ENTRE DROIT DE GRÈVE ET DROIT À L’ÉDUCATION
CRISE SCOLAIRE

Au 21éme siècle, la valeur d’un peuple se mesure à la qualité de ses ressources humaines et aux performances de son système éducatif. Mais le dire ainsi ressemble plus à un euphémisme car cette règle a de tout temps gouverné le monde.
Nulle nation n’a pu imposer sa domination sans pour autant miser sur la science et la qualité de ses hommes. Aujourd’hui que la science domine le monde, c’est curieux de voir l’éducation être reléguée à une simple question de convenance personnelle ou à un conglomérat d’intérêts divers et disparates.
S’il y en a qui croit que l’éducation est fortuite du moins négligeable, ils n’ont qu’à essayer l’ignorance. Source de l’incivisme et des vices de nos états ainsi que nos administrations, la défaillance d’un système éducatif est un cancer qui mine tous les segments de la société. Au vu de telles considérations, est-il logique de vouer l’éducation aux « gémonies syndicales » ?
Notre système éducatif est pris en otage depuis des années par un mouvement syndical dont les ambitions ne semblent pas toujours cadrer avec l’amélioration de la qualité de service mais plutôt sonnent comme un deal contre le droit à l’éducation. Au-delà de l’éducation, c’est tous les secteurs d’activité qui sont bloqués par des grèves répétitives, inopportunes et quelques fois injustifiées.
Dans une société où le confort est érigé en élément de valorisation sociale, le travail devrait être le baromètre à partir duquel toute réussite sociale se construit.
Les choses ne semblent pas aller de la sorte au Sénégal, pour s’en convaincre, il faut voir les scènes d’hystérie et les cris de joie qui accompagnent l’annonce d’une grève dans nos écoles ou universités. La grève est devenue un phénomène normal sinon banal dans notre cher pays.
D’un côté comme de l’autre, les esprits y sont déjà préparés. Mais quelque soit la ténacité de cette habitude, les secondes qui s’égrènent et les minutes qui s’effilochent au cours de ces moments sont des éternités perdues dans la compétition qui emploient les nations. Il est temps que nous tous comprenions que le réconfort du développement nous impose l’effort d’une opiniâtreté presque introuvable sous nos cieux.
Demandons-nous bien ce que nous faisons pour mériter que notre nation nous « nourrisse au Prytanée » ou plus simplement l’ouvrage accompli est-il digne des indemnités ou autres avantages réclamés ?
La prévalence des crises dans le système d’enseignement expose le primat du droit sur le devoir et tant que l’appétence bousculera la philosophie du faisable ou du possible les frontières
de la science se rétréciront. Un système d’enseignement qui se respecte devrait peut être miser beaucoup plus sur un personnel qui a réellement le temps pour la tâche. Tout de même, beaucoup d’enseignements se consacrent au labeur avec ardeur.
D’autres par contre ont un double engagement et paraissent plus préoccupés par leurs obligations au niveau des écoles privées que par celles les liant à l’Etat ou tout simplement au contribuable. Ce mal est si profond que les solutions pour l’enrayer devront être drastiques. Des professeurs installent eux-mêmes des écoles privées qui jouxtent les écoles publiques.
Les élèves qui sont renvoyés des écoles publiques sont aussitôt recueillis par des écoles privées contiguës. Ce conflit d’intérêt flagrant entraîne des désagréments évidents pour les élèves et leurs parents.
L’école publique est malmenée, même ceux qui y officient ne lui font plus confiance. Cette situation est désastreuse, donc le diagnostique doit être sans complaisance et les pistes de solutions doivent être explorées sans complexe.
Nos générations actuelles sont sacrifiées et personne ne se rend compte ou tout le monde préfère fermer les yeux. S’en arrêter à ces observations laisserait sûrement un goût d’inachevé, parce qu’en l’occurrence l’Etat ne peut pas être exonéré de toute responsabilité. Si pour les enseignants, il ne s’acquitte pas toujours de ses obligations, le citoyen voudrait qu’il ait la consistance d’imposer l’ordre.
Le droit de revendiquer doit être compris comme la contrepartie de la créance dont chaque enseignant est redevable ; c'est-à-dire le devoir « de donner le minimum de soi qui fait que c’est la somme de nos efforts » qui fait que le Sénégal aura demain des cadres qualifiés et capables de porter le destin de notre pays.
C’est pourquoi, il faut encourager et soutenir l’Etat dans sa volonté de ne pas payer tous ceux qui ne s’acquittent pas de leurs obligations. Par contre, toutes les négociations doivent être sincères et assorties d’accord qu’il est capable de respecter dans les délais. Tout compte fait, les citoyens doivent être l’arbitre de ce jeu aux grands enjeux dont le seul gagnant ou perdant sera le citoyen.
Entre deux droits constitutionnellement garantis, le jugement ne peut se faire que sur le fondement de l’humanisme. Sous ce rapport, la préséance du droit à l’éducation sur le droit de grève est évidente puis que tout rapport de proportion privilégie le premier. Au nom de l’équité, halte à la grève et vive l’enseignement de qualité.