FIN DE PARCOURS
Ce qui est sorti des urnes à l’issue des élections locales de ce 29 juin 2014 était bien prévisible. Ces élections ont révélé le peu d’emballement des populations à aller sacrifier à leur devoir citoyen. A peine un électeur sur trois est allé voter. Pourtant, les Etats-majors politiques avaient été bien obligés de s’investir pour mobiliser les électeurs.
A ce jeu, les responsables politiques au pouvoir pensaient être imbattables, d’autant qu’ils disposeraient de plus de ressources pour assurer le déplacement, les repas et autres subsides pour leurs électeurs le jour du scrutin. De l’argent et des vivres ont été distribués. Sans doute que la menace brandie par le Président Macky Sall de tirer toutes les conséquences des élections locales, notamment dans la perspective d’une redistribution des positions au sein de l’appareil d’Etat, y a été pour quelque chose.
Le chef de l’Etat, qui n’a pu dissuader les responsables de l’alliance politique au pouvoir d’aller à ces élections en rangs dispersés, se réserve l’occasion de faire payer aux multiples électrons libres leurs incartades politiques. Dans la plupart des localités, des listes concurrentes de la même majorité politique ou du même parti politique ont été constatées, ou même que des responsables de la majorité au pouvoir ont pactisé avec les opposants les plus irréductibles contre leur propre famille politique.
Ainsi, en agrégeant les scores réalisés par les unes et les autres listes en compétition, il sera difficile de pouvoir établir si le camp favorable au Président Macky Sall a obtenu ou non plus de voix que l’opposition. Il reste que l’analyse des résultats s’intéressera au coefficient personnel de tel ou tel leader politique local. Dans cette perspective, le duel dakarois entre le maire de Dakar sortant, Khalifa Ababacar Sall, et le Premier ministre Mme Aminata Touré était intéressant.
Il constituait d’ailleurs à l’origine la principale pour ne pas dire l’unique attraction de ce scrutin. Une victoire légitimerait des ambitions nationales plus fortes pour Khalifa Ababacar Sall, alors qu’on se demandait bien ce que Mme Aminata Touré pourrait gagner de ces élections. En décidant de briguer la mairie de Dakar, elle a de facto enterré sa vie de Premier ministre.
En effet, battue et de façon cinglante comme elle l’a été hier, elle ne pourrait pas échapper à l’exercice de Macky Sall de tirer les conséquences politiques de ces élections comme il l’avait annoncé. Plus précisément, le chef de l’Etat avait mis en garde ses partisans contre toute défaite. A moins qu’il ne se ravise, on ne voit pas comment Macky Sall pourrait sanctionner un autre responsable politique en fermant les yeux sur la cuisante défaite de son Premier ministre qui, dans le cas d’espèce, aura creusé sa propre tombe.
D’ailleurs, au cas où Aminata Touré réussirait à souffler à Khalifa Sall sa victoire par un jeu d’alliances au niveau du Conseil municipal pour l’élection du maire de Dakar, au-delà du fait qu’il lui manquerait une certaine légitimité populaire, on ne voit pas dans le cadre d’une gouvernance politique efficace comment un Premier ministre pourrait cumuler ses fonctions avec celles de maire de la capitale.
Il est vrai que Macky Sall avait été Premier ministre et en même temps maire de Fatick, à l’instar de Souleymane Ndéné Ndiaye, Premier ministre et maire de Guinguinéo ou d’un Idrissa Seck, Premier ministre et maire de Thiès. Tout le monde conviendra que la gestion de la ville de Dakar exige plus de présence et d’investissement personnel pour le maire que celle des autres villes du pays.
De toute façon, la gestion des communes dirigées par un maire-Premier ministre a toujours souffert de l’absence pour ne pas dire de l’absentéisme de l’édile local.
Un autre enseignement qu’il faudra tirer de ces élections locales est lié au comportement électoral des populations de la ville de Touba. Plus que le fort taux d’abstention relevé, c’est le fait que de nombreux électeurs aient préféré voter bulletin blanc que de voter pour la liste dite du «khalife».
Devant cette situation assimilable à une certaine forme de révolte, d’aucuns ont voulu mettre ces «impairs» sur le compte d’une ignorance des électeurs, mais il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois qu’une liste du khalife ait été la seule en compétition à Touba.
On peut bien se demander si ces électeurs n’ont pas manifesté, par leur forte abstention ou par leur vote non conforme à la liste du guide religieux, leur volonté de refuser qu’il n’y ait qu’une seule liste à Touba et que cette unique liste ne respecte pas la règle de la parité fixée par la loi électorale sénégalaise. De même qu’on pourrait augurer que les violences pré-électorales constatées à Touba avec la mise à feu des biens du responsable politique Moustapha Cissé Lô et autres comportements de haine et de violence aient pu susciter l’aversion de certains électeurs.
L’attitude des électeurs à Touba et en général vis-à-vis des listes conduites par des figures religieuses sur toute l’étendue du pays semble sonner le glas de la prégnance des religieux sur les choix politiques de leurs disciples.
On aura aussi remarqué que le Pds continue de mourir à petit feu. Avec cette bérézina, Abdoulaye Wade comprendra-t-il enfin qu’il a fait son temps et qu’il ne peut plus être le sauveur de son parti encore moins incarner une force politique de premier plan au Sénégal?
L’échec du Pds est le sien, lui qui était à la tête d’une marche bleue factice et qui clamait que la mobilisation de partisans qui l’acclamaient montrait que les Sénégalais voulaient abréger le mandat de Macky Sall.
La petite victoire qui s’annonce pour Idrissa Seck à Thiès est partie pour être un autre enseignement de ce scrutin de dimanche. On a observé que depuis 2007, Idrissa Seck perdait du terrain d’une élection à une autre, mais de là à penser qu’il pourrait être bousculé de cette façon dans sa ville de Thiès... Un autre maire sortant, Cheikh Bamba Dièye, a lui aussi pu mesurer ses limites. Il a mordu la poussière.