EN L’HONNEUR DU RECTEUR THIOUB : UN MORT
BIENVENUE A L’UCAD…SA RONDEUR MACKY DÉROULE LE TAPIS ROUGE

Avec un cadavre sur les bras, selon le bon mot de Devos, le Recteur a de quoi en perdre ses facultés…
Etre nommé Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, par les temps qui courent, n’est pas ce que l’on pourrait franchement appeler un cadeau. Moi, président, (pour paraphraser le candidat Hollande) j’irais chercher parmi les emmerdeurs patentés de mon mandat celui que j’y mettrais. Pourquoi pensez-vous à Idrissa Seck ?
Faire de quelqu’un le Recteur de l’Ucad en 2014 n’est pas le meilleur gage d’amitié et de considération à son endroit… Résultat des courses : avant même la passation de services avec Saliou Ndiaye, lequel va sans doute retourner à ses chères Lettres, le professeur Ibrahima Thioub se coltine un sacré cadavre sur les bras…
Bassirou Faye, étudiant tué par balle sur le campus au cours d’échauffourées avec la police. Une mort qui cache la tragédie des dizaines de blessés dont certains ont eu les jambes fracturées, d’autres les doigts sectionnés, tandis que les moins malheureux comptent les ecchymoses sur les parties les plus sensibles de leur anatomie, à en croire les confrères. On comprend qu’ils demandent en réparation des bourses pour le Canada : c’est le sauve-qui-peut…
Sa Rondeur Macky, qui revient de beaux voyages au cours desquels il pose avec Barack Obama himself et côtoie du François Hollande, doit avoir le sommeil agité. Se mettre à dos les étudiants juste après avoir essuyé de méchants, euh, revers aux scrutins locaux récents, ça ne sent pas la rose pour l’avenir.
Pour rattraper le coup, dès sa descente d’avion, il pose à peine son baluchon qu’il se rend en petit comité au chevet des estropiés. Et ces martyrs du savoir à tout prix de lui raconter par le menu l’art de mater de l’étudiant pour lequel sa police est experte.
Sa Rondeur s’indigne et affirme avec force que les responsabilités seront situées et les coupables châtiés dans cette affaire de barbarie collective.
Nous, au P’tit Railleur, on a peut-être un début de piste…
Déjà, dès après Mars 2012, histoire de déwadiser, Sa Rondeur, le nouveau maître du pays, remet en question la généralisation des bourses. Une très bonne idée, très …mal accueillie sur le campus. Ceci n’empêche pas cela, n’est-ce pas ?
Il faudra chercher dans le vocabulaire diplomatique pour expliquer que tout quiproquo n’est que dû à une erreur d’interprétation des étudiants. Ils comprennent tout de travers, les bacheliers de la génération sopi… Ah, l’enseignement du français a vraiment dégringolé !
Ce début d’incendie est à peine maîtrisé qu’une commission de réflexions sur les réformes universitaires dirigée par l’éminent penseur Souleymane Bachir Diagne dépose des conclusions d’une implacable lucidité.
Les étudiants, une nouvelle fois, comprennent tout de travers et ne font ni d’une, ni de deux : ils prennent des positions extrêmes, interdisent même d’accès au campus tous ceux qui trempent dans cette soupe… Comme de tradition, l’autorité est bafouée dans les amphis, pour ne rien changer. Sa Rondeur Macky, qui peine à imposer sa carrure de chef, prend la mouche cette fois.
C’est durant le conseil des ministres du 22 mai 2014 que le procès de l’Ucad se tient. Mary Teuw Niane ouvre le bal en mouchardant les fauteurs de troubles qu’il faut chercher parmi les cartouchards, les étudiants professionnels, ces oisifs qui squattent le campus depuis plus d’une décennie et demie.
Selon le communiqué qui en découle, «le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a entretenu le Conseil de la situation dans les différentes Universités du pays, en particulier dans le campus de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Le Ministre a déploré les multiples perturbations dans les espaces universitaires, dues essentiellement à des facteurs autres qu’académiques et sociaux. Pour s’en convaincre, il a expliqué que sur plus de 300 étudiants, ayant réussi le Certificat de licence en Faculté de lettres, plusieurs d’entre eux, ont franchi ce cap après 17 ans de présence.
Il a rattaché le dernier mouvement de perturbations à la volonté de ceux qui cherchent à faire perdurer ces situations anormales». Ils n’ont pourtant rien à se reprocher, ces bons messieurs du gouvernement : ils en donnent plus que de raison à ces gougnafiers de «Kheuch»…
Et c’est Mactar Cissé, l’actuel dircab de Sa Rondeur, alors argentier adjoint de l’Etat, qui leur donne bonne conscience : «sur cette question, le Ministre délégué au Budget a rappelé les efforts du Gouvernement en faveur des étudiants, pour la mise en place d’un système d’externalisation de la procédure de paiement des bourses, pour un montant global de 13 milliards de francs Cfa, pour les cinq premiers mois de l’année en cours».
En effet, dans une République qui course pour l’émergence dans une décennie, c’est l’exploit parfait… Que veut de plus le peuple ? Bref, puisque la carotte ne semble pas ramener l’ordre et la discipline dans la maison Ucad, il faut la manière forte.
Sa Rondeur se montre carrée : «le Chef de l’Etat a repris la parole pour féliciter le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, avant de l’engager à appliquer strictement les mesures requises par la situation. Il a donné des instructions fermes au Gouvernement, en particulier au Ministre de l’Intérieur, pour une sécurisation convenable des espaces universitaires, afin de préserver les étudiants soucieux de suivre leurs études.
Le Président de la République a, en outre, demandé l’application des lois et règlements, contre ceux qui s’adonnent aux actes de violence dans les campus universitaires». Le ton est donné…
On s’imagine d’ici Abdoulaye Daouda Diallo, l’obséquieux ministre de l’Intérieur, convoquer ses chefs de service et les briefer à propos des directives du patron qui, alors premier flic du pays dans une autre vie, se pose face aux désordres comme l’icône de la «tolérance zéro»…
Au moment où ça s’apprête à livrer à la vindicte populaire ces brutes innommables de la flicaille, il est quand même urgent de rappeler que, dans cette tragédie, les ordres viennent d’en haut… Bon, c’est vrai, en haut lieu, que dis-je, en très haut lieu, on n’a pas demandé officiellement d’en tuer un pour l’exemple. Ah, ces flics ! Leur zèle les perdra…
Quoi qu’il en soit, hormis la famille du pauvre Bassirou Faye, lequel quitte cette vallée de larmes à la fleur de l’âge, l’un des plus malheureux dans cette affaire doit être le tout frais Recteur, l’historien Ibrahima Thioub, qui doit chercher tout sauf des histoires à l’heure qu’il est.
Il n’avait pas besoin de ça ! Il hérite d’une affaire dont il faudra se dépatouiller pendant les années à venir, en plus de l’ordinaire ucadien. Comprenez les sureffectifs chroniques, les non orientés, les profs qui désertent les amphis, les examens qui se tiennent péniblement, l’année académique qui se déroule en pointillés, et les retards de bourses qui mettent régulièrement le feu au campus…
Les prières des descendants des soufis fondateurs de nos confréries locales, que ce brave Professeur Thioub considère comme la panacée à notre sous-développement chronique, ne seront pas de trop pour l’aider à traverser cette mauvaise passe… Touf ! Touf ! Amine !
le p’tit râleur