ENTRE L’ESPRIT DE CASA ET LA LETTRE
On ne peut pas toujours se situer sur les standards du match de Casablanca. Selon le contexte et les enjeux, les matchs de football ont des dynamiques variables. On le sait mais l’espoir était là et on en avait même fait un défi.
Bien qu’on ne jouât pas une qualification en Coupe du monde et que les contentieux qu’on avait à vider avec la Côte d’Ivoire en novembre dernier nont rien à voir avec les enjeux caractérisant ce Sénégal-Mali d’hier, on ne pouvait manquer d’exiger de revivre le bonheur passé.
Le souhait était que l’''esprit de Casa'' fut le levain de ce match, pour offrir un pain aussi digeste et agréable que celui qui habite encore les souvenirs. Mais quand l’esprit n’y est pas, il y a toujours la lettre.
La lecture qu’on peut avoir du match d’hier ne renvoie pas à une totale trahison de la dynamique qui avait tant enchanté face à la Côte d’Ivoire. Le souffle n’était pas le même, cela ne manquait pas pour autant d’énergie.
Comme match amical, on a vu pire de la part des ''Lions''. Notamment sur ces anonymes stades de banlieue parisienne. Cette fois on a senti une plus grande volonté d’exister et de bien faire, sauf que les intentions avortées étaient nombreuses. De même, si l’impact physique des Maliens a parfois été dur à soutenir, le répondant n’était pas laxiste.
Si les limites ont parfois été évidentes dans la coordination et dans l’assise défensive, autant que dans les enchaînements offensifs souvent rompus par les pertes de balle, on sentait un effort de sérieux. Tout cela est d’un esprit positif. Il ne suffit pas cependant à satisfaire les attentes.
Le nul de Saint-Leu-La-Forêt ramène le score de Casablanca. Il n’en a pas cependant la valeur et rappelle des insuffisances anciennes (marquer pour se faire rejoindre) et récentes.
Le nul d’hier n’en est pas un comme les autres, c’est surtout un nul de plus. Parler d’un nul de trop serait rédhibitoire, mais on constate qu’en neuf matches avec les ''Lions'', depuis janvier 2013, c’est le sixième résultat du ''deuxième type'' et toujours au même tarif du 1-1, qu’aligne Giresse. Et cela pour deux victoires contre le Liberia (0-2) et l’Ouganda (1-0) et une défaite traumatique à Abidjan (3-1).
A ce train de sénateur, il sera difficile d’être à l’heure des rendez-vous qui comptent.
L’équipe nationale traîne de lourds handicaps offensifs. Ils pèsent depuis la Can-2012, après que les ''Lions'' ont assuré leur qualification avec la deuxième meilleure attaque des onze groupes de l’époque, derrière les Ivoiriens. De cette ligne offensive, il ne manque que Mamadou Niang et c’est le segment où l’apport en nouveaux joueurs a été le moins important depuis un an.
Au milieu de terrain comme en défense, on note de fortes émergences. Par contre, le secteur offensif s’ankylose. On n’a sans doute pas affaire à des joueurs ayant atteint leur date de péremption. Même si un ou deux traînent une ''Tva sur l’âge'', leur rayonnement dans le haut niveau européen impose toujours respect.
Malgré tout, une focalisation s’impose sur l’inefficacité offensive des ''Lions''. Le but n’étant qu’une finalité, l’interrogation fondamentale interpelle aussi l’organisation du jeu et la construction du déséquilibre décisif.
Il y a longtemps que les ''Lions'' n’ont pas fait preuve d’une inspiration féconde à ce niveau. Même la sublime exception que fut le match de Casablanca avait été marquée par cette infertilité offensive. Et on s’était rendu compte que ne pas savoir gagner n’offre que des plaisirs platoniques, comme Maradona a eu à le dire à sa manière. ''Arriver dans la surface et ne pas pouvoir tirer au but, c’est comme danser avec sa sœur.''
L’esprit de Casablanca avait été salué dans la manière d’être et de faire. Mais dans l’art et la manière d’aboutir, les insuffisances avaient trahi un match qui méritait meilleure fin. On attendait la reconduction du même groupe pour voir ce que donnerait la continuité, Giresse a refusé la mise à l’épreuve.
Soucis de ne pas sacraliser une équipe-type et de mettre les autres dans l’inconfort d’être des supplétifs ? Peut-être, mais une équipe, c’est d’abord une ossature. Soucis de ne pas créer la pression des comparaisons ? Oui, mais c’était à quitte ou double. Un ratage aurait instillé le doute, la copie conforme aurait conforté l’optimisme.
En un an, on a surtout compris que Giresse n’a pas la force des ruptures audacieuses. Sauf que le temps passé à chercher les formules heureuses et les hommes les mieux indiqués à les porter ne laisse pas assez de recul devant l’avenir.
On n’a rien perdu à Saint-Leu-La-Forêt, on n’y a pas glané grand-chose non plus… Ah si, le but de Sadio Mané et l’ancrage d’un joueur émergent.