DROIT ET DEVOIR
Cet aîné dans la profession nous mettait en garde contre l’unanimité médiatique
Cet aîné dans la profession nous mettait en garde contre l’unanimité médiatique.
Hélas, ce mardi, tous les quotidiens se sont réveillés avec information placardée à la une : Wade à Dakar le 23 avril. Très peu naturellement citent la source qui a livré l’information.
Le coordonnateur du Pds, Oumar Sarr ? Le porte-parole de Wade, Serigne Mbacké Ndiaye ? Wade lui-même ? Aucune source clairement identifiée n’a été désignée par la presse. Dans ce genre d’unanimité médiatique une seule religion conquière la presse : faire comme tout le monde et après on verra.
Une pratique qui renvoie à cette sagesse bien connue de chez nous. "Si un enfant trace un trait sur le sable et vous menace de mort si vous l’enjambez, dites-lui tu mens et contournez le trait", enseigne la sagesse.
En clair, il vaut mieux se tromper avec tout le monde que de jouer au solitaire. Des organes parlent de textos, puis du mouvement Libérez Karim Wade. Rien de suffisamment crédible obligeant quelques confrères d’ailleurs à s’aménager une porte de sortie du genre "énième annonce". Une façon sans doute de préparer l’opinion à un nouveau faux-bond de Wade. Comme ce fut le cas un certain mars 1989. Durant ce même mois, une nouvelle tension Ps-Pds éclate.
Abdou Diouf, alors chef de l’Etat, parti en voyage doit rentrer le mardi 14 mars 1989. Wade appelle le peuple "à l’accueillir". Jean Collin, ministre d’Etat à la présidence met en selle Ahmeth Khalifa Niasse. Ils parviennent, par une alchimie dont ils sont sûrement les seuls à en avoir le secret, à "rouler Wade dans la farine". Comment ? En lui faisant croire que le chef de l’Etat est partant pour un gouvernement d’union nationale de transition et la dissolution de l’Assemblée nationale. Diouf arrive et, du Salon d’honneur, il lâche, accroché sur la question : "(...) Transition vers quoi ?".
Il faut dire que la veille, la bande FM a été littéralement submergée par l’information sur le retour de l’ancien président de la République. Il y a eu même des fora où nombreux sont, refusant de mettre en doute l’information, ceux qui ont donné libre cours à leur attachement au pape du Sopi. Mais, viendra ou viendra, le débat est là, opposant droit et devoir.
Soyons tout de même réalistes : quel père restera si longtemps éloigné de son fils, en difficulté depuis un an avec la justice. Incarcéré dans le cadre de la traque des biens mal acquis, Karim Wade croupit à Rebeuss. Une tonne de dossiers l’accable. Le dernier en date qui ressemble bien à un pied-de-nez est ce compte bancaire découvert à Singapour qui croule sous le poids de ses 45 milliards de FCFA.
Maître, rien, a priori ne s’oppose à votre retour au pays. Encore que la fin de l’enquête est annoncée pour ce 17 avril. Seulement, une sorte de gentlemen-agreement lie le président de la République et son prédécesseur depuis la défaite de Diouf. Et c’est là où la forme dans laquelle Wade orchestre son retour donne à réfléchir. Diouf est parti tout en se gardant de revenir dans le fracas.
Diouf c’est Diouf, Wade c’est Wade. Vrai félin politique, le pape du sopi sait bien que la conjoncture politique est mauvaise pour son parti. Empêtré dans l’affaire de la traque des biens mal acquis, Wade et son parti sont écrasés par l’état de grâce du Président Macky Sall et les défections en série. Les dieux de la diplomatie insufflent à son successeur une baraka irrésistible avec son Plan Sénégal émergent (Pse).
Wade, conscient de cette formidable bénédiction veut démolir la machine. Qui le prendra au sérieux ? Très peu. Il arrive dans un contexte quasi-électoral. Tous les Etats-majors politiques sont sous des braises. Le parti au pouvoir en donne l’exemple le plus éclatant. Wade est-il venu mettre de l’huile sur le feu ? On peut facilement tomber dans l’accusation. Sans vraiment avoir tout à fait tort.