atterri. “C’est grâce à elle que j’ai pu tisser des connaissances à travers des séminaires et autres rencontres d’envergure auxquelles j’assistais”, confie-t-elle. Elle dénichera aussi des postes au niveau du ministère de la Femme, puis au niveau du ministère de l’Education nationale. Syndicaliste chevronnée, elle continue à porter la voix des sans-voix.
Mais l’ascension n’a pas été facile pour ce membre fondateur du mouvement des Moustarchidines. Disposant d’une solide formation, elle a toujours l’audace d’affronter des hommes à tous les niveaux.
Sokhna Fatou Bintou qui se veut maître de son destin fait du coup une transition sur la défenestration de son amie, l’ex-Premier ministre, Mimi Touré. “C’est une femme qui a toujours porté haut le flambeau, elle est très respectée au plan international pour ses compétences et son background, mais elle va rebondir.”
“Elle est insupportable, arrogante”
Avec un visage toujours illuminé par le sourire, qui laisse entrevoir un diastème, elle passe pour autant, aux yeux d’autres, pour une femme imbue de sa personne “Dafa sof “ “Dafa méti”...”entendez par là, elle est insupportable “. Des pèlerins qu’elle a eu à convoyer ne sont pas tendres avec elle. On lui dresse un portrait au vitriol. Mais Djily Niang de la Tfm, dédramatise pour autant. C’est parce qu”’elle tient à la rigueur, à l’ordre et à la discipline. Elle n’admet pas qu’un pèlerin puisse faire preuve de laxisme à La Mecque ; du coup, elle peut les harceler.”
Sokhna Fatou ne cache pas cette facette de sa personnalité. “Je sais faire preuve d’humanisme, mais il m’arrive d’être foudroyante quand une situation l’exige, après je passe l’éponge. Je suis une Léboue pure souche avec des origines hal pulaar. Je ne me laisse pas faire”.
Selon son amie Mme Fall du réseau islam et population, “elle est exceptionnelle ; elle a incité des milliers de femmes à aimer la religion et à moraliser leurs rapports”.
Aujourd’hui, elle parle de tout sauf des sombres épisodes de sa vie. Elle évite de fouiner dans son passé. Elle se contente de dire : “j’ai été très tôt séparée de mes parents, donc ma vie n’a pas été un conte de fées...” Elle a eu à livrer des batailles épiques dans la vie mais est parvenue à briller au soleil grâce à une foi vive et une abnégation sans faille.