FRILOSITÉ ET HYPOCRISIE
La liste du khalife général des mourides pour les élections locales dans la communauté rurale de Touba n’a pas encore fini de faire des vagues et de susciter des réactions épidermiques. La dernière étant celle soulevée par le communiqué publié hier par la Commission électorale nationale autonome (Cena). Cette dernière n’hésite pas à affirmer que le guide religieux a déclaré que la composition de sa liste avait été approuvée par les membres du gouvernement.
Ce qui explique largement le lourd silence noté chez les autorités, depuis l’éclatement de cette affaire. Il a fallu qu’il soit poussé dans ses derniers retranchements pour que le ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, puisse déclarer que cette liste du khalife ne gênait en rien les acteurs politiques.
A part lui, on n’a entendu aucun ténor, qu’il soit du pouvoir ou de l’opposition, qui ait élevé la voix pour se prononcer sur cette question. Seules quelques voix perturbatrices d’éternels seconds couteaux, que l’opinion a fini de déconsidérer, se sont fait entendre, pour soutenir servilement la position du khalife général des mourides.
Pourtant, quand il s’était agi d’adopter ladite loi instituant la parité intégrale sur les listes électorales, loi portée à son époque par le Président Wade, les approbations étaient venues aussi bien de Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Macky Sall que de Youssou Ndour.
Pourquoi toutes ces personnes n’osent-elles plus parler aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé depuis avec cette loi ? Pourquoi ces dirigeants politiques préfèrent-ils laisser la Cena en première ligne ?
Cette institution, pour sa part, n’est nullement exempte de reproches, loin de là. Nous avions connu la commission dirigée par Doudou Ndir plus déterminée quand il s’est agi d’imposer le respect de la loi et des principes républicains.
Quand à Dindy et Ndoulo, des listes n’avaient pas respecté les critères, la Cena n’avait pas hésité à les invalider, sans chercher à négocier. Pourquoi, cette fois-ci, a-t-on senti le besoin d’envoyer une délégation parlementer avec le guide religieux de Touba ?
C’est d’autant plus paradoxal que dans son communiqué, la Cena reconnaît qu’elle a des pouvoirs lui permettant «d’appliquer la loi dans toute sa rigueur». Pourquoi vouloir traiter la ville de Touba en «cas particulier» ?
Tous ceux qui préconisent cette solution sont- ils conscients que, ce faisant, ils ouvriront la voie à toutes les cités religieuses du Sénégal pour exiger un traitement équivalent, et que des régions comme la Casamance se sentiraient légitimées pour exiger leur autonomie, pour ne pas dire leur indépendance ?
On peut ne pas aimer la loi sur la parité, mais elle est (encore) la loi de la République. A ce titre, elle ne devrait pas souffrir d’exception dans son application.