DU YOKKUTE AU PSE
UN BILAN ECONOMIQUE DES DEUX ANS DE MACKY AU POUVOIR
Le 25 2014 mars, Macky Sall va fêter le deuxième anniversaire de son accession à la magistrature suprême. Après deux ans de gestion, il est loisible de se demander qu’est-ce qui a réellement changé sur le plan économique ? Est-ce que cette forte volonté de rupture a impacté positivement sur le niveau de vie des Sénégalais ? Le bilan est mitigé, voire controversé, selon la position des uns et des autres.
Par La Rédaction
25 mars 2012- 25 mars 2014 ; voilà deux ans -ou 730 jours- que Macky Sall est à la tête la République du Sénégal. Cette deuxième alternance politique a suscité beaucoup d’espoir, car intervenue dans un contexte économique difficile, du moins c’est ce que disent les nouveaux occupants du pouvoir. Qu’à cela ne tienne, toujours est-il que deux ans se sont écoulés sous le magistère de Macky Sall, quatrième Président du Sénégal. Le temps passe vite mais pas assez vite pour les acteurs des secteurs de l’économie en difficulté. L’instabilité des ministères en charge de ces secteurs (deux à trois ministres en deux ans) est une preuve parfaite qui illustre des difficultés.
Au-delà du changement de Premier ministre, tous les ministères en charge des secteurs clés de l’économie (Economie et finances, Agriculture, Pêche, Commerce, Infrastructures etc.) ont connu en deux ans, deux voire trois ministres. A y regarder de plus près, grand-chose n’a pas changé sur le plan purement économique au Sénégal du 25 mars à nos jours. Quasiment, tous les secteurs de l’économie sont dans des difficultés, pour ne pas dire à l’agonie.
Le chômage a atteint des proportions inquiétantes ; plus de 400 entreprises ont été fermées. L’agriculture peine à décoller. Malgré l’augmentation du prix du kilogramme d’arachide passant de 190 à 200 Cfa, les deux campagnes agricoles sous le magistère de Macky Sall n’ont pas été fructueuses. Cette année, des milliers de tonnes d’arachide dorment tranquillement dans les cases du pays entre Fatick, Kaolack, faute de trouver un acheteur.
Même s’il faut signaler que ces deux ans été marqués par une forte volonté du pouvoir en place de mettre le Sénégal sur la rampe de son développement, à travers notamment le document référentiel di Plan Sénégal émergent(Pse).
Le Pse en vogue
Le Président Macky Sall a été élu sur la base de son programme politique ou projet de société, qu’il a appelé «Yoonu Yokkuté» qui veut dire en wolof «sur la voie de la croissance». Ce plan, éminemment social selon certains spécialistes, n’a pas fait ses effets, car il sera remplacé au bout d’un an par le Pse. Du moins, il a été intégré dans le second. En tout état de cause, le Pse aura plus marqué l’actualité de l’économie Sénégalaise, au terme de la deuxième année du mandat du Président Macky Sall.
Certains observateurs ont interprété ce virement comme un manque de vision et un balbutiement, conséquence d’une coalition hétéroclite au pouvoir (Bby). A en croire l’économiste El Hadji Mounirou Ndiaye, le Yoonu Yokkuté est un programme qui, dans sa philosophie, comportait une bonne vision. Selon lui, la ligne directrice de ce programme est la promotion du secteur privé et la création de pôles économiques régionaux à partir de l’agriculture. Ce qui n’est pas loin du Pse. C’est pourquoi l’économiste, spécialiste de l’économie industrielle, qualifie le Pse de «plan de synthèse» c’est-à-dire une compilation de projets sociaux, parfois complément opposés.
Choix politiques et économiques
Le Sénégal, sous l’impulsion du Président de la République, a décidé d’adopter un nouveau modèle de développement, pour accélérer sa marche vers l’émergence. Cette stratégie dénommée Plan Sénégal émergent(Pse), constitue le référentiel de la politique économique et sociale sur le moyen et le long terme. Le financement du Pse a amené le Sénégal au Groupe consultatif de Paris, sous la houlette du Président Macky Sall. Et ceci, pour la première fois de l’histoire du Groupe consultatif, qui est à sa septième édition.
Ce rendez vous avec les bailleurs publics et privés, a été «un grand succès économique et diplomatique», selon les termes du ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, vu la mobilisation des partenaires techniques et financiers, bilatéraux et multilatéraux. Cette rencontre qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive, a permis de dégager un portefeuille relationnel avec les partenaires au développement, mais aussi, elle a offert des opportunités d’affaires, surtout dans le domaine des infrastructures.
Pse et questionnements
Toutefois, le Pse n’est pas exempt de critiques. Certains comme Mamadou Diop «Decroix», considère qu’il manque d’ambition. Selon l’ancien ministre du Commerce, un taux de croissance annuel de 7% corrélé à un taux de croissance démographique de 2,7% et un taux d’inflation, donne un taux de croissance du Pib réel assez limité. Pour lui, il faut des taux de croissance à deux chiffres et multiplier le Pib par deux sur la décennie. Selon lui, c’est seulement en le faisant que le Sénégal pourra vaincre la famine, la malnutrition, la sous-alimentation. Par ailleurs, Mamadou Diop Decroix estime que le Pse n’a pas sérieusement pris compte l’approche de l’intégration sous régionale, entre le Sénégal, le Mali, les deux Guinées, le Burkina, le Niger, la Gambie et la Mauritanie.
A cela s’ajoute les conséquences futures du Pse. A en croire un fonctionnaire du Ministère de l’Economie et des finances, par ailleurs comptable de la Commission électorale nationale autonome (Cena), «le Pse risque d’avoir des conséquences négatives sur le fonctionnement du pays (voir Tribune N° 737). Selon Mamadou Dieng, le Gouvernement a plus communiqué sur les attentes du Pse, en occultant les conditionnalités des bailleurs.
Les conditionnalités des bailleurs en question
Avec quel assortiment de conditions a-t-on accordé au Sénégal 3729 milliards Cfa ? Mamadou Dieng a tenté de répondre dans un entretien qu’il accordé au quotidien la Tribune. Selon lui, les bailleurs ont exigé aux autorités étatiques la privatisation des terres. D’où la nécessité de revoir la loi sur le domaine national. Les bailleurs ont aussi demandé à l’Etat d’augmenter la pression fiscale, afin d’atteindre 1500 milliards Cfa de recettes fiscales supplémentaires. A cet effet, le Comptable de la Cena demande au Président Macky Sall d’être plus fort pour faire face à la pression sociale qui peut en découler.
De toute façon, l’enjeu essentiel pour la réussite du Pse exige de fortes capacités d’impulsion de l’Etat et un leadership fort. Le Gouvernement devra à cet effet, engager un programme accéléré de réformes, pour la modernisation de l’Administration publique, afin d’adapter son fonctionnement aux exigences de performance induites par la stratégie. De manière urgente, des réformes clé devront être menées pour améliorer substantiellement l’environnement des affaires.