Gestion de la Mutuelle des armées et de la Banque du soldat : La grande nébuleuse
Grogne dans la grande muette. Malgré l’omerta propre à ce grand corps militaire, des langues se délient pour dénoncer la gestion de la Mutuelle des armées. De plaintes en complaintes, la confiance des membres de celle-ci envers leur propre structure s’est complètement érodée pour provoquer la démoralisation et la démobilisation des troupes. Organisme d’intérêt privé, l’objectif poursuivi était d’aider les militaires pressés par certaines urgences existentielles dans leur quotidien chahuté par plusieurs problèmes. Il s’agit du remboursement des ordonnances, l’appui aux évacuations sanitaires à l’étranger dont le taux est fixé à 1 million de Francs Cfa et l’octroi aussi des prêts sociaux en faveur exclusivement des militaires et des sapeurs-pompiers.
Un officier a le verbe désabusé : «Ce n’est plus la peine. Cette mutuelle ne sert à rien. Elle est en faillite.» La Mutuelle des armées arrive à peine à rembourser les ordonnances sur une longue période. Un autre officier chiale d’aigreur : «J’ai déposé depuis six mois mes demandes de remboursement pour mes ordonnances. Jusqu’à présent, plus rien alors que cela devrait juste durer 48 heures au maximum.» Un Sous-officier renchérit pour laisser appréhender l’ambiance généralisée par des complaintes : «Je n’ai jamais bénéficié de remboursement. J’ai déposé ma demande depuis sept mois mais je suis toujours dans l’attente alors que la somme fait plus de 150 mille.»
Gérée par des officiers intendants dont le président du Conseil d’administration est le Colonel Abdoul Aziz Diop, la Mutuelle ne … soigne presque plus ses membres. Certains sont obligés de puiser dans leurs maigres ressources pour parer au plus pressé attendant un lointain remboursement. Ce militaire de rang dont les émoluments ne sont pas hautement consistants est contraint de supporter les désagréments provoqués par «les travers de la Mutuelle» : «C’est insupportable. Depuis trois ans, je subis ces désagréments parce que je n’ai même pas de numéro d’immatriculation. Evidemment, je ne peux pas en bénéficier. Mais c’est une situation totalement injuste et invivable pour des gens qui ont des revenus assez modestes. C’est une charge supplémentaire que je n’arrive pas à supporter.»
Aujourd’hui, la Mutuelle a fini de démoraliser les «soldats» qui ont perçu à travers sa création une amélioration de leurs conditions de vie et aussi de travail. Blasé par les longs retards et les nombreux désagréments provoqués par des va-et-vient incessants entre leur camp et le siège de la structure avant de revenir les mains ballantes. Cet autre militaire de rang qui broie du noir depuis 5 ans reste inconsolable. «C’est hallucinant. Je suis resté cinq ans sans avoir de carte de membre pour prétendre à un remboursement d’ordonnances ou d’autres avantages. C’est tout simplement une arnaque. Pourtant, on ne nous sert aucune explication surtout on sait que dans le système militaire on est tenu de respecter la hiérarchie. Il faut donc la bouc… pour éviter des représailles», dit-il.
La grande nébuleuse
Car comme toujours, les reproches ressurgissent toujours au lendemain des déceptions. Ce qui accentue la colère reste les ponctions opérées sur les salaires à la source pour financer le fonctionnement de la Mutuelle. Les officiers participent à hauteur de 7 500 Francs Cfa, les sous-officiers versent 5 000 Francs et les militaires de rang participent à hauteur de 3 500 Francs. Sans oublier aussi l’assurance vie prélevée sur les salaires directement à hauteur de 5 000 Francs le mois grâce à un partenariat noué avec une société d’assurances. Ce qui constitue une manne financière assez consistante pour la Mutuelle qui fonctionne sans charges majeures. Car elle utilise les locaux, l’eau, l’électricité et le personnel de l’Armée. Désabusé, cet officier supérieur n’a pas de mots pour caricaturer la gestion jugée nébuleuse par plusieurs militaires.
Dernièrement, la Mutuelle a connu aussi une mue qui ne rassure guère les hommes de tenue. Avec la naissance de la Banque du soldat, les travailleurs se retrouvent aussi dans un nouveau cercle vicieux. Selon des interlocuteurs, les cotisations font entrer dans la banque «200 millions de Francs sans compter les investissements qu’elle effectue ainsi que les pensions des retraités et des invalidités.» Un retraité de l’Armée ne cesse de se lamenter : «C’est difficile de percevoir son salaire. La banque assure les deux premiers jours, mais pour le reste on peut rester jusqu’au 10 ou 11 du mois sans avoir notre pension. Qu’on nous explique où va notre argent qui est viré normalement par l’Etat du Sénégal.»
Dans l’Armée, les retraités ont droit à un prêt social de 500 mille qui devrait être effectif avant même l’annonce de la mutation de la radiation. «Ce qui n’est pas le cas. On peut rester trois ou quatre mois sans entrer dans ses fonds alors qu’au niveau de la Mutuelle de la gendarmerie tout se fait en 48 h. On paie nos agios (1 000F) alors que pour recevoir nos pensions d’invalidité, c’est la croix et la bannière. Il n’y a pas d’explication. Dans la gendarmerie, en 48 h, les gens ont leurs prêts sociaux», rajoute un autre officier. Quid des comptes d’épargne ? «C’est encore plus compliqué. Tu peux rester plusieurs jours sans pouvoir rentrer dans tes fonds alors que c’est de l’argent qu’on épargne. C’est un scandale», souffle un autre.
Le Pca injoignable
Dans le cadre de ce papier, il a été presqu’impossible d’avoir la version du président du Conseil d’administration de la Mutuelle et de la Banque du soldat. Pourtant, plusieurs messages ont été laissés auprès du réceptionniste de la Mutuelle sans retour. La dernière tentative d’hier a coïncidé avec le voyage du président du Conseil d’administration.