FATOU KANDE SENGHOR OU LE HIP HOP A LA PREMIERE PERSONNE
WALA BOK, UNE HISTOIRE ORALE DU HIP HOP AU SENEGAL
Intitulé «Wala Bok, une histoire orale du hip hop au Sénégal», l’ouvrage de Fatou Kandé Senghor s’est retrouvé ce mercredi 30 septembre « Au cœur de la littérature », une idée du Goethe Institut. Publié aux éditions Amalion, ce texte de 304 pages, qui sert à la fois de guide et d’anthologie, donne la parole aux rappeurs eux-mêmes, loin de toute prétention pour Fatou Kandé Senghor d’en faire une lecture analytique. Seul regret de l’auteur : les principaux concernés n’ont pas (encore) lu son livre. Heureusement que Matador était là, lui qui a très vite transformé le local climatisé en salle de concert surchauffée.
Ce n’est pas toujours très évident, pour ne pas dire que c’est absolument casse-cou, que de vouloir introduire quelqu’un d’aussi inclassable que Fatou Kandé Senghor, mais ne vous en faites donc pas : elle assume parfaitement, la dame, de ne pas avoir de «titre spécifique» comme elle dit. Cinéaste ou photographe, pas la peine de chipoter voyons ! Les étiquettes, très peu pour elle…Dites «artiste» et vous serez au moins sûrs de ne pas commettre d’impair. Le mot, malgré son petit côté parfois fourre-tout, lui «correspond» tout à fait.
Etre artiste, quelque part, c’est une manière d’être, un style de vie, peut-être les deux à la fois. Etre artiste, ce serait aussi comme être à saute-moutons entre les projets ou entre les disciplines ; ou alors s’agirait-il, de façon métaphorique, d’«avoir plusieurs casseroles en même temps sur le feu». Pour Fatou Kandé Senghor, on a parfois l’impression que cela lui donne surtout le droit ou le devoir de ne pas se taire : «Chaque société a besoin d’un prêcheur» dit-elle.
Son univers artistique n’a rien d’étriqué quand on sait que Fatou Kandé Senghor peut désormais rajouter le mot «auteur» à la longue «liste de choses qu’ (elle) sait faire». «Wala Bok, une histoire orale du hip hop au Sénégal», un ouvrage de 304 pages signé de sa main, s’est ainsi retrouvé «Au cœur de la littérature», un concept que l’on doit au Goethe Institut. Dans la soirée de ce mercredi 30 septembre, elle s’amusait à raconter l’histoire d’un livre qui aurait tout simplement pu être un film. Fatou Kandé Senghor avait d’ailleurs déjà commencé à prendre quelques images, même s’il n’y avait «pas (vraiment) d’histoire au départ». Ensuite, tout ira très vite…
C’est en s’introduisant dans ce milieu où «il y a toujours matière à rire», que l’ «artiste» finira par se retrouver avec toute une série d’anecdotes : Awadi qui sèche les cours à cause de ses soirées un peu trop mouvementées et qui trompe son monde en somnolant dans l’arrière-cour du boutiquier. L’histoire du hip hop au Sénégal, c’est aussi tous ces groupes qui se disloquent et qui se rabibochent ensuite, la guerre des pionniers, les précurseurs et les petits jeunes, sans parler de tous ces rappeurs qui lorsqu’ils ne tiennent pas le micro, sont maçons ou carreleurs.
Au-delà du nombre de pages que compte le livre, il y a bien toute une dizaine d’années de recherches. On y est entre «les jeunes rappeurs qui prennent de l’âge, ceux qui ont commencé par insulter des politiciens et qui finiront par s’assagir, en plus de toutes ces jeunes femmes qui se lancent dans le métier.» Il y en a quelques-unes dit Fatou Kandé Senghor, 3 ou 4 à peu près. L’auteur, qui connaît plutôt bien le milieu et qui en consomme la musique, ajoute que pour la plupart d’entre elles, «les barrières sont assez oppressantes». Entre les parents et le mariage, elles manquent parfois d’expérience, ce qui explique peut-être que le message s’essouffle juste «après le premier album», et peut-être aussi parce qu’elles «ont épuisé tous leurs sujets».
Au cours de la soirée, Fatou Kandé Senghor a aussi dû faire face à une certaine critique, qui lui reproche par exemple de s’être seulement contentée de «donner la parole aux rappeurs». L’auteur, qui explique qu’elle a surtout voulu privilégier la première personne, dit encore qu’elle ne pouvait pas se permettre de «décortiquer ou d’analyser le contenu» de ces discours-là. Ce n’était pas prévu.