ETUDIANTS DU SÉNÉGAL, GÉNÉRATION SACRIFIÉE ?
La loi relative aux universités publiques du Sénégal, telle que votée par l’Assemblée vendredi 26 décembre 2014, est irresponsable. L’attitude du Saes ne l’est pas moins. Les étudiants sont les dindons de cette farce. Je m’en explique : la crise universitaire dure dans notre pays depuis plusieurs années, et la perspective d’un apaisement dans les relations professeurs-pouvoir exécutif ou comme récemment Etudiants Pouvoir Exécutif n’est toujours pas au rendez-vous.
Qui blâmer ?
Le Président Macky Sall ?
Son ministre de tutelle Mary Teuw Niane ?
Les professeurs euxmêmes (Saes) ? Les étudiants ?
Et pourquoi pas, tant qu’on y est, la population dans son ensemble ?
Avant d’accabler X ou Y, les faits, tous les faits, uniquement les faits les plus récents :
La loi relative aux universités publiques du Sénégal a été votée par l’Assemblée nationale, le vendredi 26 décembre 2014, affichant un double objectif : (i) mettre fin aux disparités et incohérences qui caractérisent la gouvernance universitaire et (ii) favoriser une régulation efficace du soussecteur de l’enseignement supérieur.
Ses principales dispositions sont les suivantes : 3 organes administrent l’université : le conseil d’administration, «organe délibérant» composé de 20 membres dont trois sont nommés par décret : sur proposition du ministre chargé de l’Enseignement supérieur, le président, le vice-président (tous deux issus du milieu socioéconomique) ainsi que le recteur (cf. infra).
Le conseil académique ; Le recteur, dirigeant de l’université, ordonnateur principal du budget de l’Université et responsable du maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’université. Il est choisi parmi les professeurs titulaires des universités et de nationalité sénégalaise. Il peut être assisté d’un, deux ou trois vice-recteurs nommés sur sa proposition par décret. Une «faute grave» peut justifier que soit mis fin à ses fonctions, sans que ne soit définie cette notion pourtant essentielle.
Elle a ensuite fait l’objet d’une circulaire interprétative [1], preuve que les 3 sections que la loi prévoit méritent d’être éclairées. Que nous enseigne cette circulaire ?
La représentativité paritaire au sein du conseil d’administration du milieu socioéconomique comme du monde universitaire serait la condition sine qua non de la «pertinence» ainsi que de «l’efficacité» de son action. Il reviendra ensuite au règlement intérieur de l’université de préciser l’organisation et le fonctionnement du comité d’audit, du comité de ressources humaines ou du comité d’éthique et de déontologie.
Le conseil d’administration et le conseil académique sont deux organes complémentaires, en ce que le premier a en charge la «gestion administrative», en définissant notamment les orientations stratégiques et en veille à leur mise en œuvre, et le second est un «organe opérationnel dont la mission est d’assurer le suivi et l’évaluation des aspects scientifiques, académique, pédagogique, disciplinaire et de recherche» ;
Le Recteur est bien l’organe «exécutif suprême de l’université». La faute grave peut seule justifier qu’il soit relevé en cours de fonction, sans non plus que cette circulaire à vocation explicative n’explique ce qui est gravement fautif de la part de celui qui est nommé par le ministre de tutelle.
Les faits étant posés, quelques interrogations :
Si la représentativité des milieux universitaires et socioéconomiques est érigée en principes essentiels par le gouvernement, pourquoi imposet-il que le tandem président vice-président soit exclusivement «issu du milieu socioéconomique» ?
Si la «faute grave» est le seul motif qui puisse justifier que soit mis fin avant son terme aux fonctions du recteur tout-puissant, et alors même qu’il est nommé par le ministre de tutelle, comment s’accommoder d’une absence de définition de ce que recouvre cette notion fourre-tout ?
Comme le Saes l’a dit, sur le plan de la méthode, le gouvernement aurait dû soumettre son projet de loi aux instances délibératives des universités, par ordre d’importance : départements, conseils de faculté et enfin assemblées des universités. Cette absence de concertation préalable accrédite les accusations d’un passage en force de cette loi et d’une mainmise sur les universités qui ne dit pas son nom.
Une première conclusion s’impose : la loi relative aux universités publiques du Sénégal telle que votée par l’Assemblée vendredi 26 décembre 2014 est irresponsable et dénote un certain amateurisme, pour ne pas dire d’un amateurisme certain. Et pour le bien de tous, une deuxième lecture à l’Assemblée nationale s’impose. Mais la question qui me taraude l’esprit est de savoir remédie-t-on vraiment à ces manquements par la seule grève quasi-permanente au Sénégal ?
Le schéma de l’enseignement au Sénégal se résume en «je fais la grève, je finis, tu fais la grève, tu finis, vous faites la grève, vous finissez. Ils reprennent la grève» : c’est cela, faire preuve de patriotisme ?
Le Président de la République est encore interpellé, il doit savoir et on présume qu’il le sait, que notre plan Sénégal émergent ne fonctionnera pas sans une bonne formation de l’élite que sont les étudiants.
Saviez-vous qu’en 2035, horizon de notre supposé émergence, que c’est cette génération que l’on refuse de bien former qui sera aux commandes du Sénégal ?
Une seconde conclusion s’impose : l’attitude du Syndicat autonome de l’Enseignement supérieur va à l’encontre des intérêts qu’il prétend servir. Il est parfois mieux de trouver d’autres armes pour défendre vos intérêts !
Depuis quand l’opposition à toute réforme est-il un programme d’action ?
Qu’est-ce qu’un Professeur sans étudiants ?
Pris en otage entre le marteau gouvernemental et l’enclume syndicale, ce sont les étudiants qui se retrouvent sacrifiés sur l’autel de la pseudo-réforme.
Attention : «Si la non-assistance à une génération en danger est un délit, le sacrifice de toute une génération est quant à lui un crime contre l’humanité.»
Stop à la grève !