GLOIRE AU VIN !
Quelle admirable boisson que le vin, quelle réussite de la nature et de l’homme que ce breuvage, le plus propre entre tous à réjouir le coeur !
A réjouir le coeur, certes, à exalter l’esprit, aussi, à rendre l’âme plus généreuse, l’être tout entier meilleur. Je lui dois des moments comme celui-ci, parmi les meilleurs que la vie nous permet de connaître.
Des moments pleins, savoureux, aimables, où l’on se sent bien, où l’on sait ce qu’est le plaisir de vivre !
Se sentir bien, avoir confiance en soi, n’éprouver ni regret, ni crainte, prendre conscience de sa valeur et d’une foule de choses dont l’intérêt apparaît avec force… Apercevoir bien mieux les réalités, tout en donnant à son imagination le champ libre. Etre délivré d’une foule de contraintes qui oppriment la personnalité ; les mots, les gens, les choses révélés prenant du relief… La vie, la vie, enfin devenant infiniment plus souriante ; et le courage, l’ardeur, le désir, l’allégresse donnant à toutes choses un autre aspect ! Comme on est bien, vraiment, comme il faudrait que l’on puisse rester ainsi, enthousiaste, confiant, disponible !
Dieu a dit : « Plus vous serez lucide et plus vous serez apte à l’espérance». N’en doutez pas : l’espérance, ce n’est pas l’espoir imbécile du bonheur, c’est la confiance dans l’existence et le désir du meilleur.
Comment peut-on vivre sans vin, et qu’est-ce qu’un bon repas sans lui ? Je plains ceux qui n’ont jamais connu ce magnifique état de satisfaction intense, cet instant de jubilation profonde que nous procure un repas abondamment accompagné de bons vins – car la qualité joue ici un rôle important. Je plains ceux qui ne connaissent pas la sensation inégalable qui nous vient d’avoir bu et mangé, non pas vraiment trop, mais assez trop tout de même !
Bien sûr, le recours à l’alcool pour éprouver un état d’euphorie, ou d’exaltation, plus ou moins grossier, est chose commune dans le monde entier, mais il ne s’agit nullement du même plaisir, de la même qualité de sensations et de sentiments. Se saouler est facile, avec n’importe quoi. Mais il ne peut s’agir de cette générosité que donne une ivresse mesurée, de cette lucidité bienfaisante, de cet épanouissement qui éclaire le destin et rend la vie meilleure.
Ce qui importe c’est d’atteindre, sans la dépasser, la dose idéale, grâce à quoi l’on est gai sans trop d’exubérance, clairvoyant sans pessimisme, et l’on connaît un sentiment de plénitude sans lourdeur, un courage sans agressivité, qui nous vaut assez d’estime pour nous-même et d’indulgence pour autrui.
Admirable breuvage, donc, je te salue, ô vin, et je souhaite te devoir encore plusieurs de ces moments que je viens de tenter de décrire. Je te salue et te remercie pour le soulagement que tu m’as apporté dans de tristes périodes, pour le réconfort que j’ai trouvé en toi dans les moments d’amertume. N’est-ce pas à travers toi que j’ai aperçu certaines vérités dont j’ai appris à me servir et qui m’ont donné confiance, qui m’ont permis de mieux vivre ?
N’en est-il pas plus d’un qui pourraient te rendre cet hommage, pour les mêmes raisons ? C’est en leur nom, aussi, que je te salue ! Ils ne me désapprouveront pas ! Et tant pis pour les prêcheurs plus ou moins officiels et rarement de bonne foi qui s’exercent à nous faire honte, en montrant du doigt ce que créa Dieu pour le plaisir des sens, à propos de ce que nous buvons et de bien d’autres choses, à grand renfort de statistiques. Il parait que - d’après celles-ci – nous sommes les plus grands ivrognes de la terre. A les en croire, on se demande comment nous sommes encore debout et pourquoi tous les piétons ne titubent pas dans les rues !