ET SENGHOR PASSA L’ÉPONGE SUR LE SCANDALE
INDÉPENDANCE ET PREMIÈRE COUPE DU SÉNÉGAL
Le Sénégal indépendant avait un an quand se joua la première finale de Coupe du Sénégal. Ce vendredi qui voit la nation célébrer ses 54 ans de souveraineté internationale, Waa Sports remonte le temps jusqu’à cette finale Espoir de Saint-Louis – Saint-Louisienne qui faillit ne jamais avoir lieu.
Demain, fête de l’Indépendance. Ce n’est pas seulement cinquante-quatre ans de souveraineté internationale. On peut aussi marquer le repère sur les terrains de sport. Dans le rétroviseur, l’événement qui marque le plus l’An 1 de l’indépendance Sénégal, c’est la première finale de Coupe du Sénégal de football. Disputée entre la Saint-Louisienne et l’Espoir de Saint-Louis, deux formations de la "vieille ville" venues éblouir Dakar, comme si l’ancienne capitale tenait à faire durer ses privilèges.
Maîtresse d’œuvre, la Fédération sénégalaise de football venait de naître. A sa tête, feu Joseph Gomis. L’instance fédérale prenait le relais du Comité fédéral de l’Afrique occidentale française, organisatrice de la Coupe de l’Aof, que dirigeait feu Magatte Diack, grand-frère de Lamine Diack, actuel président de l’Iaaf. Sa mission : organiser et de développer le football sur l’étendue du territoire national.
C’est dans ce cadre que la Coupe du Sénégal "seniors" est lancée en 1961. Avec quarante-huit clubs engagés, on est loin du rush actuel. Rien qu’à partir des 32e de finales, on en compte 64 aujourd’hui. Et déjà le double pour en arriver là. Mais en 1961, le démarrage de l’épreuve fut tardif, imposant une limitation des participant pour éviter un débordement du calendrier de la saison.
Entamée le dimanche 22 janvier 1961, cette première édition de la Coupe du Sénégal se termina par la seconde édition de la finale disputée le 28 mai. Après le 1-1 du premier match, c’est l’Espoir de Saint-Louis qui s’imposa par 1-0 à l’occasion du "replay". Abdoulaye Sarr "Ujlaki" faisant le nécessaire dès la 7e mn.
On parle toujours d’une belle finale, mais celle faillit se terminer dans un fiasco total. A 16 h 30, à l’appel de l’arbitre feu Papa Salla Ngom, seule La Saint-Louisienne avait répondu à l’appel dans le Stade municipal du Champs de course, là où se trouve aujourd’hui le siège de la Banque de l’habitat.
Pour la présentation des équipes, le président Senghor n’avait devant lui qu’une formation alignée le long de la main courante. Il descendit des tribunes avec sa suite, sacrifia au rituel et remonta dans la loge officielle. On pensait au forfait.
Sans aucun adversaire devant eux, feu Amadou Sèye "Douzaine", capitaine de La Saint-Louisienne, et ses coéquipiers se mirent en place sur le terrain pour attendre le coup de sifflet qui attestait du fait accompli.
C’est à ce moment-là qu’un public déçu et stupéfait, tombera encore plus dans la stupeur en voyant les joueurs de l’Espoir de Saint-Louis escalader les murs d’une maison attenante au stade, du côte de la Cité municipale de l’avenue Malick Sy, pour entrer dans le terrain. Dans les gradins, la clameur est immense. La polémique aussi. Le finale était cependant sauve, même si la vérification des licences ne se fera qu’à la mi-temps.
On ne sait si c’est l’argument mystique de l’Espoir de Saint-Louis qui a fait mouche, mais s’ils n’ont pas salué le président Senghor pour les présentations, ses joueurs l’ont pour recevoir la coupe en fin de match. C’était justement la recommandation du marabout de l’équipe. Selon un joueur de l’époque, ce dernier leur avait intimé avant le match :
"Gardez-vous de serrer la main au président Senghor avant le début du match. Ses génies protecteurs ont une puissance telle qu’ils peuvent annihiler les effets des xon de quiconque le salue. Pire, dès que vous le touchez il vous soutire les effets bénéfiques des xon que vous portez en vous." Et d’ajouter : "di na mat ak du mat, bul joxe sa loxo" (ça mord ou ça ne mord pas, ne donne pas la main).
Ainsi la première finale de Coupe du Sénégal fut celle du scandale protocolaire, mais Senghor ne s’embarrassant pas pour si peu on n’en retint juste que le vainqueur fut l’Espoir de Saint-Louis.