ENSEIGNER LA POLITIQUE ?
Nous vivons depuis quelques mois avec, en fond sonore, un débat diffus ou peut-être un brouhaha, fourni par quelques questions politiques jamais résolues dans le fond.
Le renouvellement des instances du Parti socialiste, avec l’éviction- selon procédures- d’Aïssata Tall Sall. Dieu sait que tous nos partis ont bien besoin de sang neuf…
Les petits arrangements et gros croche-pattes au sein de Benno Bokk Yaakaar… L’hybridation entre le PSE et le Yoonu Yokkute, initialement programme de campagne d’un parti, reconverti en plan de travail. Pas une mauvaise manière de tenir ses promesses électorales…
Le retour du père prodigue du PDS ou d’Ulysse ?
A écouter les commentaires de nos concitoyens et surtout concitoyennes qui trouvent quelques minutes à distraire de la gestion de leurs problèmes familiaux urgents ou importants. Et les consacrent à ces questions. A les écouter donc, on réalise que non seulement ils ne trouvent plus depuis longtemps motif à y prêter foi, mais pire qu’ils ont renoncé à y trouver sens. Quelle tristesse.
A regarder ceux qui s’agitent en politique sur ce qui est devenu une scène de théâtre dont ils oublient tout simplement de redescendre de temps en temps, pour connaitre le public. Si public il reste !
Je doute. Tout comme nos enfants ne savent plus aller au cinéma, car nés après la fermeture de la dernière salle. Tout comme nos enfants n’ont jamais appris à quel moment on applaudit au théâtre ou au concert, faute d’offre culturelle et d’opportunité pédagogique, les citoyens et citoyennes de la grande majorité jeune, aujourd’hui pères et mères de familles en posture d’éducateurs n’ont jamais appris à apprécier une offre politique, une figure politique, un candidat.
On n’en discute guère plus dans les foyers. Ce sont les performances théâtrales qui sont discutées, critiquées, pas les scripts, pas le sens des pièces jouées. Et ce théâtre vient aux familles sans qu’elles le demandent. Par voie de télévision. Par effraction. Je ne vois plus ni quête, ni adhésion. Cela s’est perdu à mesure que l’offre s’est dépréciée.
Autrefois, le pater familias se sentait investi de la responsabilité d’orienter la vie citoyenne de sa famille. Il formulait et donnait donc son ndiguël dans cet esprit. Certes l’indépendance de vote selon sa conscience est une avancée. C’est un progrès d’autonomie de chacun, surtout des femmes qui quittent la condition de mineure éternelle. Mais déplorons au passage, d’avoir perdu la mobilisation et l’éducation familiale à la politique.
J’aime l’exemple de cette famille où les enfants organisaient, de peine et de misère, en mars 2000, le transport du vieux père en chaise roulante vers le bureau de vote, parce que tous convaincus de la nécessité d’alternance à la tête du pays. Quel retour sur investissement pour la République de pouvoir compter sur des citoyens ! Quelle satisfaction pour le vieil homme de voir le résultat de son enseignement civique, en sus du sac de riz et complément de dépense que lui garantissent ses enfants !
Dans quelle famille ou dans combien de familles y a t-il aujourd’hui une pratique d’enseignement civique ? Et je ne jette pas la pierre. Car faudrait-il qu’il y ait une offre à considérer, une doctrine à transmettre, si basique soit-elle.
C’est une génération-au moins- qui est orpheline de l’éducation politique et idéologique, depuis la fin de la guerre froide. La classe politique qui est en train de quitter la scène est enfant de cette époque et des écoles des partis, des cercles de débats idéologiques gauchisants. Les derniers bars nostalgiques ferment leurs portes.
Ces cercles sont-ils valablement remplacés par les forums de la société civile ?
Quel apport des courants islamiques et prédicateurs formés ailleurs et qui diffusent, plait-plait pas, un agenda politique à leurs confréries radiophoniques ?
Voyons les choses du bon côté… La société n’est pas malade, elle est enceinte. Pour le coup, on ne sait pas de quelle grossesse elle est enceinte. Un enfant ? Des jumeaux ? Des triplés, quadruplés ? Tout peut être bon…
Là se matérialise probablement une conjoncture sortie tout droit de l’encyclopédie des situations qui n’ont jamais existé : les jumeaux de pères différents. En clair, des idées venues d’ailleurs et en gestation au Sénégal. Au fond, là encore, la maternité se retrouve aux premières loges de responsabilité d’une saine gestation et d’une éducation harmonisée de la fratrie à venir.
Alors, à défaut d’avoir des espaces d’apprentissage de la politique articulés et matures, ne devrions-nous pas envisager d’enseigner la politique à l’école ? Histoire d’avoir des bases conceptuelles communes et solides, une doctrine cohérente. Afin de servir un projet de société harmonieux.
Autrement, nous risquons que le fond sonore nous accompagne longtemps, inarticulé et inaudible, peu considéré du public. Or savoir critiquer ne fait pas de nous de meilleurs citoyens.