EFFONDREMENT DES PARTIS TRADITIONNELS ET ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU LEADERSHIP DE TYPE FÉDÉRALISTE
ELECTIONS LOCALES 2014
Au sortir des élections locales du 29 juin, chaque parti crie victoire alors qu’en réalité, tous ont sans exception subi une dégringolade par rapport à leurs scores électoraux habituels. Le parti présidentiel a perdu toutes les grandes villes à fort potentiel électoral. Le Pds s’est effondré, Rewmi a sombré, le Ps s’est affaissé et l’Afp n’existe plus électoralement parlant ; Bokk Guis Guis est etouffé dans l’œuf. Les partis marxistes se contentent toujours de s’accrocher tels des wagons aux locomotives des grands partis. L’Union des centristes du Sénégal (UCS) d’Abdoulaye Baldé impose son leadership dans le Sud. Seule la coalition Taxawu Ndakaru de Khalifa Sall, polarisant diverses sensibilités politiques, a su tirer son épingle du jeu électoral du 29 juin dernier en raflant les 15 communes de Dakar. Au finish, elle est la seule force politique gagnante émergente.
A l’issue des élections locales, la coalition formée autour de l’Alliance pour la République (Apr) a gagné huit capitales régionales sur les 14 existantes. Elle a obtenu 28 conseils départementaux sur 42. Sur les 602 communes, elle en a remporté 475. Malgré le triomphalisme artificiel affiché par certains responsables de l’Apr, cette victoire laisse le goût amer d’une défaite. Et si on procède à une analyse approfondie des résultats des élections locales, le parti présidentiel et ses alliés ont perdu l’essentiel des joutes du 29 juin dernier.
La perte de la colonne vertébrale de la démographie électorale des communes de Dakar, Pikine, Rufisque, Thiès, Bambey, Diourbel, Mbacké, Touba et Ziguinchor pour ne citer que celles-là, constitue une lourde défaite pour le pouvoir en place. A cela, on peut y ajouter la victoire étriquée très litigieuse de Mansour Faye à Saint-Louis. Et la ville Guédiawaye, même remportée par la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar, est constituée de communes remportée par l’Alliance des forces de progrès (Afp) et le Parti socialiste (Ps).
Dakar compte 681 810 électeurs, Pikine 495 274, Guédiawaye 187 269, Rufisque 193 997. Thiès compte 267 968 électeurs, la région de Diourbel 448 135, Ziguinchor 105 971. Ce qui fait un total de 2 186 427 électeurs. Cela constitue la moitié de la démographie électorale du Sénégal. Ce qui montre que si, dans une élection présidentielle, le président sortant perd ces localités, il est contraint à un second tour et si ce score est réalisé par son adversaire du second tour, il peut dire adieu à la fonction présidentielle. Ce triomphalisme affiché avec pudibonderie par le camp présidentiel n’est qu’un tape-à-l’œil pour mieux masquer sa défaite électorale. D’ailleurs, l’exclusion des responsables du gouvernement qui ont échoué aux locales ou enlevés de leur poste de direction par le président de la République est une ratification de la débâcle électorale de l’Apr du 29 juin dernier.
En 2009, le Pds qui avait gagné 7 sur les 14 régions et plus de la moitié des 488 collectivités locales du Sénégal s’enorgueillissait de ses performances électorales alors que son mentor Abdoulaye Wade savait que la perte de certains bastions électoraux comme les grandes villes était un signal vers une perte du pouvoir en 2012. Par conséquent le président Macky Sall doit, le peu de temps qu'il lui reste, reconquérir cette population électorale qui s’est retournée contre lui après lui avoir confié depuis deux ans et demi les rênes du pouvoir. Sinon il risque d’être défait par ces mêmes forces qui l’ont terrassé lors des élections municipales et départementales, à la prochaine présidentielle.
Il faut toutefois signaler que le Pds, qui détenait le plus de collectivités en 2009, s’est littéralement effondré en 2014 avec peu de communes et de de départements d’importance dans sa besace.
Rewmi a perdu aussi de son lustre. Même dans le département de Thiès où son leader Idrissa Seck écrasait ses adversaires, le score de Rewmi s’est fortement amenuisé.
Quant au Ps d’Ousmane Tanor Dieng, il a aussi perdu lors de ces élections locales. Des bastions socialistes comme Fissel, Ndiaganiao qui, depuis les années 50 sont sous la coupe socialiste, sont tombés entre les mains de l’Apr. Toutefois, il a gagné l’essentiel des communes de Dakar.
L’Afp, malgré le mot d’ordre de son chef qui enjoignait ses troupes de se ranger derrière les candidats apéristes, a eu à grappiller quelques communes de moindre envergure que Kaolack qu’elle a laissé entre les mains de Mariama Sarr. Mais au finish, électoralement parlant, le parti de Moustapha Niasse n’existe plus.
Le Pit et la Ld, ces partis lilliputiens, qui sont connus pour être des éternels «yobaléma», ne croient plus en des élections pour avoir une représentativité nationale. Au diable les idées, les convictions et les élections ! Seuls les maroquins et les strapontins les intéressent.
Ainsi, on se rend compte que tous les partis politiques classiques qui se sont confrontés lors de ces joutes électorales ont vu leur électorat s’effilocher. Les partis socialistes (socio-démocrates et communistes) ne pèsent plus dans l’électorat sénégalais. L’Afp n’a plus d’âme et le Ps a un problème de leadership même si on reconnait à son actuel secrétaire général le courage de vouloir toujours le mener à bon port. A sortir de ces locales, la gauche s’est retrouvée complètement laminée. Les scores sont décevants pour ne pas dire nuls. Le discours de la gauche tout comme de la droite n’accroche plus.
La seule embellie dans cette grisaille de déconvenue électorale généralisée est la victoire de Taxawu Ndakaru ak Khalifa Sall. Refusant de partir sous la bannière socialiste connotée et se démarquant de la coalition BBY, le maire de Dakar a eu l’ingéniosité de fédérer toutes les énergies dans une coalition arc-en-ciel porteuse d’une dynamique de victoire. Les populations de Dakar, qui ont approuvé le travail du maire de Dakar en agréant sa coalition, ont montré que les partis politiques dans leur structure classique ne peuvent plus singulièrement porter des combats politiques.
Et cette expérience politique produit par le génie politique de Khalifa Sall risque de mettre un coup de frein à l’odyssée présidentielle de Macky Sall si une stratégie politique n’est pas mise en place par les «Spin doctors» du président de la République pour renverser l’opinion populaire qui semble déjà adhérer à l’idée d’une Coalition dirigée par Khalifa Sall en 2017 contre l’actuel président. Le «doomu baay» du maire de Dakar saura-t-il relever le défi de ce dernier côté réalisations afin de croiser le fer victorieusement face à lui en 2017 ? Il lui reste deux ans et demi pour prouver !