ENJEU DE POUVOIR ET RESPONSABILITÉ

Petit pays de 196.722 km2 et de 13 millions d’habitants, le Sénégal a les yeux plus grands que le ventre. Il ne jouit pas ou du moins pas encore des pactoles du sol et sous-sol qui fleurissent en pétales d’or sur plusieurs pays du continent africain.
150e rang du classement mondial de la richesse, son Pib moyen par habitant est de 1819 dollars (en 2010), soit le dixième du gabonais et le quinzième de la Guinée équatoriale. Il n’y a guère, le chômage ravageur des jeunes les jetait, par centaines, sur de périlleux navires vers l’Europe.
L’agriculture arachidière qui mobilise une très grande partie de la force paysanne est aujourd’hui mondialement frappée par la conjoncture et ne soutient plus le monde rural.
Les transferts d’argent de notre généreuse diaspora et les bienveillances internationales qui nous servaient de mamelles nourricières ne suffisent plus à étancher notre inextinguible soif de ressources financières. La crise n’épargne personne.
Ces rappels un peu doctes, je le concède, pour dire que, plus que jamais, notre pays doit saisir le sens des priorités et s’employer à transformer nos faiblesses structurelles en atouts dans notre quête de réussite économique et sociale. Le Sénégal n’est pas plus démuni que certaines grandes nations économiques à un certain moment de leur histoire.
Fort heureusement, « le pauvre Sénégal est riche de ses hommes, de leurs civilités et de leurs talents », écrivait l’éditorialiste du magazine « Le Point », Claude Imbert.
Mais, il ne suffit pas d’avoir du talent, il faut aussi savoir le mobiliser. Et c’est loin d’être le cas au Sénégal.
Comment définir des priorités, mobiliser les énergies et les talents, presser le pas pour rattraper le retard économique quand, à longueur d’années et d’incessantes élections, on se perd dans des disputes politiques permanentes, des crises artificielles, des histoires personnelles, d’éternels casus belli et d’un climat politique toujours anxiogène ?
L’enjeu de pouvoir ferait-il perdre la tête à la classe politique sénégalaise ? Car le mercure monte en flèche dans le microcosme politique. Les échanges de propos aigre-doux sont devenus monnaie courante, et tous les états-majors politiques bandent les muscles, promettant de tailler en pièces ceux d’en face.
On se rappelle que le passage du projet de loi sur l’instauration d’un ticket présidentiel, le 23 juin 2011, avait failli plonger le pays dans le chaos. Les déclarations guerrières des uns et des autres ont fait craindre le pire. Et ce n’était pas une nouveauté !
Au moment du vote du projet de loi sur le couplage des élections en 2006, un leader politique, actuel maire d’une grande ville de l’intérieur du pays, s’était signalé aux Sénégalais en appelant à un coup d’Etat dans les colonnes d’un journal de la place. Stigmatisation ethnique, appels à l’insurrection, radicalisation, … aucun mot n’est trop fort pour chauffer l’opinion.
Aujourd’hui encore, l’opposition cherche vaille que vaille à faire quitter le président du palais, même s’il faut enfourcher le mauvais cheval de l’illégitimité démocratique. Et quand le Pds promet de chauffer la rue et les certitudes « apéristes », le pouvoir, de son côté, décide à en découdre avec ses contempteurs et clame sa résolution à rendre les coups, les cailloux et les invectives.
Les polémiques politiques se multiplient toujours, les actes de violence essaiment à vive allure et le pays tout entier glose sans cesse sur la moindre déclaration du plus insignifiant des partis politiques. Qu’arrive-t-il donc à nos hommes politiques ?
Ont-ils tous perdu la raison ? Et surtout, ont-ils le droit de saborder ce pays, toujours en construction, à cause de l’enjeu de pouvoir ?
Gare au coma national ! Les disputes autour de l’enjeu de pouvoir et les constrictions nées du radicalisme des chapelles politiques sénégalaises doivent céder le pas à l’enjeu suprême de la préservation de la stabilité de notre pays. C’est cela la vraie responsabilité.
Ps : Mea culpa ! Une erreur m’a fait écrire dans ma précédente chronique que Moustapha Niasse a obtenu 17 % au premier tour de la dernière présidentielle, le 26 février 2012. J’ai trop fait confiance à ma mémoire puisque le bon score est de 13,20 %. Les 17 % de Niasse remontent au premier tour de la présidentielle de 2000. 16,77 % précisément. Toutes mes excuses à nos lecteurs !