DU SORT DU POUVOIR WADE

De sa retraite de Versailles, Abdoulaye Wade, ex-président de la République du Sénégal et secrétaire général inamovible du Parti démocratique sénégalais (Pds) s’est rhabillé de son manteau d’opposant et invite les militants de son parti à investir les rues de Dakar, tous les mercredis. L’homme connaît la musique. Les coups de boutoir qu’il a portés à Senghor qui l’avait surnommé « ndiombor » et à Abdou Diouf, ont fini par déstabiliser le règne des socialistes, en mars 2000. Wade, virtuose et interprète de la marche bleue, est un stratège des coups tordus contre les tenants du pouvoir.
A ce titre, il rêve de refaire le coup, en surfant sur la versatilité d’une bonne partie du peuple étreint par des questions de survie. Son aura ne planera pas sur les grands pas que ses militants et les assoiffés vont emprunter dans les rues de la capitale, mais son ombre sera toujours présente à côté de ses troupes. Abdoulaye Wade n’arpentera plus les rues de Dakar pour porter des revendications. Son âge ne le lui permet plus.
Cependant, il n’en sera que plus dangereux, car désormais, son temps de réflexion, il le consacrera à déstabiliser le régime de Macky Sall, coupable d’avoir porté la main sur son fils et, surtout, de l’avoir jeté en prison. Wade père ne pardonnera jamais à Sall. Le pouvoir en place devra donc s’attendre à vivre des moments difficiles. Jusqu’où iront Wade, son fils et le Pds, pour arrêter la « chasse aux sorcières » que Macky Sall a lancée contre eux, notamment après le succès de la marche du 23 avril dernier ?
Une marche qui aurait drainé près de 7 000 hommes. Rien que des militants du PDS ? Sûrement pas ! Dans la foule qui a emprunté la route de l’obélisque via la RTS et l’avenue Malick Sy, c’était plutôt le conglomérat des déçus du nouveau régime. Un magma d’hommes, de femmes et de jeunes bousculés par les vicissitudes de l’existence, taraudés par le prix du pain, le coût de l’électricité, l’annonce faite sur l’augmentation du prix des denrées de première nécessité, les perturbations dans le secteur de la santé, de l’éducation, entre autres équations que tarde à résoudre le nouveau pouvoir. Des questions de l’heure difficiles à résoudre et qui vont réchauffer la rue.
Du pain béni pour les libéraux, qui sauront bien amalgamer la légitime démarche du pouvoir judiciaire sur l’affaire de la traque des biens supposés mal acquis et leur volonté de rendre ingérable le pays. Cela promet des journées particulièrement difficiles.
Ce piège, le pouvoir ne pourra le déjouer qu’en restant serein et en posant des actes très concrets pour satisfaire la demande sociale. Sur les coupures de courant -véritable bombe à défragmentation car tous se souviennent des nuits chaudes que certaines villes ont connu à cause des délestages- le Directeur général de la Senelec a promis la fin, au plus tard mercredi dernier, en évoquant la mauvaise gestion de ses prédécesseurs.
Des centrales achetées à 30 milliards chacune, qui n’ont eu qu’une durée de vie de six ans, sont incriminées. Concernant la flambée des denrées de première nécessité, Me Elhadj Diouf, membre de la mouvance présidentielle, met de l’huile au feu en prenant le contrepied du président de l’Assemblée Nationale, qui crache sa vérité en indiquant que l’Etat ne peut rien face à la flambée des prix. « Un Etat n’est pas là pour dire : nous ne pouvons rien.
Quand on ne peut rien, on dégage », recommande Me El Hadj Diouf, le leader du Parti des travailleurs du peuple (Ptp), au président de la République, Macky Sall. Une cacophonie mal venue, au moment où la sérénité est requise au sein de la coalition présidentielle qui a fort à faire pour répondre aux attentes des Sénégalais.
Certains de ces Sénégalais doivent se ressaisir pour comprendre que le diable chassé par la porte essaiera toujours de revenir par la fenêtre. Les mille et une difficultés que vivent nos compatriotes n’ont qu’un responsable : l’ancien régime. Se pencher sur le sort de ceux qui sont dans les griffes de la justice ou s’amadouer sur le sort de ceux qui doivent rendre des comptes est faire preuve de duplicité. Et c’est le mal sénégalais. Il est temps que l’on se ressaisisse pour sortir des méandres de la mauvaise foi. C’est cela aussi, la rupture.