ET SI LAGARDE COPIAIT OBAMA ?
La sagesse aurait dû faire dire à la patronne du Fmi, comme le Président américain en parlant de Cuba, que quand des politiques n’ont pas marché depuis 30 ans, il faudrait en essayer d’autres
Dans l’interview que Mme Lagarde a accordée au quotidien national "Le Soleil", elle a mentionné un "passé" avec lequel le Sénégal devrait "rompre" pour doubler sa croissance qui "est en moyenne de 3,5% sur les cinq dernières années".
Mais à la surprise générale, elle a évité de spécifier ce "passé" en se contentant de répéter les recommandations passées et présentes du FMI au Sénégal que sont : les réformes du secteur de l’énergie pour diminuer, voire supprimer, le coût budgétaire de la subvention de l’énergie, le changement de la technologie de production de l’énergie pour la rendre moins chère pour les entreprises et les ménages, l’amélioration des performances de l’Administration, la masse salariale, et l’environnement des affaires pour une plus grande attractivité de l’Investissement privé national comme étranger, le financement de la PME.
Depuis le début des ajustements structurels en 1985, ce sont les mêmes recommandations que le FMI donne au Sénégal. De quel "passé" parle-t-elle alors sa présidente ?
La sagesse aurait dû lui faire dire, comme le fit Obama en parlant de Cuba, que quand des politiques n’ont pas marché depuis 30 ans, il faudrait en essayer d’autres. Il faudrait rompre avec ce "passé là", si l’on veut doubler le taux de croissance au Sénégal.
Mais son discours évasif lui a permis d’éviter les graves problèmes économiques auxquels, le Sénégal, l’élève fidèle du FMI et de la Banque mondiale, est aujourd’hui confronté dans la conjoncture économique mondiale en appliquant leurs recommandations.
Elle n’a même pas pu procéder à une analyse correcte des conséquences de la baisse des cours du pétrole sur notre Economie, n’y voyant que des opportunités de réduction des subventions de l’énergie, et de baisse des prix pour les entreprises et les ménages.
De ce fait, elle a occulté que la baisse des cours du pétrole accompagne celle du cours de l’or brut qui est notre troisième produit d’exportation après les produits alimentaires et les produits pétroliers. Elle a surtout oublié de mentionner que toutes ces baisses résultent de la volonté politique délibérée des USA de manipulation du dollar à la hausse qui a entraîné la baisse des cours de l’or brut, et contribué à la baisse des cours du baril du pétrole.
Les conséquences de cette politique se sont traduites au Sénégal, par la baisse de 14 milliards de nos exportations de l’or brut sur les 11 mois de 2014 par rapport à 2013, réduisant amplement la baisse de 17 milliards de nos importations de produits pétroliers sur la même période. ("Note de Conjoncture de la Direction de la Prévision et des Etudes Economiques", publiée en Décembre 2014.)
Au plan des recettes fiscales, une baisse des cours des produits pétroliers entraîne mécaniquement une baisse des Droits de Douanes et de la TVA sur ces produits ; et au plan de la Dette extérieure, la hausse du dollar l’augmente mécaniquement.
Elle ne peut pas ignorer tout cela, mais cette vérité va à l’encontre de son objectif de réduction de la subvention de l’énergie, rappelant qu’elle a coûté 180 milliards en 2012, soit 2,5% du PIB, en fermant les yeux, sur le fait que dans le budget pour l’année 2015, cette subvention a été ramenée à 61 milliards!
De même, le gouvernement vient, malgré tout, de baisser les prix des produits pétroliers sans que la SENELEC, ou les transporteurs ne les aient répercutés aux entreprises et aux consommateurs.
Donc, l’effet bénéfique de la baisse du cours du baril sur notre Economie, n’est pas si évidente qu’elle le fait croire afin de fonder faussement de bonnes perspectives de l’Economie du Sénégal.
En outre, Mme Lagarde a semblé ignorer les effets négatifs des APE sur les recettes fiscales de l’Etat, dont le Ministre du Commerce avouait qu’il faudrait, "pour y faire face "un" besoin de 575 milliards de Frs CFA pour renforcer sa production"!
C’est dans ce contexte que le PSE, élaboré avant la crise actuelle et la signature des APE, devrait être exécuté avec des contre parties budgétaires de l’Etat dans le cadre du "Partenariat Public Privé" (PPP) de 476 milliards d’apport de l’Etat, et de contribution du budget de l’Etat de 984 milliards, soit un total de 1460 milliards !
Donc, faire croire aux Sénégalais, que l’Etat peut dégager ces 1460 milliards supplémentaires dans la conjoncture de crise actuelle, ne peut être que le fruit d’une spéculation intellectuelle pour amener l’Etat à des réductions de dépenses budgétaires plus draconiennes, non pas pour investir et former des ressources humaines de qualité, mais pour payer sa dette, artificiellement gonflée par la flambée du dollar.
Cette politique de continuité que Mme Lagarde présente comme une "rupture avec le passé" est d’autant plus inacceptable que le Sénégal est déjà rentré dans le "syndrome de la dette", qui lui fait emprunter pour la payer.
C’est ainsi qu’en 2013, le Sénégal a emprunté 373 milliards de Frs CFA alors qu’il devait faire face à un remboursement de 441 milliards de Frs CFA ; en 2014, il a emprunté 544 milliards face à un remboursement de 523 milliards ; et en 2015, il projette d’emprunter 570 milliards, de Frs CFA et devra rembourser 598 milliards de FRS CFA, des investissements sur ressources propres de 557 milliards, et une masse salariale avec 510 milliards.
Le remboursement de la Dette est donc devenu un obstacle aux investissements sur ressources propres et à la masse salariale !
C’est dans ce contexte où l’APD, sous forme de Dons, est en baisse, passant de 206 milliards en 2012, à 189 milliards en 2013, et que les investissements privés chutent gravement en passant de 908 milliards en 2012, à 660 milliards en 2013 !
Le Sénégal n’a pu éviter de plonger dans une grave crise économique qui lui aurait valu d’être mis, de nouveau, sous ajustement structurel, que grâce aux transferts des Sénégalais qui ont fortement réduit le déficit de la Balance courante des payements de l’Economie nationale.
C’est ainsi que ces transferts sont passés de 702 milliards en 2011, à 749 milliards en 2012, et à 835 milliards en 2013 qui ont permis de réduire le déficit de la Balance courante des payements de 18,5% à 8,2%.
Non Mme Lagarde ! Vous ne pourrez jamais nous faire prendre de "vielles recettes", pour des nouvelles !
Le Sénégal, pour doubler sa croissance, devrait rompre avec vos recettes qui l’ont enfoncé durablement dans la dépendance et la pauvreté.
Ibrahima Sène
PIT/SÉNÉGAL Dakar le 29 Janvier 2015