Fullë mooy jaay daxaar
MACKY ET DP WORLD : "SEULE LA FERMETÉ EST PAYANTE"
C’est assurément un beau succès, ce que l’on peut appeler la reddition de Dubaï ports World. Le gouvernement de Macky Sall et les procureurs de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) avaient beau dire que les transactions autour du montage de la filiale dakaroise de cette multinationale étaient des plus nébuleuses et que les opérations cachaient des intérêts occultes.
La firme de Dubaï faisait la politique de l’autruche et répondait par l’indifférence aux exigences des autorités politiques et judiciaires selon lesquelles Dp World devait fournir les preuves de sa propriété exclusive des intérêts sur le Port de Dakar. Le Sénégal a toujours considéré que le montage avec des sociétés-écran domiciliées aux Iles Vierges britanniques cachait des intérêts de Karim Wade. Une campagne de presse avait tenté de discréditer la procédure judiciaire ouverte au Sénégal et il était même prêté aux Dubaïotes l’intention de brandir des menaces de contrecoups diplomatiques et économiques pour le Sénégal.
Le Sénégal est resté inébranlable, poussant le bouchon jusqu’à placer sous administration provisoire la société. Dès lors, il était clair que les conséquences d’une telle procédure allaient fatalement se révéler néfastes pour Dp World. En effet, l’administrateur provisoire nommé par la justice accéderait à toutes les opérations de la société, ce qui non seulement permettrait d’en établir la traçabilité, mais aussi la mise sous administration provisoire d’une filiale aussi importante provoquerait la dégringolade de la cote de Dp World en bourse. Il ne restait plus alors à l’Emir de Dubaï d’aller à Canossa.
Ainsi, avouera-t-il que Dp World n’a jamais payé à l’Etat du Sénégal la somme de 24,6 milliards de francs Cfa représentant le reliquat du ticket d’entrée d’un montant total de 54,6 milliards. Karim Wade et son cousin Bara Sady, ancien directeur général du Port de Dakar ainsi que tout le gouvernement de Abdoulaye Wade avaient prétendu que les 24,6 milliards avaient servi à acquérir 10% du capital de Dp World Dakar.
Le procédé apparaissait on ne peut plus incongru et déséquilibré, car 24,6 milliards de francs auraient ainsi servi à acheter, à l’instant de la création de la société, 10% du capital d’une société dont le capital social est de 1 milliard de francs Cfa !
L’autre concession et non des moindres faite par Dp World est d’accepter de reconnaître la nébuleuse de la propriété de Dp World Dakar. En effet, la firme dubaïote qui s’avère incapable de prouver être propriétaire de la société Dp World Senegal limited créée aux Iles Vierges britanniques «accepte de créer une nouvelle société de droit sénégalais avec des actionnaires connus».
Dp World Senegal limited sera rayée de la carte et toutes possibilités de pourvoir à des rentes seront ainsi coupées. La fermeté a fini donc par payer. Dans nos chaumières on dirait, «fullë mooy jaay daxaar*». Thomas Erskine disait que «ce que l’on nomme fermeté chez un roi s’appelle entêtement chez un âne».
Ce trait de caractère des autorités de l’Etat s’est révélé aussi payant sur les menaces et autres chantages brandis par des prévaricateurs de deniers publics du régime de Abdoulaye Wade. Nous avisions sur le «devoir de faire face» en écrivant dans ces colonnes le 15 mars 2013 que «les menaces proférées sont à prendre très au sérieux, car le pouvoir de Macky Sall est menacé de déstabilisation par des opposants milliardaires qui ont amassé leurs fortunes par un pillage en règle des ressources publiques. L’Etat a le devoir de faire face à ces milliardaires du Pds…
Chaque citoyen doit se sentir concerné et se dresser en bouclier d’un régime démocratiquement installé et qui traduit l’aspiration profonde des citoyens qui l’ont plébiscité, il y a juste un an avec plus de 65% des suffrages. Va-t-on accepter que nos milliards volés servent à déstabiliser le Sénégal ? ».
Cheikh Tidiane Sy clamait urbi et orbi qu’au cas où on toucherait à un cheveu de son fils, Thierno Ousmane Sy, il ferait des révélations sur Macky Sall et son régime qui feraient sauter la République. On était fort curieux de savoir ce qu’il dirait à la conférence de presse qu’il avait appelée pour le jeudi 6 juin 2013. On comprendrait la détresse d’un père dont le fils supporte mal l’enfermement. Mais tout le monde est resté sur sa faim. Cheikh Tidiane Sy a soigneusement évité le Président Macky Sall et son ministre de la Justice, Aminata Touré, pour s’en prendre à des défouloirs. Il aura attendu que Ousmane Diagne ne soit plus procureur de la République pour l’accuser d’avoir comploté avec l’ancien journaliste Abdou Latif Coulibaly. Il est interdit de rire !
Comme il l’est aussi quand Cheikh Tidiane Sy prête au Premier ministre Abdoul Mbaye une influence dans une procédure judiciaire qui relève de la tutelle de Aminata Touré. Pour Cheikh Tidiane Sy, Kéba Keinde qui porte le nom du père du Premier ministre, aurait été épargné par la procédure judiciaire relative à l’affaire Sudatel pour laquelle Thierno Ousmane Sy est en prison. Il s’avère pourtant que Kéba Keinde est bel et bien recherché par la justice.
Et puis, comment Cheikh Tidiane Sy peut-il demander qu’une autre personne, qui puisse-t-elle être, soit arrêtée dans le cadre d’une procédure qu’il trouve déjà fallacieuse et sans fondement ? Qui ne se souvient pas par ailleurs de la dent que Cheikh Tidiane Sy garde pour Ousmane Diagne et Mandiogou Ndiaye, actuel président de la Crei ? Mandiogou Ndiaye avait été procureur général près la Cour d’appel de Dakar au moment où le ministre de l’Intérieur, Cheikh Tidiane Sy, traquait un certain Macky Sall pour blanchiment d’argent qui proviendrait du Gabon. Mandiogou Ndiaye et Ousmane Diagne avaient refusé une perquisition que le ministre de l’Intérieur demandait avec une insistance suspecte.
Les magistrats avaient flairé un traquenard contre Macky Sall et avaient aussi décidé d’un classement sans suite de l’affaire. Le ministre de la Justice, Madické Niang, aura beau demander un règlement du dossier dans le genre «l’enquête suit son cours», que Mandiogou Ndiaye dira n’obtempérer que sur la base de réquisitions écrites du ministre de la Justice. Madické Niang ne se risqua jamais à le faire.