MULTIPLE PHOTOSENTRE PEUR ET DÉSESPOIR
ÉROSION CÔTIÈRE DANS LA PETITE CÔTE
L'érosion côtière est un fléau douloureusement ressenti dans la Petite côte. Aujourd'hui, ce sont des plages entières qui sont menacées de disparition et réduites à leur plus simple expression. Face au phénomène et devant les sommes colossales qui ont été investies, différentes stratégies sont développées par les investisseurs privés et les autorités pour ralentir, voire stopper l'avancée de la mer.
Depuis presque une décennie, la Petite côte subit la loi des vagues marines qui grignotent de jour en jour ses plages. Dans beaucoup de zones qui jadis bénéficiaient d'une centaine de mètres de plage, il ne reste plus que des portions congrues, grâce aux digues de protection qui ont été érigées pour ne pas que les plages soient totalement englouties.
De la commune de Somone à Saly, tout le long de la plage, les hôtels sont menacés. Les uns de disparition et les autres de perte d'emplois. Dans cette zone qui est l'une des principales destinations touristiques du Sénégal, il y a toujours le soleil, mais les plages sont fortement agressées par la mer. De fait, le site peine aujourd'hui à répondre aux normes.
La situation est à ce point critique que la plage est devenue une denrée rare dans la station balnéaire de Saly. Ainsi, la lutte contre l'érosion côtière s'organise, afin de protéger les plages qui sont un maillon essentiel. Certains investisseurs ont casqué beaucoup d'argent pour construire des digues de protection et des brise lames dans l'optique de diminuer la force du courant marin qui prend d'assaut la côte.
A titre d'exemple, au niveau de l'hôtel Les Filaos, un investissement de 150 millions a été consenti pour sauver 5 à 6 mètres de plages. "Nous avions une plage assez large qui nous distançait de la mer d'une cinquantaine de mètres", renseigne le directeur général de l'hôtel, Ibrahima Sarr.
Ensuite, il montre du doigt une bouteille plastique suspendu et flottant à la surface de l'eau à une quarantaine de mètres de la plage actuelle. "Vous voyez cette bouteille là, en 20102011, c'est là où débutait la plage. Mais deux ans plus tard, l'eau de mer a commencé à nous envahir".
Conscient du danger, la direction de l'hôtel a pris des mesures hardies. "Pour anticiper sur les dégâts que peuvent causer les vagues sur la disparition de la plage, nous avons donc dépensé une somme de 150 millions pour construire cette digue de protection. Avec les brise-lames, il y a le sable de la mer qui se déverse sur la côte. Et grâce à ce système, nous avons pu récupérer 3 à 4 mètres de plage. Parce que l'eau de mer avait englouti tout l'espace", ajoute Ibrahima Sarr.
La peur des houles du sud
Seulement à Mbour, il y a un phénomène de dessablage et d'ensablage dû aux houles. Entre la houle du sud et la houle du nord, c'est l'enfer ou le paradis chez les hôteliers. Entre le mois de juin et septembre, c'est la peur au ventre chez les investisseurs qui redoutent les conséquences des houles du sud.
Ces vagues sont fortes et engloutissent la plage. Contrairement à la houle du nord venant de la Mauritanie. Entre octobre et mai, les vagues du nord déposent du sable sur la plage. D'autres investisseurs par contre, au lieu de créer des digues de protection et des brise-lames, préfèrent mettre des sacs de sable tout le long de leur hôtel.
C'est le cas à l'hôtel Palm Beach. Sur une cinquantaine de mètres, des centaines de sacs de sable sont superposés. Ils constituent une digue protection, non pas pour protéger une plage qui n'existe quasiment pas, mais plutôt pour protéger les bâtiments qui sont menacés par l'eau de mer.
Conscients de l'effet négatif de la disparition des plages, les élus locaux des 16 collectivités locales du département de Mbour, dont les populations vivent directement des retombées du tourisme, ont créé un collectif des maires de la Petite côte (CMPC). Dans leur plan d'actions, figurent deux points essentiels : la lutte contre l'érosion côtière et la gestion des ordures.
POPONGUINE ET PALMARIN
Les zones les plus menacées
Dans la commune de Poponguine Ndayane, l'érosion a atteint une cote critique. Des maisons ont été abandonnées tout au long de la plage. Derrière le palais présidentiel, appelé petit palais, une grande falaise constitue une digue de protection naturelle qui le met à l'abri des vagues.
Il n'en est pas de même des bâtiments ont été érigés devant cette falaise. Ils se sont tous écroulés. De ce fait, il y est devenu rare de voir une construction appelée pieds dans l'eau. Du haut de cette falaise d'une cinquantaine de mètres, on aperçoit les débris de maisons dévastées par la furie des vagues.
Près du site Kisito, un bâtiment en terrasse s'est effondré dans l'eau. Tout au long de la plage de Poponguine qui n'a périodiquement que quelques mètres de plage, c'est le même décor triste.
En période de haute marée, la zone sud où se trouve la seule plage de la localité est engloutie par l'eau de la mer et en période de marée basse, l'eau se retire pour laisser une vingtaine de mètres.
Palmarin menacé de disparition
Jadis très grand, le village de Palmarin a vu sa superficie réduite par l'eau de mer qui a pris possession de larges bandes de terre. Antoine Faye tire la sonnette d'alarme.
"Palmarin va disparaître dans 5 ou 10 ans. Je suis alarmiste, mais peut-être que cela va durer beaucoup plus que ça. Mais évidemment, à regarder la morphologie et l'historique de Palmarin, de la baie Sine Saloum, et ce qui se passe actuellement, ça fait peur. Parce que jusqu'à la pointe de Djifer, il y a une dégradation exponentielle et une avancée de la mer, de la furie des vagues qui font qu'on a même une île maintenant au point de ce qu'on appelait Sangomar. Site qui aujourd'hui est actuellement en pleine mer".
"Donc, poursuit-il, si vous êtes de Palmarin et que vous êtes âgé de 30 à 50 ans et que vous observez, vous devez savoir qu'il y a des choses vraiment graves qui sont en train de se passer. Et c'est dû aux effets du changement climatique. Pas plus que 3 ans avant, tous les fils du village s'étaient rués à Palmarin, parce que le baobab centenaire était tombé du fait de la pluviométrie. Ceci a été un véritable événement", déclare le coordonnateur du groupe thématique financement, Antoine Faye qui originaire de la localité.
Ce village dont la principale activité économique était l'agriculture est passé d'une activité agricole à une activité halieutique.
Par un manque d'espace et de la fertilité des sols qui sont devenus marécageux, l'agriculture et l'élevage ont cédé la place à la pêche qui jouait un rôle secondaire. De ce fait, la localité est devenue strictement un terroir de pêcheurs parce que les terres arables ont été englouties par les eaux.
LE REMBLAYAGE DES BRAS DE MER
Une pratique qui accélère l'érosion côtière
"On ne peut pas arrêter la mer avec ses bras'', dit l'adage. Seulement, au niveau de la Petite côte, beaucoup de bras de mer sont devenus la proie des élus locaux, chasseurs de terre, qui lotissent ces espaces à usage d'habitation.
Or, ces espaces servent de passage à l'eau de mer, en cas de haute marée. Ces ravins servent de passage à l'eau de pluie qui ruisselle vers la mer en période d'hivernage. En outre, ils permettent à la mer d'y déverser son surplus au lieu de s'attaquer à la côte.
Seulement, les chasseurs de terre remblaient certains bras de mer pour en faire des espaces d'habitation. Ainsi, le ravin de Mbalingue est en train d'être remblayé petit à petit, parce qu'il est devenu un dépotoir d'ordures.
Par contre, les bras de mer de Nianing (entre le village de Nianing et de Warang) sont de plus en plus envahis par des habitations, sous le regard coupable de l'État et des associations des amis de la nature qui prétendent lutter pour la protection du littoral. A Joal, c'est le bras de mer de Mama Nguedj qui est déjà occupé.
LUTTE CONTRE L'ÉROSION
L'État injecte 900 millions F Cfa
Pour faire face à ce phénomène alarmant qui aujourd'hui porte un coup de massue au secteur du tourisme, l'État a depuis 2011 tenté de stopper l'action corrosive des vagues. L'autorité publique a investi des centaines de millions qui, hélas, ont été engloutis par les eaux.
Un dernier investissement de 900 millions F CFA a été fait derrière l'hôtel Royal, avec la construction de deux brise-lames. Cet ouvrage de 90 mètres pour chaque briselame a permis de récupérer 6 mètres de plage.
Mais sa durée de vie ne peut pas dépasser 20 ans, quand il est bien entretenu. Avec ce résultat, le ministre de l'Environnement Abdoulaye Bibi Baldé compte ériger 7 autres brise-lames allant de l'hôtel Royal à l'hôtel Espadon, afin de protéger cette partie de la côte qui constitue un cordon hôtelier.
Si ces brise-lames ont permis de récupérer des mètres de la plage, à Saly Koulang par contre, c'est plutôt une digue de protection qui a été mise en place, pour protéger le marché qui est menacé par les vagues. Les populations, conscientes des répercussions de la disparition de la plage, expriment leur angoisse.
"C'est bien ce que ces gens font, mais s'il n'y a plus de plage, comment allons-nous survivre ? Nous savons que les plages et le soleil sont les atouts du secteur", soutient Babacar, un guide touristique. Grâce au système de remblayage de la plage, le quai de pêche de Joal Fadiouth a été sauvé et dispose d'une large plage.