EN WOLOF SVP !
La traduction simultanée en langues nationales des débats parlementaires va démarrer le 2 décembre 2014. C’est un événement à noter sur la page d’histoire de l’Assemblée nationale. Cette décision prise par les députés est une vraie révolution. Elle date l’avant dernière législature.
Le 2 décembre 2014, tout député pourra s’exprimer dans une des langues nationales ou en Français et ses propos seront traduits pour ses collègues. C’est plus qu’un progrès technique, une révolution. Mieux c’est un hommage à l’endroit de tous les députés qui, il y a quelques décennies, avaient choisi de s’exprimer en langue nationale dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, et non dans la langue dite officielle, le Français.
Mamadou Puritain Fall, Adja Arame Diène, et tant d’autres députés dont la légitimité populaire ne pouvait être contestée, ont souffert de se voir mis à l’index parce qu’ils étaient illettrés en Français ou ne s’exprimaient pas parfaitement dans cette langue.
En revanche, ils ont, avec fierté, assumé la posture de locuteur dans leur langue maternelle en choisissant de ne pas s’exprimer dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas et qui n’était ni la leur ni celle de millions de leurs compatriotes. On se rappelle cette scène historique entre un député interpellant en Wolof le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque, Mamoudou Touré, et ce dernier qui lui répond en Pulaar. Evidemment le député ne parlait pas cette langue.
En session budgétaire, la plupart des députés s’expriment dans leur langue maternelle et plus généralement en wolof. Bien sûr, les ministres répondent en Français. Aujourd’hui, de plus en plus, de députés choisissent de parler en Wolof quand ils sont devant les membres du gouvernement parce qu’ils ne veulent pas mal énoncer leurs idées, réflexions ou revendications d’autant plus que leurs interventions sont télévisées. Une belle occasion pour eux de prouver à leurs mandants qu’il font bien leur travail de représentants à l’Assemblée nationale.
Cette tendance forte a fini de faire comprendre aux membres du gouvernement que s’exprimer en Wolof, leur permet d’atteindre le maximum de populations. Même les ministres poulaar ou diola ou sérère ne font pas de la résistance comme naguère Mamoudou Touré, même si leur wolof n’est pas châtié.
La dernière entorse à l’hégémonie du Français officiel a été commise lors de la Déclaration de politique générale. Le Premier Mouhammad Boun Abdallah Dione s’est offert après avoir bouclé son discours en français, une large plage en Wolof pour partager avec ceux qui ne comprennent pas la langue officielle le contenu de sa DPG. Il a fait acte de pionnier.
Mais il faut souligner que toutes les allocutions solennelles du président de la République sont aussitôt après diffusion, traduites en Wolof au niveau de la télévision nationale. Cette pratique a commencé sous Diouf et Abdoulaye Wade l’a conservée. Macky Sall semble, lui, vouloir faire plus avec l’utilisation du Wolof. Il n’est pas étranger à la hardiesse de son Premier ministre lors de la DPG.
Le Wolof est-il en tain de devenir, progressivement, la langue officielle numéro deux ? Va-t-il supplanter le Français en devenant la langue officielle …parlée ? Le Français semble,en effet, se réduire de plus en plus à une langue officielle écrite ? Au niveau des écoles, dans les universités et dans les administrations, le Wolof est devenu de facto la langue usuelle pour tous.
C’est elle que l’on utilise naturellement pour s’adresser à l’agent de l’administration quelle que soit sa fonction. Et on se rappelle Me Wade arrêté pendant un discours en français, quand sortant d’une digression en Wolof, a continué dans cette langue. Arrêté par ses proches pour revenir dans langue française, il s’était exclamé : "dans quelle langue je parle ?"
Au moment où on s’apprête à tenir le sommet de la Francophonie, cette décision de l’Assemblée nationale d’utiliser un système d’interprétariat pour que toutes les langues dites nationales trouvent leur place au sein des débats de l’Assemblée nationale interpelle tout le monde. L’acte posé par les députés est encore plus important que l’introduction dans la Constitution d’un article donnant à six langues un statut de langue nationale. Le Sénégal est un pays de plus en plus wolophone. Et de moins en moins francophone.