FAUTE D’ARGENT...
BLOCAGE DE LA RÉHABILITATION DE LA ROUTE FATICK-KAOLACK
Macky Sall voudrait bien, la semaine prochaine, se vanter d’avoir réussi à lancer les travaux de réfection de la route Fatick-Kaolack. Mais cela sera bien difficile, car Ageroute ne parvient pas à sortir l’argent à payer à l’entrepreneur Bara Tall, dont la compagnie a obtenu le marché. La faute à un Acp très à cheval sur les textes.
Le Président Macky Sall entame la semaine prochaine, une tournée économique dans la région traditionnelle du Sine-Saloum. Il a annoncé à ses ministres qu’il souhaitait, lors de son passage, présenter avec fierté, l’état d’avancement des travaux de réfection de la Route nationale Fatick-Kaolack.
Malheureusement, il semble que cela ne pourrait à la limite, être qu’un effet d’annonce, rien de concret ne pouvant se faire dans l’intervalle de temps qui reste. Car, les travaux sont pour le moment, totalement arrêtés, malgré leur lancement en grande pompe.
Ce tronçon de la Rn1, cauchemar des automobilistes, fortement dégradé, a vu sa réhabilitation confiée à l’entreprise Jean Lefebvre Sénégal (Jls) de Bara Tall, celle même qui l’avait construite. On sait que cela n’était pas allé comme un long fleuve tranquille, et l’Etat du Sénégal et l’entreprise ont connu un long contentieux pour savoir à qui devaient incomber les charges de la réparation, ainsi que les dédommagements.
Dionne inaugure... les travaux ne commencent pas
Bara Tall s’étant engagé en politique, comme bien d’autres, aux côtés des alliés du Président Macky Sall, ce dernier n’en a été que plus motivé pour en finir avec ce contentieux sur la route Fatick-Kaolack.
Et Jls et l’Agent judiciaire de l’Etat ont fini par trouver un accord à l’amiable, qui mettait fin au conflit avec l’entreprise. L’accord en question a été sanctionné par un protocole qui prévoit la réparation du tronçon de la Rn1 objet du conflit. C’est ainsi que le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, s’est déplacé jusqu’à Kaolack, pour lancer, en février dernier, les travaux de réhabilitation de la route.
Mais une fois le Premier ministre parti avec sa suite, des projecteurs, des caméras de télé et des micros de radio, les choses sont retombées, et tout s’est arrêté, car Jls ne peut entamer les travaux, n’ayant pas reçu une avance quelconque pour le faire. Le montant des travaux, estimé à 15, 2 milliards de francs Cfa, est bloqué dans les comptes d’Ageroute, sans possibilité pour le moment, de décaissement.
En effet, l’Agent comptable particulier (Acp) de cette structure autonome, bien que rattachée au ministère des Infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement, ne veut pas décaisser un sou tant qu’il ne lui sera pas présenté un contrat en bonne et due forme autorisant la réalisation des travaux de réhabilitation de la route.
Or, de contrat, il n’en existe point. Comme on l’a dit plus haut, c’est un protocole d’accord qui a sanctionné la réconciliation entre l’Etat du Sénégal et Jean Lefebvre Sénégal, et le protocole n’a été ratifié, côté Etat, que par l’Agent judiciaire de l’Etat.
L’Acp d’Ageroute estime que ce protocole ne peut tenir lieu de contrat d’exécution des travaux. Et les diverses pressions pour lui faire entendre raison n’ont eu aucun effet sur ce fonctionnaire. Il faut savoir qu’avec les nouvelles dispositions harmonisées en matière de gestion des finances publiques, les Acp engagent leur responsabilité autant pécuniaire que pénale sur leurs actes de gestion.
Et depuis le démarrage de la traque des biens mal acquis, certains d’entre eux se sont déjà retrouvés en prison pour avoir été pris en défaut dans le décaissement de fonds. C’est sans doute fort de cette leçon que l’Acp d’Ageroute se cramponne aux textes.
Scenarii pour contourner l’Acp
Pour contourner cet obstacle de l’inexistence du contrat, divers scenarii ont été envisagés, parmi lesquels, celui de faire passer le marché comme un gré à gré. Malheureusement, même dans ce cas, il faudrait l’accord de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp), qui serait conditionné à certains critères, qu’il n’est pas sûr que ce marché remplisse. Et le recours à un appel d’offres ne garantirait pas que Jls en remplisse les conditions et remporte le marché.
L’autre scenario serait de prévoir un avenant au protocole, mais cela présupposerait l’existence d’un contrat, ce qui n’est pas le cas.
L’Agent judiciaire de l’Etat aurait pu récupérer les fonds de la route et les gérer en débloquant les paiements à la demande. Mais en la circonstance, l’Agent judiciaire a clairement fait comprendre que son rôle était de régler les contentieux judiciaires de l’Etat, et non de gérer les fonds des marchés.
L’idée a été lancée de demander au supérieur de l’Acp, à savoir le ministre de l’Economie et des finances, qu’il fasse entendre raison à son fonctionnaire. Mais il se dit que Amadou Ba aurait confié à des proches collaborateurs qu’il n’est pas dans ses habitudes de s’immiscer dans le travail d’un fonctionnaire, fut-il un subordonné. Il a indiqué que l’Acp ne ferait, pour le moment, que se conformer aux textes, et il ne pouvait être question dans ces conditions, de lui tordre la main.
Parallèlement, le ministre aurait assuré que la situation serait proche d’un règlement, que son collègue du Budget aurait ratifié un contrat d’exécution des travaux, qui permettrait de débloquer les fonds. Ce que tout le monde attend de voir.
Macky veut voir les travaux
Pour le moment, il semble que quand Macky Sall a été informé du blocage de la situation, il aurait demandé aux différents acteurs de se débrouiller. Tout ce que le chef de l’Etat voudrait, a-t-il fait comprendre, c’est qu’à son passage à Kaffrine ou à Kaolack, il puisse annoncer avec fierté, le bon avancement des travaux de la route Fatick-Kaolack. Le reste, il s’en balance...
Du côté d’Ageroute, la première concernée, la voix officielle semble avoir opté pour le silence. La chargée de communication de l’Agence, après avoir indiqué qu’elle n’était pas «habilitée à parler de cette affaire» ; a promis de mettre Le Quotidien en contact avec le responsable du projet. Jusqu’à l’heure du bouclage, on attendait toujours son appel.