DU COURAGE POUR CHANGER LES CHOSES
Comme dans tous les pays où l’enseignement supérieur est de qualité nous devons faire montre d’audace dans le sens de renforcer la privatisation de l'enseignement supérieur
L’alerte est sérieuse et mérite que l’on en tienne compte. La Banque mondiale indique qu’avec les efforts consentis ces dernières décennies pour relever le niveau de la scolarisation, un afflux encore plus massif sera observé au niveau de l’enseignement supérieur les prochaines années.
Ainsi se posera-t-il fatalement la question de la capacité du budget de l’Etat à prendre en charge les dépenses liées à ce phénomène, surtout que la représentante de la Banque mondiale à Dakar, Vera Songwe, relève que les enseignants du Supérieur au Sénégal sont chèrement payés, parfois cinq fois plus que leurs collègues américains.
La directrice des Opérations de la Banque mondiale au Sénégal relève que «Le Sénégal a réussi les Omd en augmentant l’accès à la scolarité, ce qui veut dire que d’ici 10 ou 15 ans, nous aurons une population assez forte à l’université, donc il va falloir augmenter le nombre de professeurs. Et à ce rythme-là, le budget de l’Etat ne pourrait jamais supporter des salaires aussi élevés. Donc, il faut revoir ça», Vera Songwe, en symphonie avec Bertrand Badré, directeur général de l’institution financière du système de Bretton Woods, insiste : «Dans un contexte de ressources rares, il faut se poser la question à savoir si c’est la meilleure allocation de consacrer autant de ressources sur des différents seuils de rémunération pour une population somme toute assez étroite. Est-ce que cela a du sens ?»
Seulement, Vera Songwe préconise une thérapie d’urgence qui ne semble pas opportune, à savoir «revoir la rémunération des enseignements du Supérieur à la baisse et ceci au plus vite». Pour elle, «le problème qui est encore plus important, c’est que dans ces rémunérations, le salaire de base n’est pas très élevé, ce sont des primes et des indemnités qui créent des différences et des inégalités qui ne sont pas nécessairement les meilleures».
A la vérité, si le Sénégal en est arrivé à une telle situation, c’est que les autorités publiques ont cédé à la pression des syndicats. Il est clair que les avantages et autres droits déjà acquis pourraient être difficilement remis en cause, mais on ne saurait attendre que tout l’édifice s’écroule sans trouver des solutions.
Cela est d’autant plus nécessaire que le Sénégal n’en a même pas pour tout son argent ainsi dépensé. La qualité de l’enseignement supérieur dans les universités et autres instituts publics se déprécie d’année en année et ces enseignants qui passent pour être mieux payés que ceux de pays plus riches ne sont pas toujours au travail.
Tous les prétextes sont bons pour abandonner les amphithéâtres pour des missions de consultance, jusqu’à décider de mouvements de grève et de mettre à profit les heures de grève pour donner des cours dans le privé au Sénégal ou à l’étranger.
Le Sénégal ne peut pas faire l’économie d’une réforme en profondeur de son système d’enseignement, et l’initiative du gouvernement de réfléchir aux voies et moyens par le biais des assises de l’enseignement supérieur, sous la férule du Pr Souleymane Bachir Diagne, entrait dans cette perspective. On se rappelle l’ostracisme dont cette initiative a été victime par de la part de forces d’inertie. Pour autant, l’Etat a la responsabilité de ne pas baisser la garde. On devrait s’inspirer de la prière des Alcooliques anonymes, pour avoir «le courage de changer les choses».
Il s’avère nécessaire de faire comme ont fait tous les autres pays dont l’enseignement supérieur est de qualité et suscite l’intérêt des élites de par le monde. C’est naturellement de faire montre d’audace dans le sens de renforcer la privatisation de cet enseignement.
L’Etat pourrait en effet, consacrer des parts plus importantes à offrir des bourses aux étudiants dans les universités privées et à mettre en place une politique de prêts pour études aux étudiants. Les étudiants qui auront à financer tout ou une bonne partie de leurs formations seront plus enclins à effectuer le quantum horaire de leur cursus plutôt qu’à passer leur temps à dérouler des plans d’actions de grève. De même, tout le monde s’accorde que le phénomène des grèves est moins ressenti dans le privé.
En Europe, en Amérique du Nord, en Asie et récemment en Amérique Latine, la privatisation de l’enseignement supérieur a permis d’accroître le nombre de diplômés et d’améliorer la qualité des formations et enseignements.
D’ailleurs, au Sénégal même, la tendance ces dernières années pour les étudiants et les parents est de faire tous les sacrifices pour le financement des études dans les établissements privés, afin de garantir un cursus universitaire régulier mais aussi un diplôme de qualité.
L’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal est d’autant plus sombre que contrairement à ce qui se fait dans tous les pays au monde, les étudiants participent dans leur formation, même dans les universités publiques.
Dire qu’au Sénégal, les frais d’inscription à l’université sont plus bas qu’en Gambie, en Mauritanie, en Guinée, au Mali ou partout ailleurs dans le monde ! Quelle personne sérieuse peut considérer que cette situation peut continuer ? Il n’en demeure pas moins qu’il faille encadrer le système de la privatisation de l’enseignement supérieur afin d’éviter, comme disait l’autre, «le carnage» de l’ascenseur social que constitue le modèle de l’école publique.
Dans un pays comme le Sénégal, c’est grâce à l’école publique que des Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade, Abdou Diouf, Macky Sall ont pu se faire une place au soleil.